« Steelrising », Bot save the Queen

« Steelrising », Bot save the Queen

22 septembre 2022
Jeu vidéo
« Steelrising » permet d'explorer des monuments parisiens comme la Bastille et les Invalides.
« Steelrising » permet d'explorer des monuments parisiens comme la Bastille et les Invalides. Spiders

Après s’être inspiré de l’Europe du XVIIe siècle pour construire l’univers de GreedFall, le studio français Spiders revisite le Paris de la Révolution dans Steelrising. Sa présidente Jehanne Rousseau, également scénariste principale du projet, revient sur la genèse de ce jeu de combat peuplé d’automates, quelque part entre Alexandre Dumas et Bloodborne.


Pouvez-vous introduire le monde de Steelrising qui, comme GreedFall, détourne l’histoire au service d’une intrigue fantastique ?

C’est un jeu qui se déroule durant une version fantasque de la Révolution française. Pour réprimer le début de la révolte, Louis XVI décide de lâcher une armée d’automates sur Paris. Dans Steelrising, on incarne Aegis, une femme automate qui est le chef-d’œuvre d’Eugène de Vaucanson. On débute le jeu en tant que garde du corps de la reine, qui nous envoie essayer d’arrêter l’armée d’automates, retrouver Vaucanson et ses enfants. Niveau gameplay, c’est un RPG [jeu de rôle] qui est très axé combat et qu’on peut classer dans la catégorie des soulslike [un genre de jeu d’action exigeant popularisé par le studio japonais FromSoftware].

Marie-Antoinette et les robots, ça marche bien !

Pourquoi avoir ancré Steelrising dans un univers uchronique ?

De manière générale, le côté uchronique nous a paru nécessaire pour pouvoir justifier le gameplay. On voulait avoir une opposition importante dans les affrontements qui ne soit pas humaine, car cela aurait pu manquer d’intérêt. On avait vu des vidéos des automates géants que l’on peut trouver sur l’île de Nantes [Les Machines de l’Île] et on s’était dit qu’il serait génial d’intégrer ce genre de créatures dans notre univers. GreedFall nous avait prouvé qu’en tant que studio français, on pouvait apporter une touche unique lorsqu’on utilise un contexte historique familier. En considérant que le XVIIIe siècle est réellement la grande période des automates, on s’est dit qu’il y avait un lien à faire. En plus, cela va paraître un peu pop et décalé, mais Marie-Antoinette et les robots, ça marche bien ! 


Comment avez-vous envisagé la narration sur des sujets politiques dans un genre qui laisse en général assez peu de place à la parole ?

On aimait beaucoup la narration environnementale des soulslike, qui se fait principalement à travers la description des objets que l’on ramasse. Cependant, l’ADN de Spiders reste le jeu narratif. En sélectionnant nos personnages, on a choisi les plus mémorables comme Robespierre et La Fayette, mais on a aussi eu envie d’aller chercher des personnalités méconnues qui nous permettraient d’aborder des thématiques pertinentes. On a ainsi pris un grand plaisir à découvrir l’abbé Grégoire et Julien Raimond, tous deux engagés dans la lutte contre l’esclavage. C’était un propos très ancré dans l’époque et d’une importance majeure, en raison de ses répercussions économiques et du fait que cela a entraîné la révolution haïtienne. On voulait couvrir ces personnages « oubliés » pourtant tout aussi emblématiques de l’esprit révolutionnaire.

On a passé beaucoup de temps sur Gallica, une source absolument extraordinaire pour accéder à des documents d’époque.

Comment s’est déroulé le processus de reconstitution historique ? Avez-vous fait appel à des experts comme Ubisoft pour la série des Assassin’s Creed ?

On a passé beaucoup de temps sur Gallica [la bibliothèque numérique de la BNF], une source absolument extraordinaire pour accéder à des documents d’époque : par exemple des discours de Robespierre, pour retrouver son ton et sa façon de parler, mais aussi mieux comprendre ses idées en juin 1789. Tout le monde connaît le Robespierre de la fin de la Révolution, le loup sanguinaire, mais peu le Robespierre idéaliste de l’époque. On a cherché des plans du Paris d’époque, des gravures de différents monuments, afin de documenter autant que possible la ville et les personnages. Dans le cas de Julien Raimond, on s’est aussi adressé à une historienne spécialiste des personnalités engagées pour l’égalité des droits et la fin de l’esclavage, car on a peu d’informations à son sujet. Par ailleurs, on n’a pas fait appel à des spécialistes pour la reconstitution de Paris, même si on avait envie que les monuments les plus emblématiques comme la Bastille, la tour du Temple et les Invalides soient reconnaissables. Notre but n’était pas de faire un cours d’architecture mais de proposer un environnement à la fois merveilleux et adapté au gameplay. Le jeu insiste particulièrement sur la verticalité. On a dû modifier les proportions de certains bâtiments pour les rendre plus adaptés au parcours qu’on voulait offrir au joueur. Il ne faut pas y voir un métrage précis du Paris de l’époque. 


Quelles sont les inspirations artistiques de Steelrising ?

Surtout des œuvres littéraires, notamment Alexandre Dumas qui a écrit un certain nombre de romans dont l’action se déroule à cette époque (Le Collier de la reine). On s’est inspiré de son langage et de certains personnages qu’il a mis en avant, à l’image du comte de Cagliostro. Côté jeux vidéo, les références évidentes sont plutôt japonaises : la trilogie Dark Souls, Bloodborne, mais aussi Nioh et Sekiro : Shadows Die Twice. On voulait rester fidèles à l’esprit des souls, une passion pour une bonne partie de l’équipe du gameplay, tout en ajoutant de nouveaux éléments comme un côté Metroidvania [un monde fait de zones interconnectées dont certaines se débloquent en fonction de l’avancement dans le jeu] dans la conception des niveaux. 

Malgré l’influence indéniable de jeux comme Elden Ring et Sekiro, dans le gameplay, Steelrising possède sa propre identité. Qu’est-ce qui le différencie de ces titres ?

Déjà, on n’a pas exactement le même budget. (Rires.) La grosse différence est le mode assist. Que ce soit pour les personnes trop pressées pour apprendre les paterns [l’ensemble des attaques] d’un boss [ennemi(e) puissant(e) qu’il faut battre pour accéder au niveau suivant], les personnes qui ont deux mains gauches ou tout simplement les personnes en situation de handicap, on a eu envie de créer un mode pour permettre au plus grand nombre de profiter du jeu. On savait qu’une bonne partie des joueurs de GreedFall utilisaient le mode story pour ne pas avoir à trop rentrer dans des combats difficiles. Les niveaux de difficulté habituels n’allaient pas forcément avec un soulslike. C’est pour cela que l’on a créé des réglages ouverts au joueur. Il peut décider sur quels leviers agir (quantité de dégâts, régénération de l’endurance...) pour rendre l’expérience la plus agréable possible. On avait suivi une formation de Cap Games, une association qui s’occupe de rendre les jeux accessibles aux personnes en situation de handicap, et leur discours nous a particulièrement convaincus. Il nous semblait nécessaire de faire en sorte que personne ne soit rejeté par un jeu pour des raisons d’accessibilité. 

Steelrising

Sortie : 8 septembre 2022
Développeur : Spiders
Éditeur : Nacon
Genre : RPG / Action

Le jeu vidéo Steelrising a été soutenu par le CNC