Aide au parcours d'auteur : résultats des commissions de 2024

Résultats des commissions

31 décembre 2024


Jihane Chouaib

Parrainage collectif

« Née à Beyrouth, je suis une enfant de la guerre civile. Je fais partie des survivants, des exilés, des diasporiques. J'ai été élevée au Mexique, parmi les fantômes, immergée dans un réalisme magique vibrant, qui m'a persuadée de la coexistence du visible et de l'invisible. Puis je suis arrivée en France - le pays de ma langue - et c'est là que j'ai découvert le cinéma.
Lorsque j'explore les frontières du fantastique (Otto ou des confitures et Sous mon lit), le film érotique (Dru), la quête identitaire (Go Home) ou même le documentaire (Pays Rêvé), je crois en l'importance de la poésie. De la forme. De la fiction. Les histoires qu'on raconte et qu'on se raconte, comme salut, défense et contre-attaque face à la violence du monde.
Demandée dans l'urgence du retour de la guerre au Liban, l'Aide au Parcours d'Auteur me donne la liberté d'aller avec force et vélocité vers un film encore tâtonnant, obscur, mais ardemment nécessaire. Un documentaire de création qui explore les ravages de cette nouvelle guerre dans les cœurs et les imaginaires de la diaspora. Qui cherche à rendre compte de ce gouffre qui s'est ouvert au milieu de nos vies. Et qui tente de comprendre ce qui fait que dans le regard de l'Europe d'aujourd'hui, nous ne nous sentons plus tout à fait humains. »

Boubacar Sangaré

Parrainé par Boris Lojkine

« Dans la dernière séquence de mon documentaire Or de vie, je me mets en scène avec mes personnages pour illustrer la relation entre filmeur et filmé et partager une réflexion sur les alternatives possibles dans la vie. Ayant moi-même travaillé dans l'orpaillage, dans mon adolescence, je suis aujourd’hui réalisateur. Je leur témoigne de la possibilité de construction d’une vie autre.
L’aide au parcours d’auteur s’apparente au même type de passerelle témoignant de la possibilité d’un approfondissement de ma démarche créative avec de nouvelles recherches et explorations pour mes futures œuvres.
Mon parcours de réalisateur s'est construit sur diverses expériences, notamment la réalisation de reportages sur les droits humains en Afrique de l'Ouest. Ensuite des films documentaires style télévisuel sur des thématiques sociales et politiques comme les conditions de travail des veilleurs de nuit ou la chute du régime autoritaire de Blaise Compaoré au Burkina Faso. La maturité acquise dans l’appréhension du réel avec le documentaire télévisuel m’a conduit vers le cinéma avec cet intérêt toujours marqué pour les histoires des « petits gens ».
Je développe un cinéma qui mêle esthétisme et transgression des genres. Avec l'aide au parcours d'auteur, j’envisage une recherche et des interviews documentaires pour approfondir cette démarche narrative à travers deux projets : La Victime et Baba Sora, le playboy.
La victime est une fiction inspirée d’un fait divers qui s’est produit au Mali dans les années 1960. En une journée, la scène de crime d’un féminicide devient un théâtre populaire où le patriarcat se met en scène. Le réel fictionné est complété par une mise en scène documentaire dans l’optique de cette transgression des frontières entre fiction et documentaire.
Je pousse cette imbrication entre genres avec Baba Sora, le playboy. Dans cette enquête documentaire sur la vie du robin des bois africain, la figure du réalisateur est mise en scène pour que naisse un autre lien entre documentaire et fiction. »

Yann Gonzalez et Alain Garcia Vergara

Parrainés par Christophe Galati

« Comment transmettre la puissance charnelle et émotionnelle de nos morceaux préférés ?
Alain mixe dans des soirées ou pour des radios indépendantes.
Yann réalise des films dans lesquels certaines musiques – souvent découvertes par Alain – tiennent un rôle essentiel.
Nous collaborons sur des clips dont Alain assure la direction artistique et Yann la mise en scène.
Avec Memory Slot, nous souhaitons aller plus loin ; être plus fous, plus folles, plus radicaux.
Ce nouveau projet est une anthologie, ou, pour rester dans le domaine musical, une sorte de compilation filmique ; mieux encore, une mixtape érotique ! Dix films, dix fantasmes, dix morceaux. Et, au bout, un long métrage d’environ 1h10. Des morceaux courts ou longs (De 2 à 15mn) qui évoluent dans des genres qui nous touchent : pop, ambient, shoegaze, techno… Des morceaux d’artistes connus, mais pour la plupart à la périphérie, à l’instar des sexualités / identités que nous souhaitons mettre en scène.
Comme dans She Mirror, que nous avons co-réalisé en 2018 à partir d’images d’archives, il s’agira de subvertir l’imagerie érotique essentiellement hétéronormée avec laquelle nous avons grandi pour la ramener sur le terrain du queer, des identités troubles, de pratiques considérées comme déviantes, tout en en célébrant la poésie, la beauté, mais aussi les affects.
L'aide au Parcours d'Auteur nous offre un temps précieux pour développer Memory Slot. Le temps de terminer l’écriture de l’ensemble des chapitres du film. Le temps de contacter les auteur.ice.s de chaque musique et de gagner leur confiance. Le temps de convaincre des partenaires financiers probablement très éloignés de la sphère traditionnelle du cinéma. Le temps, enfin, de caster un maximum d’acteurices, en France bien sûr, mais aussi au Mexique, où nous souhaitons tourner au moins deux segments. »

Laurine Estrade

Marrainée par Céline Sallette

« Chacun de mes projets est une mise en mouvement : je pars de moi pour aller vers l’Autre. Cette mise en miroir, en « réflexion », a, à son commencement, une problématique personnelle tenace qui vient, par hasard ou synchronicité, rencontrer une personne ou un évènement du réel, ou je dirais plutôt : de la vie. Cette étincelle provoque mon envie de raconter et c’est ainsi que la forme se définit d’elle-même : film documentaire, documentaire sonore, série… J’ai circulé jusqu’ici dans cette pluralité de genres qui se complètent et se répondent.
Je suis à un moment charnière de mon parcours d’autrice depuis que je me suis mise à rêver des projets de fictions historiques. En particulier un long-métrage adapté d’un fait divers qui se déroule en 1700 dans la campagne ornaise pour lequel j’ai besoin de faire un travail de recherche conséquent. L’aide au Parcours d’auteur va me permettre de plonger encore plus en profondeur dans les archives, d’aller à la rencontre d’historien.ienne.s et de faire des expériences de terrain pour nourrir l’imaginaire de ce film. »

Jean-Baptiste Alazard

Parrainé par Gaël Lépingle et Boris Lojkine

« Ici, depuis certainement le XIIe siècle, un canal principal prend l'eau de la rivière en amont du village, et par un savant système de branches secondaires et de trappes, la dirige sur tout le territoire de la commune. Ce système d'irrigation permet à toutes les parcelles agricoles et aux potagers d'être arrosés. Pour contrer la sécheresse qui sévit depuis deux ans dans la région, les habitants envisagent une restauration de tout le réseau. C'est un projet qui relève un peu de l'épopée : les travaux se feront à la main, à flanc de montagne, dans les creux de la forêt. Ils s’étaleront sur plusieurs années, et l’aide de Parcours d’auteur m’aidera à vivre pendant une durée de tournage si longue. Pour les villageois et les villageoises, entreprendre un tel chantier, c'est s'inscrire dans les pas de celles et ceux qui ont bâti ces canaux il y a presque dix siècles, mais aussi dans la continuité de celles et ceux qui les ont entretenus jusqu'à aujourd'hui. Il s’agirait donc, avec Récoltes et semailles, d’enregistrer les gestes, les savoirs-faire et les rapports aux autres formes du vivant de la communauté humaine qui vit aujourd’hui dans ces montagnes, comme une prière en mémoire de celles qui sont passées et en promesse de celles qui sont à venir. »

Maher Abi Samra

Parrainage collectif

« L'aide au parcours d'auteur va me permettre d'élaborer un film sur la logique coloniale dans les prisons israéliennes et américaines au Proche-Orient. Il s’agira de créer un espace, dans lequel d’anciens détenus palestiniens, libanais, irakiens, nous confieront leurs manières de résister, par leur colère, leur refus, la puissance de leurs imaginaires. Tout autour d'eux, des images seront projetées : des chercheurs au service d’un État colonial définissent des méthodes efficaces pour détruire la résistance des détenus, des archives historiques donnent à voir différentes manifestations du système colonial dans le monde... En mêlant différents dispositifs, collage, photo-roman, archives, mises en scène, théâtre, j’espère construire une histoire des corps colonisés qui résistent et se libèrent, face à un pouvoir qui veut les anéantir. »

