Alkemi, un studio au carrefour des genres

Alkemi, un studio au carrefour des genres

19 janvier 2024
Jeu vidéo
Alkemi
« Foretales », jeu vidéo développé par Alkemi Alkemi

Implanté à Nantes depuis 2009, le studio conçoit des jeux aux influences multiples qui déjouent les frontières des genres vidéoludiques. Une marque de fabrique qui a contribué à forger l’identité de la structure nantaise que nous raconte Alain Puget, son cofondateur.


« Je ne supporte pas de créer des jeux qui existent déjà ailleurs. » Alain Puget, le cofondateur et directeur du studio Alkemi, est catégorique : imaginer des jeux vidéo, c’est avant tout se démarquer. Basé au Hub Créatic de Nantes, le studio a fait de la rencontre entre des genres a priori difficiles à marier son ADN. Une identité que l’on retrouve dans les différents jeux publiés sous son label : Transcripted, Drifting Lands, Foretales et An Ankou. L’histoire commence en 2009. « Quand on fonde Alkemi, on sait dès le départ qu’il ne faut pas brûler les étapes, raconte Alain Puget. On souhaite d’abord financer notre activité et nos futurs jeux en tant que prestataire de service dans le domaine du web. À cette époque, je ne sais pas encore précisément quels jeux je souhaite concevoir… Le jeu vidéo, c’est très difficile d’en vivre, et encore plus difficile à rentabiliser. C’est d’ailleurs pourquoi le soutien du CNC est crucial parce qu’il permet à des studios émergents et indépendants de se lancer. » Durant ses premières années, Alkemi propose donc à des sociétés tierces des outils développeurs et supports, ainsi que des solutions de marketing numérique et de développement visuel. C’est en 2010 que commence véritablement la conception du premier jeu vidéo du studio nantais, une fois que son « activité alimentaire » est installée et sa situation stabilisée.

 

En 2012, le studio développe donc Transcripted. Ce projet mêle jeu de tir endiablé [« shoot'em up »  ndlr] et jeu d’alignement de symboles [descendant de Tetris – ndlr]. Le joueur y pilote une sonde microscopique et bataille contre des hordes de virus et de cellules. « Transcripted est né d’une idée, une toute petite idée… Au début, il existe sous la forme d’un jeu Flash, qui se joue sur navigateur gratuitement. C’est encore très à la mode à l’époque, se souvient Alain Puget. C’est un projet qu’on a réalisé très vite, en deux ou trois semaines. Un an plus tard, Transcripted est devenu notre premier projet commercial, retravaillé avec un moteur 3D. Mais à l’origine, il s’agit plutôt d’une expérimentation qu’un vrai projet de jeu. »

Le second, Drifting Lands, sort en 2017. Cette fois, le « shoot’em up » rencontre le « roguelike », c’est-à-dire le jeu d’affrontement à la Diablo. Le joueur est à la barre d’un vaisseau avec l’objectif de combattre une floppée d’ennemis dans le ciel. En parallèle, il doit acquérir de l’expérience pour améliorer ses armes et son équipement, et ainsi réussir sa mission. Ce nouveau mélange des genres contribue à forger l’identité du studio. « On nous connaît de plus en plus pour l’originalité de nos projets, c’est notre plus-value », analyse Alain Puget. « On prend volontairement à contre-courant certaines modes. On se plaît à déjouer les clichés dans le milieu, ce qui peut parfois déstabiliser certains joueurs, qui n’aiment pas changer leurs habitudes de jeux. »

 

Foretales est le dernier-né du studio. Pour le définir, Alain Puget évoque les jeux de cartes de type « deckbuilding » [où l’on compose son paquet de cartes au fur et à mesure du jeu pour l’améliorer – ndlr], à l’image du jeu Hearthstone, dérivé de l’univers de Warcraft. Avec une différence : l’envie de développer une narration ambitieuse. « Ce projet a beaucoup évolué, souligne Alain Puget. Foretales est en effet un jeu de cartes narratif expérimental, un jeu où l’on crée une histoire… Elle nous est racontée par le biais de cartes que l’on combine pour créer différentes actions. » Le jeu ancre son récit dans un monde médiéval fantastique peuplé d’animaux anthropomorphiques. Le joueur incarne un rôdeur nommé Volepain, qui doit empêcher la fin du monde… « Tout est fait pour encourager l’expérimentation, créer des combinaisons aux multiples effets. On laisse ainsi l’entière liberté aux joueurs pour influencer l’histoire et la faire avancer. Et on est particulièrement satisfaits parce qu’on a réussi à les accrocher. »

 

Alkemi travaille sur la direction artistique de Foretales dès 2019. « Nous disposions alors des premières illustrations, des premiers concept-arts… Le prototype a été réalisé les six premiers mois de l’année 2020. Il avait déjà presque la même apparence que le produit fini », précise Alain Puget. En revanche, l’équipe peine dans son développement technique. « En toute honnêteté, les premières versions du prototype fonctionnaient mal. Il a fallu privilégier la narration à la technique. Le résultat est donc moins à chercher du côté du très technique Hearthstone, mais plutôt de celui de jeux comme Signs of the Sojourner ou Encryption, des références du genre “deckbuilding ». Signée Pierre-Vincent Cabourg et Anaïs Lehoux, l’esthétique de Foretales puise ses influences dans les dessins animés Disney des années 1970. Robin des Bois a d’ailleurs été l’une de leurs références visuelles. De son côté, la narration a été développée par Gareth Owen, un auteur anglais déjà à l’œuvre sur les jeux vidéo The Wreck ou encore Enterre-moi mon amour du studio bordelais The Pixel Hunt.

Sorti en septembre 2022, Foretales a bénéficié de premiers retours très enthousiastes. C’est pourquoi avant même sa sortie officielle, le studio met en ligne une version de démonstration de son prochain jeu de survie, An Ankou [du nom de la faucheuse des légendes bretonnes – ndlr]. 

 

Et là encore, Alain Puget n’a pas su (ou voulu) se brider. « Ce projet était censé être très sage, puisant ses influences dans Vampire Survivors, avec une formule “roguelike”, explique le fondateur d’Alkemi. Mais je n’ai pas réussi à me canaliser… J’ai cherché à donner davantage de place au crafting [la création et la personnalisation d’objets en fonction de ressources récoltées dans le jeu – ndlr]. C’est une mécanique de jeu classique mais nous avons œuvré à la rendre particulièrement unique dans An Ankou. » Le jeu est à découvrir en accès anticipé sur Steam.