Louise Groult

Marrainée par Naïla Guiguet

« L’aide au parcours d’auteur va me permettre de prendre à bras le corps un projet autour duquel je tourne depuis longtemps, qui porte sur la naissance de la scène punk normande. Je me suis jusqu’ici attelée à l’écriture de personnages ados en proie à un malaise vécu en solitaire, et ce projet dessine un nouvel horizon narratif puisque je vais à la rencontre d’une jeunesse qui refuse son impuissance. On remet le quotidien et ses galères au centre, on tue les idoles et on brûle les héros. Je m’intéresse surtout à la jeunesse prolétaire, au punk comme renversement du stigmate, sous son angle politico-esthéthique. L’idée est d’écrire le début et la fin d’un groupe punk, sur une période de 1977 à début 80. Comment on devient punk en Normandie à une époque où il n’y a rien pour accueillir ce genre d’initiative ? Et plus largement, comment se crée une communauté ? (Si Londres a le Roxy’s, New York le CBGB, Paris les Bains douche, la Normandie a la MJC d’Hérouville Saint Clair, par exemple). C’est aussi une manière de revenir au territoire de mon enfance, en rendant compte de sa vitalité et sa complexité, et de son important historique rock. C’est également du pain béni pour la fan de teen movie que je suis - j’ai envie de quelque chose de poisseux, trash, drôle et triste ! L’aide au parcours d’auteur me donne l’espace nécessaire à la recherche et va me permettre d’aller à la rencontre d’acteur·ices de la scène, de chercheur·euses spécialistes du sujet. À ce stade, c’est un encouragement précieux pour la suite. »

Siegrid Alnoy

Parrainage collectif

« La bourse Parcours d’Auteur va me permettre de me consacrer à l’élaboration de deux projets au long cours, radicalement opposés dans leur économie, leur fabrication et leur forme, mais liés par cette mise en danger de l’exploration du territoire de l’intime, qui dans les deux cas s’avère politique.
Si l’un de ces deux projets est le fruit d’un désir mûrement éprouvé, l’autre s’est brutalement imposé par l’effraction d’un redoutable événement dans ma propre vie, ignorant que depuis la caverne de la blessure couvait la possibilité du cinéma… car cela vient contrarier tout ce que je m’étais jusqu’alors refusé dans mon travail : faire fond sur mon histoire personnelle et me construire moi-même comme un personnage de récit (sujet regardé et regardant). C’est ainsi que je peux affirmer que je ne serai que l’humble co-autrice de ce film dont le principal auteur est avant tout le réel, un réel qui, d’expériences en expériences, de découvertes en découvertes (historiques, scientifiques, juridiques, etc.), n’en finit pas de me surprendre, de me passionner comme de me révolter, et auquel j’ai choisi d’apporter une rime, ma rime libre, dans cette marge étroite que me permet ce métier de cinéaste… et cela bien au-delà de mon autobiographie.
Ces deux projets me réclament un investissement conséquent, intellectuel certes, mais aussi sensible, pour ne pas dire inflammable, des recherches et explorations d’archives, un premier voyage d’étude, des rencontres dites d’experts aux approches diverses, des témoignages, des tournages (pour certains conservatoires), des travaux photographiques, des périodes de montage des éléments enregistrés, etc., avant d’entrer dans un cadre de production plus établi.
L’aide au Parcours d’Auteur m’offre la liberté de sanctuariser ce moment de gestation que je me dois, pour l’un, et que je souhaite, pour l’autre, réaliser en toute autonomie, en m’achetant également un peu de matériel (image & son).
Le premier projet, ou plutôt celui pour lequel je m’étais exclusivement réservée, est un projet de film ou de série, je l’ignore encore, autour de la figure aux mille visages d’Isabelle Eberhardt, cette exilée « Russe au désert », excessive et idéaliste, scandaleuse et mystique, première occidentale initiée soufie, première femme reporter de guerre, anticolonialiste au cœur de l’Algérie française, féministe et convertie à l’Islam, éblouissante écrivaine, qui n’a eu de cesse de troubler l’ordre social jusqu’à risquer sa vie dans cette invariable élaboration et élucidation d’elle-même, et dans cette quête profonde pour construire son identité hors des chemins de sa naissance, morte le 21 octobre 1904 à 27 ans, à Aïn-Sefra dans l’extrême sud algérien. Au regard de sa trépidante et tumultueuse vie extérieure et de sa mélancolique et fiévreuse vie intérieure, je dois, avant toute chose, prendre le temps de comprendre ce que je vise - à ce titre, j’ai déjà rencontré à plusieurs reprises Tiffany Tavernier, sa dernière biographe -, excaver les principaux enjeux biographiques, politiques et mystiques pour y faire naître les points d’accroche d’une dramaturgie, mais aussi et avant tout estimer le(s) meilleur(s) axe(s) qui coopère(nt) avec ma vie de cinéaste et de femme.
Le second projet, ou plutôt celui dont je n’ai choisi ni le thème, ni les motifs et encore moins le/les personnages mais qui cogne à ma porte, est une enquête sur l’histoire du viol, à la croisée du documentaire, de l’autofiction, du journal de bord, aussi bien littéraire qu’en images, du poème cinématographique, expérimental sans doute aussi dans son expressivité plastique, en somme un essai filmique, certes impulsé par un élément dramatique, autobiographique, mais qui vise un partage, pas uniquement d’expériences et d’affects d’ordre privé, – à ce titre les violences faites aux femmes et aux enfants sont aujourd’hui un sujet politique -, mais aussi, quand bien même j’ignore encore totalement l’équilibre entre intériorité et extériorité - un partage de connaissances que j’appelle « scientifiques » (c’est à dire historique, philosophique, juridique, neuroscientifique, etc.). L’enjeu de ce film, comme toute autofiction d’ailleurs, et que je vise comme polyphonique à travers ce foisonnement d’approches, se propose de regarder le monde droit dans les yeux, tout en se donnant soi-même comme l’objet de sa propre observation, comme sujet d’étude et de création, et qui sera comme une réponse, à l’hybridation formelle revendiquée, à : comment conquérir sa puissance depuis l’expérience extrême de l’impuissance, comment voyager à la proue de soi-même suite à une désertion de soi, au dégoût et au rejet de soi. »

Hakim Mao

Parrainé par Gaël Lépingle

« L’Aide au Parcours d’Auteur va accompagner mon passage des courts au long-métrage.
Si mes courts ont en commun le traitement de thématiques liées aux relations queers, cela se retrouvera aussi au cœur de mon projet Atlantic Mirage, premier long-métrage de fiction, thriller fantastique, avec une variation : celle d’inscrire une histoire profondément queer, sans en faire un sujet pour autant, ancré dans l’environnement qui m’a vu grandir, ainsi que mon désir de cinéma : la cité balnéaire d’Agadir, sur la côte atlantique marocaine.
Le défi de créer, dans cette ville, un contexte à la fois réaliste et fantastique des personnages queers qui portent haut leurs couleurs et ne rougissent pas de ce qu’ils sont sans en faire LE sujet du film. Et donc le défi également de trouver les bons comédiens pour incarner mes deux personnages principaux, au Maroc, capables et ayant envie d’incarner cette histoire dans ce qu’elle a de plus cru dans sa représentation des rapports nord-sud.
Cela nécessitera du temps, en plus de l’écriture et du développement, que l’aide va me permettre de prendre, mais cette perspective est très stimulante, et à voir la vitalité du jeune cinéma marocain, j’ai peu de doutes qu’une génération de comédien.ne.s n’attend que de se révéler et j’ai hâte de la rencontrer ! »

Joe Rohanne

Parrainé par Lého Galibert-Laîné et Sébastien Laudenbach

« Après deux fictions, de facture classique, et un documentaire de création, je souhaite imaginer et réaliser une histoire qui réponde à mon désir d’explorer d’autres manières de faire du cinéma, en écho à l’endroit intime où je me situe aujourd’hui. Féral est ainsi pour moi un film d’un nouveau genre, et de mon genre nouveau. Surtout, il est une envie puissante d’aborder des thèmes qui me sont essentiels, nécessaires, et qui m’engagent intimement et politiquement. L’un d’entre eux me touche profondément : la transidentité – et au-delà, les manières queer d’être et d’habiter le monde, hors des normes, dans les marges.
Féral sera donc une queertopie, une science-fiction queer, ma réponse par l’imaginaire au désespoir, à la résignation, au désemparement nés de notre situation planétaire actuelle. J’ai envie d’écrire une histoire qui expose des affinités et des corporalités nouvelles, où la sensibilité et l'hybridité sont des pouvoirs, et où le rêve est un outil de transformation du réel. Féral est l’histoire d’une alliance entre les formes de vie du monde qui luttent contre ce qui les détruit. Le rêve y jouera un rôle primordial et l’existence d’influences réciproques entre le rêve et le réel sera un ressort narratif et créatif clef.
Féral sera donc mon histoire de rêve-olte, si j’ose. Un « et si... » qui prend la forme d’un film, un « ce pourrait être autrement ». Et si le rêve, l’imaginaire, l’inconscient, devenaient un espace politique, un outil de lutte, de résistance, de subversion ? Et si une alliance, un destin partagé des formes de vie terrestre était possible ? Voici, pour le résumer tel que je le peux actuellement, deux des grandes questions qui animent Féral. »

Théo LE DU / Cosmo

Parrainé par Christophe Galati

« Immergé dans l'industrie et la communauté française du jeu vidéo depuis plus de dix ans, je sens qu'aujourd'hui je suis à deux doigts de “rage quit” ce milieu.
Toujours plus complexe, coûteux et chronophage, le jeu vidéo est devenu, en quelques dizaines d'années la première industrie culturelle mondiale. Alors pourquoi quitter une industrie qui semble si prospère ?  Le projet RAGE QUIT se distingue des récits habituels des success stories pour mettre en lumière l'impact réel de cette industrie sur les travailleuses et travailleurs du jeu vidéo. Derrière l'image glamour de ces “métiers passion”, se cache une exploitation systématique qui pousse les individus à bout. Désaligné·e·s de leurs valeurs, harcelé·e·s, épuisé·e·s par les pressions des studios de productions et des investisseurs, ils et elles se lassent de n'être vues que comme des ressources interchangeables, toujours plus précarisées.
“Comment faire autrement ?” À travers des portraits et récits croisés, RAGE QUIT vise à documenter ces parcours, questionner notre rapport au travail et ainsi explorer les alternatives possibles et futurs désirables pour notre industrie et notre communauté. »

Mihai Grecu

Parrainé par Lého Galibert-Laîné

« L’aide au parcours d’auteur va me permettre de me consacrer pleinement au développement de mon prochain projet, Le Nouveau Bucarest, qui est un documentaire expérimental, actuellement en phase de recherche. Inspiré de la figure mystérieuse de Julius Popper, explorateur roumain du 19ᵉ siècle, à la fois célébré comme ingénieur de génie et critiqué pour son rôle dans le génocide des peuples autochtones de Patagonie, le film interroge les thèmes du colonialisme et du génocide dans un contexte contemporain.
Ce projet puise dans mes souvenirs d’enfance sous la dictature communiste, marquée par la découverte de la Terre de Feu à travers une série télévisée d’aventures emblématique en Roumanie, appelée "Toate panzele sus". Plus tard, j’ai appris que cette région mythique et les récits qui m’avaient fasciné étaient liés à Popper, une figure méconnue de l'histoire roumaine.  
À travers ce docu-fiction, je souhaite explorer comment l’intelligence artificielle et les outils numériques redéfinissent la mémoire collective et permettent de revisiter des événements historiques. Ce projet prolonge mon travail artistique en mêlant réflexion sur l’Histoire, recherche ethnographique et innovation visuelle.
L’aide au parcours d’auteur est cruciale pour concrétiser cette vision. Elle me donnera les moyens de renforcer la recherche, d’expérimenter avec des technologies de pointe et de porter ce projet à un niveau artistique élevé. Le Nouveau Bucarest représente une étape clé dans mon parcours, ouvrant des perspectives nouvelles à la croisée du documentaire et de l’expérimentation numérique. »

Iris Chassaigne et Aaron Cohen Yanay

Parrainés par Lého Galibert-Laîné

« Après avoir écrit deux court-métrages ensemble, nous entamons l’écriture de notre premier long-métrage, Le mystère joyeux et triste de tout ce qui arrive et part. Pour celui-ci, l’ambition première est formelle : faire un film en deux parties distinctes, séparées par une rupture temporelle. La première partie sera le récit d’une journée d’un jeune homme trans français en 2024 et la seconde suivrait plusieurs personnages le temps d’une nuit dans les cabarets queer de Berlin en 1924. Par l’aspect discontinu du film, et l'absence de lien narratif entre les deux temps, nous souhaitons suggérer et explorer d’autres liens, impalpables, que nous même n’arrivons pas tout à fait à saisir et qui sont au cœur de notre travail. Parmi eux, les liens entre les cycles de progrès sociaux et de répression subséquente.
Avant de pouvoir nous consacrer à proprement parler au scénario, la deuxième partie du film nous demande un temps de recherche d’archives et de documentation sur le milieu queer des années 20 à Berlin. Nous voulons nous inspirer de vrais récits de vies pour en raconter d’autres, imaginaires et fragmentaires. L’Aide au parcours d’auteurs nous permettera de mener à bien ce processus au long cours - fait d’aller-retours entre le travail de recherche et l’écriture, entre la première et la deuxième partie, le passé et le présent. »

Lydie Turco

Marrainée par Sébastien Laudenbach

« Mon cinquième film sera un point de bascule, d'autant plus symbolique qu'il parle de mes racines et comme toute mue qui touche à l'essence de ce qu'on est, il sera la chrysalide, point de départ vers de nouveaux horizons. Car si je pratique l'hybridation dans mes projets photographiques, jusqu'ici ce n'était pas le cas dans mon travail filmique.
"Ton arrière-grand-père, Luis, était républicain espagnol. Il a fait la guerre d'Espagne." 
Il y a une quinzaine d'années, je trouve enfin le courage d'interroger mon arrière-grand-mère, Teresa, sur cette histoire familiale un peu taboue, dont je ne connais rien. Je suis alors la seule de la famille à qui elle livre le récit complet de l'exil. J'ai posé un petit camescope familial sur le rebord de la table de la cuisine, et je filme notre conversation pendant qu'elle épluche les pommes de terre, s'arrêtant par moments pour essuyer ses larmes. Je filme l'histoire avec un petit et un grand "H", car les deux sont intriquées, irrémédiablement ficelées ensemble.
J'ai besoin alors de prendre le temps de comprendre. Je finis par créer un projet photographique avec des prises de vues argentiques à la chambre photographique.  Mais cela ne suffit pas, j'ai besoin d'expérimenter le chemin, de l'inscrire en moi. Face à une histoire en partie effacée, tronquée, déchirée, niée, je ressens le besoin de matière, de surfaces, de couches, d'épaisseur. Quelque chose d'organique, de palpable, qui construit, colmate, comble. Je pense alors à une forme plus expérimentale de documentaire mêlant photographies argentiques, peinture, animation, et même pellicule cinéma. Je pense travail sonore, récits (de mon arrière-grand-mère mais aussi de descendants de réfugiés espagnols), je pense chemin de l'exil, nécessité d'éprouver. J'ai envie de créer une matière hybride pour reconstruire une mémoire fragile, matière que je dois tester, fabriquer, malaxer et découvrir afin de pouvoir ensuite entrer en écriture. Un travail nécessaire fait de collaborations, formations et expérimentations, qui demande un investissement en temps et argent. C'est ce qui m'a amené à demander l'aide au parcours d'auteurs. »

Fabianny Deschamps

Marrainée par Sébastien Laudenbach

« La culture de l’autre est impénétrable” dit Édouard Glissant et je crois que c’est précisément cet impalpable, ce mirage éreintant et fascinant que l’on tente d’approcher en tant qu’auteur et qui me fait persister à aller vers l’autre, l’ailleurs et tenter de le raconter.  C’est une quête incessante de désir contrarié et rencontré.
Depuis des années, je rêve d’emmener ma pratique sous la ligne d’horizon, celui du niveau de la mer afin de raconter la vie d’un bestiaire étrange et méconnu, maillon essentiel de notre écosystème aujourd’hui malade et menacé, qu’est le corail.
Le film, Humaine ou les métamorphoses sera un conte pélagique à l’opposé de La petite sirène d’Andersen ou d’autres ondines mythiques, un film naturaliste dont la narration sera chantée qui va demander une longue et insolite phase de recherche, mêlant prise de vue sous-marine et animation. L’aide au parcours d’auteur va me permettre de créer cet espace d’expérimentation sur un temps court, absolument nécessaire pour connaitre l’étendue des récits dramatiques et graphiques que le film peut offrir poursuivant ainsi mon travail d’hybridation des genres entre fiction et documentaire, dispositif plastique et récit. »

Jean-Luc Perreard

Parrainé par Alain Ughetto et Céline Sallette

« Être somnambule depuis l’enfance, c'est être habitué à incarner le héros de récits comiques racontés par d'autres. Des histoires qui semblent fasciner tout le monde, mais dont on n'a aucun souvenir. Le récit est souvent suivi d'une série de questions passionnées auxquelles on tente de répondre, avec le peu d'informations dont on dispose : « mais pourquoi tu faisais ça ? » « Tu t'es déjà fait mal ? » « Tu ne te souviens vraiment de rien ? » « Tu as déjà frappé quelqu'un ? » « T’as vraiment fait l’amour en dormant ? » La réponse est souvent la même : je ne sais pas…
Faire un film sur ce sujet intime est mon obsession depuis plus de quinze ans, mais ce projet est comme une le sommet d'une montagne que j'aurais essayé de gravir par toutes les voies possibles, sans succès. Pourtant je le vois, il est toujours là, il faut juste que je trouve un passage jusqu'en haut !
Il y a quelques moi j’ai commencé à filmer un jeune chercheur qui étudie cette pathologie, qui se sert de ces somnambules pour explorer le domaine du rêve. L’objet final ne sera certainement pas un documentaire classique, plutôt une recherche pour m’aider à trouver la bonne voie pour gravir ma montagne. Une recherche qui demande du temps et se finance difficilement… Et c’est là que cette bourse tombe à pic.
Il y a un moment, dans la vie d'un réalisateur, où on a l'impression que le temps file, que les projets personnels qui occupaient tout notre temps autrefois sont constamment remis à plus tard, tandis que les commandes occupent la plus grande partie de notre travail. Cette aide me paraît merveilleusement conçue pour arrêter le temps quelques mois et me permettre de replacer ces projets personnels au premier plan pour enfin les faire aboutir. 
À côté de cette aide financière, ce qui me touche dans cette bourse, c’est ce groupe de réalisateurs et d’auteurs qui se sont penchés avec bienveillance sur mon projet et m’encourage à persévérer. Impossible de baisser les bras maintenant… »

Léa Fehner

Marrainée par Naïla Guiguet et Céline Sallette

« Arpenter l’intervalle, avoir comme moteur la friction entre le réel et la fiction, ces mantras ont toujours été au cœur de mes travaux passés. Et pourtant, jusqu’à mon dernier film de fiction, « Sages-femmes », je n’avais jamais réellement découvert le documentaire. Déçue par les images d’accouchements vues habituellement dans les films, je suis partie pour ce film en tournage documentaire avec la complicité d’une poignée de familles. Un soir, seule d’astreinte, je me suis retrouvée 24h aux côtés d’une famille pour filmer la naissance de leur fille. Cette nuit-là, c’est comme si la colonne vertébrale fictionnelle de mon travail s’était brisée en deux. En filmant cette naissance, en filmant leur amour, en filmant le premier regard de cette enfant, j’ai réalisé que rien ne m’avait plus mise en alerte éthiquement que ce moment passé à leurs côtés. Trop loin on reste extérieur, trop près on se brûle, disait Depardon. Aujourd’hui, forte de cette expérience, je décide de me « brûler » et de plonger dans plusieurs projets documentaires. Je sens que cet engagement nouveau, cette expérience physique de l’inattendu est aujourd’hui nécessaire à mon écriture future. Sharmila, Isabelle, Thaïs, ce sont les trois projets éponymes qui aujourd’hui me mettent à nouveau en mouvement :
Dans le cabinet de sage-femme libérale de Sharmila, on dépose les mots et les maux. Par la confiance qui nous lie, par la confiance qu’elle ne cesse de tisser avec ses patientes, j’apprivoise l’idée de poser ma caméra dans ce lieu sensible, à fleur de peau comme à fleur d’âme. Refusant de s’imperméabiliser aux autres, Sharmila se bat contre l’idée qu’une soignante est neutre et érige sa sensibilité comme pare-feu paradoxal à son épuisement. Avec elle, c’est cette posture que je veux interroger, dans ce lieu où une porte est ouverte sur les secrets du corps des femmes.
Avec Thaïs, « déserteuse » de ses études d’ingénieure pour faire partie de la solution plutôt que du problème, c’est le journal bavard de son activisme à la météo houleuse que j’accompagne. Proche du burnout militant après un passage à la frontière biélorusse, elle cherche aujourd’hui à prendre soin de celleux qui luttent. Réparer le monde reste au cœur de ce qu’elle poursuit et le film l’accompagnera dans ses tentatives nouvelles.
Isabelle quant à elle est une femme-feu de mon enfance. Frida Kahlo du cap d’Agde, elle a élevé seule ses deux enfants alors qu’elle était en fauteuil roulant. Punk handicapée indigne aux milles amants, elle volait dans les magasins, mentait comme une arracheuse de dents, draguant férocement jusqu’aux mecs de ses meilleures amies. Refusant toute pitié et compassion, elle s’est battue pour une indépendance qui reposait autant sur son tempérament de feu que sur l’aide que sa fille adolescente lui apportait au quotidien. Point de documentaire cette fois-ci mais l’écriture d’un mélodrame sur le fil d’équilibre entre réel et fiction, faisant le portrait féroce d’une insoumise à son destin de merde.
L’aide au Parcours d’auteur m’aidera avec Isabelle à prendre le temps des nombreuses rencontres avec ses proches, tout comme celui des précautions, des tentatives qu’on abandonne quand la fiction peut blesser les vivants. Pour Thaïs et Sharmila, l’aide au Parcours d’auteur me permettra d’acheter une caméra et de commencer sereinement ces projets en faisant avancer mes questionnements de concert avec le geste produit. »

Vadim Dumesh

Parrainé par Boris Lojkine

« Ma pratique documentaire s'articule autour de la co-création, un processus collaboratif et transparent dans lequel les "sujets" du film participent activement à l’élaboration de leurs propres représentations. Cette démarche façonne un nouveau regard qui n'est pas celui de l’auteur.rice seul.e, mais – avec l'aide des nouvelles technologies – un regard porté par le sujet sur lui-même et sur son monde, à la fois inclusif, situé, personnel et singulier.
Ce processus exige une temporalité particulière, fondée sur une cohabitation à long terme au sein même des communautés où l'écriture se déploie dans la durée. Après huit ans passés à redéfinir mon rôle d’auteur de documentaire par le biais de la co-création et à réaliser un premier long métrage, LA BASE, je continue aujourd’hui à explorer les paradoxes de la créativité et de l'écriture collective.
Ainsi, alors que mes films précédents ont été réalisés au sein de petites communautés très soudées – dans des microcosmes de travailleur·se·s, auprès d'hommes et de femmes de la classe populaire, aujourd'hui je fais face au défi de renouveler mes recherches et mon approche cinématographique pour saisir le destin d'un pays tout entier en proie à une guerre dévastatrice. »

 

Régis Sauder

Parrainé par Pauline Guéna

« Obtenir cette aide au parcours d’auteur s’apparente de façon métaphorique pour moi à la traversée d’une frontière. Cette frontière sera l’objet de ma recherche, le motif autour duquel je reviens inlassablement car il est constitutif de mon histoire. Depuis que je fais des films, et sans doute très inconsciemment au début, au cœur de mes obsessions, il y a une frontière : qu’elle soit sociale, géographique ou symbolique. Les deux projets que je veux imaginer grâce à votre soutien explorent cette zone, ce laboratoire où se testent les valeurs des sociétés modernes, où sont auscultées les limites de la démocratie et de l’humanité. La frontière sera cette fois, très consciemment, un espace de recherche cinématographique. Il faudra la franchir pour passer du réel à la fiction, la traverser encore pour imaginer le trajet inverse. »

Maria Kourkouta

Marrainée par Pauline Guéna et Claire Doyon

« Faire remonter les traces : mon parcours, depuis mes premiers films expérimentaux, tourne entièrement autour de cette question, tout en cherchant à y apporter des formes différentes. Après plusieurs films expérimentaux et un long-métrage documentaire portant sur la question de notre regard sur les migrants dans le camp grec d’Idomeni, je m’apprête à donner une nouvelle forme cinématographique à la question des traces contemporaines du passé politique de la Grèce (particulièrement la période tragique, mais trop souvent oubliée, de la guerre civile des années 1940). Pour cela je pense « re-tourner », dans tous les sens du mot : arpenter les lieux fantomatiques de cette histoire muette ; explorer toute une « tradition cachée » de récits littéraires et de témoignages qui donneraient « voix » à cette histoire ; rencontrer les gens issus de celle-ci, les filmer dans leur quotidien et rendre sensible la façon dont ils portent, aujourd’hui encore, les traces physiques, psychiques et sociales de cette tragédie refoulée. »

Antoine Barraud

Parrainé par Emmanuel Gras

« L’obtention de la bourse va me permettre de développer le premier projet Bear and Little Girl, en regroupant, numérisant, sélectionnant les archives de Marta Hoskins, d'écrire avec elle les scènes de sa vie pour commencer à en élaborer la mise en scène, de commencer les premiers tournages chez elle pour la partie entretiens. Dans un deuxième temps j’utiliserai une autre partie de la bourse pour l’écriture de l’autre projet, Le lit de la rivière, une fiction cette fois, dont je voulais définir le canevas d’improvisation, écrire quelques dialogues, voire scènes mais laisser dans un état d’ouverture. J’en tournerai peut-être même une scène matrice comme je l’avais fait à l’époque sur un précédent film. Cette bourse permet, entre deux films, de prendre ce temps de développer des projets plus audacieux, moins dans les clous, une recherche on pourrait dire qui pour moi est vitale mais difficile à sanctuariser dans le rythme et l’urgence perpétuelle. Ils alimentent pourtant autant ma pratique que les projets plus conséquents, enrichissent ma réflexion sur la mise en scène et permettent de travailler avec une toute petite équipe. »

Anca Hirte

Marrainée par Virgil Vernier

« Je viens de fêter mes trente ans. Trente ans de réalisation de films documentaires.
Ce n’était pas ma destinée. Je viens de loin. Et j’ai vécu plusieurs vies.
Il est temps de commencer ma quatrième vie. L’aide au parcours d’auteur pourrait être le facteur déclencheur. L’obtenir m’offrirait du temps et de la liberté. Temps de recherche et liberté de création, denrées non achetables mais tellement dépendantes de l’argent.
Je veux retourner aux sources et sauter dans le vide en même temps. J’ai deux embryons filmiques qui poussent en moi : un long-métrage documentaire, hybride entre comédie et enquête politique, à cheval entre la Roumanie et la France, Ce bon vieux Ceaușescu ; un premier long-métrage de fiction, Aphrodite(s), axé sur le plaisir féminin.
Les deux projets me demandent un travail important en amont de l’écriture et, surtout, le luxe de la réflexion libre de soucis matériels.  Pour ce projet je suis parti de l'attitude qu'avait mon père face à la mort, très provocatrice, très bravache. Il se targuait de ne pas avoir peur, il disait qu'il mourrait où et quand il le déciderait. »

Dania Reymond-Boughenou

Marrainée par Virgil Vernier et Jean-Charles Mbotti Malolo

« Je m’intéresse ici à la figure du vampire pour questionner les aspects tabous de la conquête coloniale française en Algérie ainsi que ses répercussions jusqu’à aujourd’hui.
Cette créature mythique vient ici incarner une mémoire déniée, liée aux meurtres de masse, qui se perpétue à travers le temps de manière obscure et clandestine.
J’ai besoin d’une phase de recherche préparatoire qui serait concomitante à la réalisation d’un moyen-métrage mêlant des aspects documentaires et fictionnels avant d’entamer l’écriture du scénario de long métrage de fiction.
Dans le moyen-métrage une femme vampire au destin transgressif, témoignerait de sa condition maudite dont elle cherche à travers les âges à se libérer.
Le long métrage s’intéresserait à la fille née sous X de cette femme vampire. Confrontée à l’absence de récit sur son origine, une interrogation s’ouvre à elle : comment se construire dans un monde commun et désirable quand on est dépossédé de son histoire et que celle-ci est liée aux tabous et aux injustices de la société dans laquelle on doit vivre ? »

Emmanuel Parraud

Parrainé par Erwan Le Duc

« Quand on est d’une culture on n’est pas d’une autre et pourtant la mienne ne me suffit pas. Je poursuis le chemin amorcé depuis maintenant 20 ans à La Réunion, mon cinéma ouvert par la pensée d’Edouard Glissant à d’autres formes, d’autres modes de fabrication et de relations. Être soi-même sans se fermer à l’autre et consentir à l’autre, à tous les autres, sans renoncer à soi s’incarne cette fois dans deux nouveaux films de fiction documentés à la tonalité plus provocatrice. Ce chemin me fait remonter dans le temps, revenir dans TEMPS FORT à l’inquiétante étrangeté d'une branche de ma famille qui participe activement à la restructuration du capitalisme pendant la Collaboration… et descendre des villages des afro-descendants dans les Hauts de la Réunion, où se déroulaient mes 3 premiers long-métrages, vers la côte touristique, à ZOREIL LAND, représenter l’écosystème complexe des relations et les fictions du quotidien entre les envahisseurs zoreils, ces migrants venus de métropole, aimantés par la vie censée être plus douce sur cette île des tropiques et les natifs sans cesse repoussés plus avant dans les dents creuses du territoire, l’un ne pouvant pourtant pas se passer de l’autre pour sa survie. »

Katia Jarjoura

Marrainée par Marianne Tostivint et Virgil Vernier

« Je suis partie à la rencontre de mon pays d’origine, le Liban, et des terrains accidentés du Moyen-Orient, il y a plus de 20 ans. Munie d’une caméra, j'ai exploré et exposé la violence de la guerre, les fractures qu’elle laisse derrière, ses cicatrices indélébiles, à travers de nombreux reportages, documentaires et courts-métrages – montrant le combat des petites gens face à la Grande Histoire de leur pays. Depuis, il y a eu l’effondrement économique du Liban et du système bancaire (2019-2020) – au cours duquel j’ai perdu toutes mes économies durement accumulées au fil des années. Rage. Désespoir. Impuissance. À mon tour, je deviens un dommage collatéral du dysfonctionnement du monde. C’est alors que démarre la « saison » des braquages au Liban. Plusieurs client(e)s en colère décident de se faire justice eux-mêmes en braquant leur propre banque pour récupérer leur argent. Rapidement, je m'identifie à ces « hors-la-loi ». Je perçois leur cause comme des actes de détresse flamboyants, dignes des meilleurs films de gangsters, dans un Liban transformé en Far West. Ces incidents agissent comme un déclic – je décide de m’en inspirer pour écrire mon premier long métrage de fiction.

L’aide au parcours d’auteur va ainsi me permettre de me consacrer pleinement au développement de ce projet personnel : l’histoire d’une jeune femme à bout, qui décide de s’attaquer au symbole de l’État, les banques, pour sauver sa sœur malade. Contrairement à mes films précédents, je tiens à y incorporer davantage d’éléments dramaturgiques, en creusant l’originalité des personnages, le ton de la dérision et l’absurde des situations. Je vois ce film comme un drame social teinté de comédie noire, dans un Liban en crise, sans foi ni loi. Cette bourse me soutiendrait, entre autres, dans la poursuite de mes recherches de terrain et de mon immersion documentaire, esthétique et narrative, afin d’enrichir l’écriture du long-métrage. Ce qui m’intéresse dans cette histoire de braquage, ce n’est pas tant de coller à la réalité, que d’exposer les failles qu’elle révèle en chaque individu, et la manière dont elle reflète la société libanaise qui internalise et normalise de plus en plus la violence. Dans un État failli comme le Liban, où les assassins et les escrocs prospèrent en toute impunité, nombreux sont ceux qui estiment aujourd’hui que la justice ne s’obtient que par la force. Le pouvoir est en train de transformer d’honnêtes individus en criminels malgré eux. À travers ce récit contemporain, je souhaite saluer l’audace et le mérite de ces braqueurs ordinaires qui, tels des petits David, ont osé affronter le Goliath des banques. Et ce, avec le panache des héros de cinéma. Des héros tragiques, certes, mais des héros. Ce projet représente, en quelque sorte, ma revanche sur le rouleau compresseur de l’histoire. »

Blaise Harrison

Parrainé par Emmanuel Gras et Anne-Sophie Nanki

« Après plusieurs films, je me suis beaucoup questionné sur la manière de poursuivre, sur quoi raconter et comment, hésitant entre le documentaire et la fiction à la recherche d’une forme particulière. J’avais l’impression d’être arrivé au bout d’un chemin au cours duquel j’avais aimé filmer la France contemporaine et des territoires qui m’étaient souvent familiers, et sa jeunesse, toujours influencé ou nourri par mes propres expériences et souvenirs. En poursuivant dans cette voie, j’aurais l’impression de me répéter et de continuer à raconter la même chose. Je ressens aujourd’hui plus que jamais le besoin et l’envie d’aller voir ailleurs, de me tourner vers d’autres personnes, d’autres histoires et d’autres lieux.
L’Aide au parcours d’auteur du CNC va me permettre de poursuivre mes recherches et mon travail sur deux nouveaux projets documentaires qui me demandent chacun beaucoup de temps et qui me font quitter un temps les campagnes françaises et leurs adolescences :
Le premier est un travail au long cours à la rencontre des usagers de Crack du 19ème arrondissement, suivant saison après saison le travail et le parcours de l’Antenne mobile de l’association Gaïa dans les paysages périphériques du nord-est parisien.
Le second m’entraîne dans l’Ontario au Canada, dans les sous-sols du plus grand et ancien cratère de météorites du monde. Dans ces terres ancestrales des Anichinabés dont les descendants luttent pour perpétuer et défendre leur culture, des mineurs extraient la roche du plus important gisement de nickel au monde. Pendant ce temps à deux kilomètres sous la surface, dans les anciennes galeries d’une mine encore en activité, les astro-physiciens du SNOLAB sondent les particules ultrasensibles venues du fin fond de l’espace pour tenter de percer certains des plus grands mystères de l’univers. »

Dorothée Sebbagh

Marrainée par Marianne Tostivint et Pauline Guéna

« L’enjeu de mon travail d’auteure aujourd’hui est tourné vers une préoccupation majeure : la réappropriation du désir féminin. Françoise Frisson est une comédie mélancolique sur la puissance du déni et la résilience d’une femme de 50 ans qui, au contact d’Iris, une jeune fille à la vision du monde et des relations hommes-femmes profondément différente de la sienne, réalise qu’elle a été victime de viols 30 ans plus tôt… alors qu’elle croyait vivre sa première histoire d’amour.
J’ai été frappée il y a quelques années par une phrase de la comédienne Sara Forestier au cœur du scandale déclenché par les témoignages sur le producteur américain Harvey Weinstein : "Le désir d’une femme est plus important que celui qu’elle suscite". C’est devenu une évidence alors que je ne me l’étais jamais formulé. Et c’est avec ce prisme que j’ai voulu, en traversant depuis les répliques successives du mouvement MeToo, raconter ce que peut être la sexualité et le désir féminin aujourd’hui. Là est la genèse de Françoise Frisson : filmer le désir d’une femme, dans tout ce qu’il peut avoir de singulier, de surprenant, libéré du regard dominant, celui des hommes mais surtout celui des représentations majoritaires. C’est devenu une obsession et une détermination absolue : c’est de cela que sera faite la chair de mes prochains films. Or je suis une cinéaste et une scénariste de comédie. C’est mon A.D.N, mon regard sur le monde, c’est ainsi que je le vois, que je le pense et que j’ai profondément envie de le représenter. Je crois, comme le dit Pierre Salvadori, que "la comédie est synonyme de vitalité". Comment allier dans une même expérience de cinéma le sujet des violences sexuelles [et plus précisément : du consentement, du trauma, du déni et du resurgissement de la mémoire] et la comédie ? Est-ce que cela est seulement possible ? Est-ce que c’est compatible ? Est-ce qu’on peut moralement faire rire avec ou autour de ce sujet ? C’est justement parce que je suis une cinéaste de comédie que je ne peux pas balayer ces interrogations d’un revers de manche. Je dois chercher, je dois travailler, je dois prendre à bras le corps ces questions.
L’aide au parcours d’auteur me permet un temps précieux de rencontres documentaires auprès de femmes – et d’hommes – qui ont fait l’expérience de l’amnésie traumatique. Comment la mémoire peut-elle nous cacher des choses ? Qu’est-ce qui fait que soudain, on se souvient ? J’ai besoin aussi de faire des rencontres documentaires avec des jeunes filles et garçons qui ont commencé leur vie amoureuse après MeToo. Je veux sortir des fantasmes parfois superficiels sur la liberté sexuelle aujourd’hui, la fluidité de genre, l’asexualité. La précision de mon regard va se façonner au fil des rencontres. Mon autre enjeu de recherche est plus formel, c’est un enjeu d’écriture à partir de toute cette matière, documentaire donc mais aussi fictionnelle. J’ai besoin de travailler la matière pour trouver une réponse formelle, la bonne réponse. Comment articuler le cœur du projet, son enjeu thématique, son propos, qui est assez dur, qui est bouleversant même, avec la comédie ? L’aide au parcours d’auteur me permet aujourd’hui un laboratoire de recherche sur un sujet certes mais aussi sur une articulation formelle, narrative, une articulation de cinéma. »

Nieto

Parrainé par Erwan Le Duc et Léa Mysius

« Je m’appelle Francisco Flores, philosophe né à Asuncion, au Paraguay, en 1910, et mort en 1979 à cause de mes pratiques formicophiles… un philosophe parmi tant d’autres somnambules, singes ivrognes, chérubins ostrogoths, chiens médiums, hikikomoris songe-creux… Un hikikomori thaumaturge ! - Voici la dernière recrue de mon armée de spectres fictifs. Et oui, après tout, quand la chance vous boude et vous écorche le visage, il ne vous reste plus qu’à saisir le gouvernail dans la carapace de votre tortue pour quitter ce bas monde…
Quelle idée paradoxale que celle de devoir s'enfermer pour se libérer ! Se créer un monde à soi pour ne pas avoir à subir celui des autres…
Je m'appelle Daiichi Mori. Je vis seul, enfermé dans ma chambre depuis 30 ans, affranchi de “vous” les autres, dans ma réserve inépuisable de chaos. Ici, rien ne rime, tout bégaie dans une avalanche de divinités tarées, au point de faire rougir même Caligula. Aucun être humain n’a encore franchi ce seuil (à part ma grand-mère) sans risquer de finir en poussière de neurones… Comme disait l’Autre : “Vous qui entrez ici, laissez toute espérance.” Et pourtant, malgré tous mes avertissements, ce réalisateur nommé Nieto veut aujourd’hui me rencontrer et faire un film sur moi… »

Neary Hay

Marrainée par Léa Mysius, Anne-Sophie Nanki et Pauline Guéna

« À travers mes documentaires long-métrages ANGKAR et ESKAPE, j’ai levé le voile sur les silences de mes parents, survivants du régime Khmer Rouge, en inscrivant leur histoire dans la mémoire collective du Cambodge.
Aujourd’hui, je me trouve à un double-virage dans ma carrière : après avoir fait parler le passé, je veux interroger le présent en passant de la réalisation de documentaires à la fiction.
Mon projet long-métrage Frakas est un huis clos claustrophobique. Dans le cadre minimaliste d’une villa sur la Côte d’Azur, la nature calme contraste avec l’agitation intérieure de personnages qui expérimentent la frontière ténue entre l’humanité et la monstruosité.
Khmères est un projet de série qui suit trois jeunes femmes d’origine cambodgienne sur trois continents, chacune défiant les stéréotypes et les tabous imposés par leur communauté et par la société. Khmères est le cri de liberté et de rébellion de trois « moutons noirs » contre les normes établies.
À travers ces nouveaux projets, je choisis de donner la parole à la femme asiatique d’aujourd’hui, brisant les stéréotypes qui lui sont trop souvent associés, dans un univers cinématographique où elle est encore trop rare. »

Lo Thivolle

Parrainé par Claire Doyon et Emmanuel Gras

« Depuis 3 ans, je travaille en tant que AED (Anciennement Pion) dans un Lycée professionnel des quartiers Nord de Marseille. Je surveille les classes des métiers de la mode et du vêtement.
J'habite le quartier de La Belle de mai et je prends chaque jour le Bus 70 qui m'amène là-haut. De mon Lycée la vue sur l'horizon, la mer et Marseille est magnifique.
Depuis 1 ans, la ville a décidé de relier le centre-ville de Marseille (mon quartier) et les quartiers Nord, par une ligne de tramway. Un des plus grands projets d'urbanisation d'Europe s'attaque à Marseille, Euromed.
Le long de la ligne du Bus 70 je vois le chantier avancer, je vois l'apparition d'une cicatrice béante s'ouvrir. Je vois les anciennes petites maisons disparaître, s'effondrer, se faire squatter. Je vois les nouveaux immeubles, immenses, modernes, blancs, froids, s'installer.
Le tramway arrivera aux abords de mon Lycée, son terminus, en 2029.
Sur ces trajets d'aller-retour, mon regard et mes sens passent de ces couturières qui tissent, cousent et réparent, à cette ville qui petit à petit fait place à du neuf en laissant mourir l'ancien. Dans ce contraste je ressens à la fois de la joie et de la colère.
En septembre 2024 je commence à filmer la classe de seconde couture dans ce Lycée. Je désire les filmer jusqu’à leur année de terminal quand elles passeront le baccalauréat, les suivre en dehors du Lycée, et les filmer après leur bac. Filmer, mettre en scène leurs devenir jusqu’en 2029 qui sera l’âge adulte. Elles auront alors entre 22 et 24 ans.
Je filme les travaux qui avancent.
Je filme ces couturières qui grandissent.
Marseille de demain se dessine, pendant qu'elles se prépare à l'habiter.
Le tournage de ce film s'arrêtera en 2029.
Le soir je rentre au Polygone étoilé, ce lieu de vie et de cinéma dans le quartier à côté de chez moi. Je range mes rushs, je les classe, je les montre. J'invite les élèves ou les amies à regarder les images. Les images d'eux, d'elles dans notre belle salle de cinéma.
La bourse Parcours d'auteurs va me permette d'arpenter ces territoires, ces quartiers Nord sans me retrouver bloqué vis à vis d'une nécessité économique.   Ainsi je reviens à un geste de cinéma artisanal, quotidien, journalier. Je documente chaque jour le territoire ou je suis, les gens que je croise, les amies qui l'habitent et ces élèves qui grandissent. Et je crois fort que le réel me dira quelque chose de tous cela, me montera où aller et sera tendre avec moi. »

Audrey Jean-Baptiste

Marrainée par Anne-Sophie Nanki, Léa Mysius et Jean-Charles Mbotti Malolo
« Le jour de la mort de la Reine Élisabeth II, j’apprends que mon arrière-grand-mère paternelle, Adélaïde, a vécu trois ans à Buckingham Palace durant son enfance. Elle ne serait pas la seule. À la fin du 19è siècle, d’autres enfants issus tout comme elle de la Caraïbe auraient été prélevés de leur foyer par la Reine Victoria, pour passer plusieurs années au Palais. Adélaïde serait revenue chez elle des étoiles pleins les yeux, cultivant toute sa vie un amour inconditionnel pour la famille royale. Quel était le but de cette manœuvre ? Instiller l’amour pour éradiquer tout sentiment de haine à l’égard de l’oppresseur ? Reprogrammer le cerveau de mon aïeule pour que la clameur de la révolte ne puisse jamais lui parvenir ? En reconstruisant la mémoire de ma famille, j’explore ce rapport de domination si complexe entre colonisateurs et colonisés. 
À la croisée de l’intime et du politique, « Buckingham » sera composé de plusieurs types d’images. L’animation : pour reconstituer l’histoire de mon arrière-grand-mère. Les images d’archives : pour incarner de manière sensorielle la présence coloniale anglaise dans les Caraïbes. Des prises de vue réelles au sein de ma famille, pour la partie du film qui se passe au temps présent. C’est en effet depuis ici et maintenant que j’interroge ce passé. Pour le moment, je manque d’éléments pour avancer et il me faut ainsi explorer la matière pour trouver la forme juste. Cette bourse va me permettre de mener ce travail de recherche ainsi qu’un repérage conséquent entre la France, Londres et enfin Sainte-Lucie, en allant à la rencontre de ma famille, d’historiens et d’artistes. »

Julie Bertuccelli

Marrainée par Marianne Tostivint

« L’aide du Parcours d’Auteur va me permettre de développer sur le long terme quatre projets (deux documentaires, un long-métrage de fiction, et une collection documentaire). Ils exigent un investissement conséquent, de longs repérages, des recherches et exploration d’archives, une écriture minutieuse, les bases d’un scénario, et des tournages conservatoires avant même de rentrer en production :Ovnie rêveuse avec l’autrice autiste Babouillec, dans le prolongement de mon documentaire Dernières nouvelles du Cosmos, alors qu’elle s’apprête à monter sur scène pour la première fois, avec en parallèle l’exploration de ses extraordinaires facultés mentales, au gré de ses rencontres avec d’éminents scientifiques ;  Un Village à partir du fonds exceptionnel de la photographe Madeleine de Sinéty qui, tout au long de la décennie 70, a dépeint par l’intime la vie quotidienne d’un petit village paysan en Bretagne ; A perte de vue, long-métrage de fiction sur une mère qui, sur le point de perdre la vue, entreprend un long voyage vers une île menacée par la montée des océans, avec son fils en passe de devenir adulte ; Collection de collectionneurs et collectionneuses, galerie de portraits documentaires de personnages singuliers et originaux, à travers leurs obsessions, névroses et passions d’accumuler, qui raconte leur vie et parle de notre époque et de notre peur du vide. »

Camille Duvelleroy

Marrainée par Marianne Tostivint

« La première chose qui me vient, c'est le bien que cela m'a fait de rédiger ce dossier. Ce n'est pas si souvent que je prends le temps de réfléchir aux différents projets que j'ai menés. Je suis toujours prise dans un flux, dans une nécessité d'avancer sur la prochaine idée, le prochain scénario. Là, ça a fait break. Déjà, rien que pour ça je recommande de tenter l'aide. Ça fait du bien !
Pour la suite, cette aide m'aide à franchir une marche que je n'osais pas gravir, celle d'une autre écriture, un format long. Je vais entamer un long travail de recherche, d'exploration d'archives, d'interviews documentaire. C'est la première fois. C'est une vraie rupture dans mon parcours. Recevoir le soutien de mes paires est une chance merveilleuse et pleine d'encouragements. »

Réza Serkanian

Parrainé par Claire Doyon et Virgil Vernier

« Coincé en Iran pendant deux ans pour réaliser mon premier long-métrage, Noces éphémères, j’ai dû jongler avec la censure qui surveillait chaque étape du projet. Pour préserver l'intégrité de mon film, je présentais aux responsables des extraits expurgés, évitant ainsi de révéler la version complète. Malgré la pression constante, j'ai tenu grâce à l'humour, qui m'a permis de traverser ce labyrinthe kafkaïen de méfiance et de manipulations. L’oppression et l'hypocrisie qui règnent sur la réalisation cinématographique m'ont conduit à une réflexion profonde sur le sens du cinéma et le rapport du cinéaste à son œuvre. Une réflexion universelle sur la liberté de création qui dépasse le contexte iranien.
Durant cette période, j'ai vécu de l'intérieur l'absurdité des situations imposées aux cinéastes iraniens et observé leur lutte face aux obstacles qu'ils rencontrent tout au long de la réalisation de leurs films. Au-delà de cette expérience personnelle, je pense à mes camarades iraniens qui ont subi le pire : des descentes de police à leur domicile, des incarcérations, et des interrogations par des personnes qui n'ont rien à voir avec la culture, dont le seul but est de briser les artistes.
Cette expérience, à la fois douloureuse et merveilleuse, de la réalisation d'un film qui semblait impossible au départ, m'inspire désormais l’écriture du scénario de mon prochain long-métrage. Je souhaite ainsi raconter, avec humour et autodérision, une dimension touchante et humaniste de cette lutte, aussi fragile soit-elle. »

Claire Burger

Marrainée par Emmanuel Gras

« Ce projet que j’intitule pour l'instant Sentimentale, fait le portrait d'une DJ de Techno Gabber : DJ PARFAIT (alias Naïla Guiguet).
Je l’envisage comme une recherche, un moyen métrage à la croisée des genres, tourné à l’IPhone dans le monde entier. Entre fiction et documentaire, il est aussi pensé comme une comédie musicale techno, sur des musiques originales composées par Rebeka Warrior.
Avec ce film, j'espère renouveler ma pratique, me ressourcer. Je veux retrouver quelque chose de ma créativité et de ma productivité d'avant, en renouant avec des formes plus singulières, plus expérimentales, plus libres et plus collaboratives.
Je suis heureuse de retrouver une façon de tourner, de monter, de capter le réel qui ne s’insère pas immédiatement dans un processus industriel et commercial. Surtout, je sens que la collaboration avec d'autres artistes sur un projet libre et hors format me nourrit considérablement.
Je n'ai pas pour l’instant le désir d'institutionnaliser ce projet, j'aimerais qu'il reste libre, indépendant. Je ne sais pas encore vers quoi il peut aboutir. Une idée de long ? Un moyen métrage pour internet ou pour des festivals expérimentaux ? Je veux réaliser ce portrait car je suis convaincue que cela me permettra de me ressourcer et de me déplacer artistiquement. Ce film nourrit déjà mon imaginaire et renouvelle mes ambitions formelles, mais il me prend aussi déjà beaucoup de temps et d’énergie.
L’aide au parcours d’auteur me permettra de m’équiper avec un matériel plus adapté pour les tournages, de financer les nombreux voyages nécessaires pour suivre DJ PARFAIT, et de monter avec sérénité pendant quelques mois - j’ai envie de prendre le temps de triturer cette matière. »

 

 

Simon Rouby

Parrainé par Baye-Dam Cissé

« Pangea est un projet protéiforme inspiré de la notion de Pangée, le supercontinent unique qui couvrait la planète il y a 300 Millions d’années. Sur cette mappemonde froissée, le Népal, l’Antarctique, et l’Afrique sont juxtaposées dans un ensemble qui fait écho à la globalisation, et m’a inspiré un univers fictif, libéré des enjeux de fidélité historique et géographique. C'est dans ce contexte que je développe un ensemble d'installations vidéo destinées à devenir à terme mon deuxième long-métrage. »

Diako Yazdani

Parrainé par Céline Rouzet

« A travers les deux projets que j'ai présentés à l’Aide au parcours d’auteur, je souhaite raconter mes expériences personnelles sur deux thématiques distinctes : d'une part, le voyage de migrants sans papiers et d'autre part, les difficultés psychologiques et matérielles liées à l'exil et au fait de s’installer dans un nouveau pays, dans l’impossibilité de rentrer dans son pays d'origine. Ces deux projets me permettent d'intégrer les récits de nombreux migrants et réfugiés, allant au-delà de ma propre histoire, afin d'en enrichir la dramaturgie. Le soutien de l’Aide au parcours d’auteur est essentiel car il me donne l'opportunité d'approfondir mes recherches en m’appuyant sur de nombreuses sources : des ouvrages, des articles académiques et scientifiques, ainsi que des textes relevant de la science-fiction. Mon travail de recherche se concentre ainsi sur deux concepts clés : le "Dark Tourisme" et le "Langage Swap / Mind Swap". »

François Créton

Parrainage collectif

« J'ai présenté le concours du CNC avec deux projets distincts, sous deux formes différentes, dont les parallèles se rejoignent.
Le premier projet est un récit, le second un scénario.
Le premier a pour sujet la maltraitance pendant l'enfance et l'enfermement dans sa propre responsabilité alors que l'on est victime.
Le second traite de la fin de vie.
En tout un parcours sur la longueur, une histoire de vie dans deux écritures différentes.
Ce qui réunit ces deux projets, c'est l'acceptation.
L'acceptation pour se libérer de la maltraitance de l'enfance, pouvoir aller vers la résilience, trouver le chemin de la réparation à la suite de traumatismes violents.
Pour le second, l'acceptation dans la mort.
Je voudrais mener une réflexion sur le passage de la vie à la mort, qui ne soit ni triste, ni dramatique, non comme une fin, mais comme un événement important à vivre.
Pour ce projet je suis parti de l'attitude qu'avait mon père face à la mort, très provocatrice, très bravache. Il se targuait de ne pas avoir peur, il disait qu'il mourrait où et quand il le déciderait.
Quand la mort est venue frapper à sa porte, il n'a pas du tout fait ce qu'il disait, il est mort à l’hôpital, exactement là où il ne voulait pas. J'ai compris quelques années après, que son côté bravache était tout le contraire de l'acceptation.
Pour ce projet je voudrais retrouver un personnage d'un film précédent, Michel dans « Les Héroïques » écrit avec Maxime Roy, et je voudrai faire mourir mon personnage.
Ce que me permets la bourse du CNC, c'est d'une part, continuer à faire des recherches sur des témoignages de fin de vie « heureuse », et pour le récit de travailler à voix haute.
L'écriture de mes scénarios précédents, écrit à plusieurs m'a appris à écouter.
Je voudrais installer chez moi, dans ma ferme au bord de la mer, des micros, pour lire à haute voix ce que j'écris, et le réécouter ensuite.
Cela m'oblige à être concis, précis, enlever le gras, car l'écoute ne se répète pas, au contraire de la lecture, on peut toujours relire une phrase que l'on a raté.
Donc la compréhension de mes idées, de mes arguments, doit être claire dès le début.
J'ai aussi envie de faire venir des actrices, acteurs, des metteuses, metteurs en scène, pour ensemble chercher le point de compréhension, l'évidence du propos. »

Camille Degeye

Marrainée par Joana Hadjithomas

« Il y a 8 ans, quelque part au printemps, je retrouve des amis à Redeyef. Située au cœur du bassin de Gafsa en Tunisie, cette petite ville à l’orée du desert est le centre névralgique de l’extraction du phosphate local et mondial. Dents calcifiées, maladies respiratoires et cancers, là-bas néanmoins, on vit et on meurt du phosphate qui se répand comme la peste dans l’air et l’eau.
En 2008, comme un prélude à la révolution de 2011, un mouvement social éclate et pendant six mois, la population se soulève au nom de l’emploi et la dignité.
Le récit de cette époque va m’être progressivement conté, surtout par quelques jeunes, en buvant des cannettes de Celtia face aux montagnes de l’Atlas : ils avaient treize ans et la vie dehors était une insurrection permanente, une résistance acharnée contre une police d’état ultra violente menée par leurs pères et leurs frères afin de faire entendre leurs voix. Un détail me marque. La police déployait le soir dans les rues, des chiens acerbes afin de terroriser les gens et les forcer à se réfugier chez eux. En guise de réponse, les plus jeunes avaient constitué une contre armée, composée de pitbulls et de bâtards, qu’ils entrainaient à traquer et à tuer les chiens de la police. Une guérilla parallèle et nocturne s’était donc insidieusement instaurée, un corps un corps animal, sanglant et définitivement mortel.
Voilà donc le récit et les images de départ qui composent le mouvement du projet auquel je travaille et auquel je vais dédier la bourse de recherche Parcours d’auteur. »

Perrine Michel

Parrainage collectif

« Jusqu’à présent j’ai fait du cinéma documentaire, appelé souvent "documentaire de création". Pour ma part je préfère parler de "cinéma poétique", ou de "films-essais", ou encore de "cinéma expérimental". Mais souvent c'est le terme d'"auto-fiction" que j'utilise. Je veux dire par là que j'ai fait le récit de mes propres expériences sous une forme plus ou moins fictionnée. Mes films avancent sur des chemins périlleux et ils peuvent déranger.
L'Aide au parcours d'auteur va me permettre d’expérimenter la mise en scène de fiction avec des comédiens/comédiennes, pour, à nouveau, parler de thématiques profondes.
Mille versions de leurs amours : Ils/elles viennent des quatre coins du monde. Ils/elles ont obtenu le statut de réfugié parce qu’ils sont gays, lesbiennes ou personnes trans. Face caméra, ils/elles racontent leur parcours, selon les différentes versions que leur demandent les institutions françaises.
Ils/elles sont interprétées par des comédiens/comédiennes. »

Vincent Fontano

Parrainé par Baye-Dam Cissé

« M’emparer des maux de mon île et les mettre en question par le biais de la fiction. C’est la démarche dans laquelle je m’inscris. Après deux courts métrages j’ai eu envie de continuer ce travail en m’attaquant à une problématique plus lourde, celle des disparitions sur l’île. Tous les ans près de cent personnes disparaissent sur le territoire.
Très vite en travaillant sur ce sujet et en comprenant qu’il s’inscrivait dans l’histoire de mon territoire depuis sa naissance j’ai eu besoin d’un espace plus large que le court métrage pour totalement embrasser mon sujet.
J’ai constaté très vite qu’il me manquait des outils pour aborder ce nouveau format. La bourse d’auteur va me permettre de me former, d’avoir du temps pour écrire et faire de la recherche. Surtout que je veux mener des éléments documentaires à ma fiction.
Comment parler de cinq cents ans d’histoire à partir d’une thématique ?
De plus mon île étant assez loin de ma métropole, la bourse d’auteur me permettra de faire les aller-retours nécessaires à la rencontre des partenaires du projet.
La bourse d’auteur m’offre une opportunité unique d’aller au bout de mon sujet et de mes questionnements en ne me consacrant qu’à ça. »

Bertrand de Solliers

Parrainé par Céline Rouzet

« POINTS LIMITES : A LA RECHERCHE DES LIMITES ENTRE DITS ET NON DITS ENTRE POUVOIR REGARDER ET NE PAS POUVOIR
La méthode aujourd’hui : reprise du texte initial pour aller au fond concret sur le terrain de mes intentions et à partir de mes intentions d’élaborer un texte beaucoup plus cadré dans l'objet, à définir avec l'Unité et indépendamment de l’Unité qui s'occupe des enfants, à savoir connaître ce qui est possible ou pas possible ce qui peut être dit ou non-dit ce qui peut être dit et suggéré ce qui peut être vu et pas vu, l'exercice m'intéresse justement dans les limites de ce qu'on peut exprimer sur des affaires qui sont en cours hautement protégées, que personne ne doit pouvoir reconnaître mais qui pourraient être identifiables dans leur objet : la présentation de mineurs au judiciaire.
Je me suis aperçu que certaines des affaires sans les nommer, peuvent être reconnues parce qu’elles ont eu un écho dans la presse, familles Tchétchènes prises en défaut, certains crimes de sang qui ont frappé l’opinion. Or comment évoluer avec ces cas précis ?
J'engage et j’ai engagé des entretiens individuels pour mieux comprendre, séparés, et des entretiens à plusieurs en binômes puisqu'ils travaillent en binôme. Les entretiens sont d'abord enregistrés ensuite je passerai à des extraits visuels pour être plus explicite et mieux comprendre les propres limites du projet.
L'objet du futur film est concentré uniquement sur l'évolution ou non de situations extrêmes, de situations limites. De la pratique, de comment cela s’engage et quelles issues sont possibles ?
J’envisage à ce stade un double scénario celui que je souhaite, idéal, qui permet d’appréhender correctement les situations en cours, en évolution, celui que je vois qui est précis et ouvert explicite sur les dossiers en cours certains dossiers que je dois choisir, et un autre scénario qui définit là où je dois me limiter. Après une comparaison analytique de l'ensemble des deux scripts, je vais mettre en place un script définitif qui va associer mes attentions et la pratique réelle telle que je l'imagine dans le souci de rendre lisible et concret l'ensemble.
Le script permettra d'accéder à un mouvement complet du film de comment je le vois, de le rendre directement lisible, compréhensible et à savoir quel temps donner à chaque dossier entre les échecs et les réussites entre le fait que rien n'a pu bouger ou le fait qu'il y ait une issue et laquelle ?
Je peux compter sur une approche de longue date, et de disponibilité de ma part et sur l’écoute analytique, je m’appuie sur mes films précédents qui sont d’écouter et de regarder bien avant de prendre la parole et de filmer.
Une réflexion sur comment dans le futur filmer ? Les lieux, les personnes, les moyens, la technique, beaucoup de temps dans un milieu extrêmement sensible. »

Hakob Melkonyan

Parrainé par Nicolas Slomka

« La bourse va me permettre de travailler sur l'écriture de mon premier long métrage de fiction « Au milieu de nulle part ». C’est l’histoire de Tigrane, jeune arménien pacifiste et artiste. Il est appelé au service militaire obligatoire et aura pour mission de filmer la propagande de l’armée lors de la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan (2020). Les circonstances le privent de sa caméra et l’obligent à contre-cœur à prendre les armes. Néanmoins, c'est dans un carnet, au travers des croquis que son talent d'artiste peut exprimer son horreur de la guerre.
A ce stade de mon écriture, j’ai besoin d’aller en Arménie, sur les lieux, de me confronter à ce réel que je ne connais plus, à mon pays, ses montagnes, ses forêts, et d’y trouver les failles qui permettront à mon imaginaire d’exister.
C’est la première fois que je vais diriger des comédiens ou plutôt des comédiens « naturels ». Mes personnages sont jeunes et il y a de fortes chances que ceux que je vais rencontrer auront très peu d’expérience de jeu. Je désire mettre en place un atelier dans lesquels je vais travailler avec de jeunes volontaires. Je pense aussi rencontrer des jeunes dans différents ateliers théâtre. Je cherche avant tout des physiques qui puissent incarner au mieux ce que j’imagine de ces jeunes recrues adolescentes qui, partant au combat se prennent déjà pour des hommes. Je cherche des visages dont la morphologie puisse, avec très peu d’artifices évoluer au cours de leur périple.
Je pense que pour construire, nourrir et affiner mes personnages, il me faut recueillir le maximum de témoignages pour être au plus juste dans l’écriture de ce périple. »

Qutaiba Barhamji

Parrainé par Joana Hadjithomas et Nicolas Slomka

« Après avoir consacré la dernière décennie de ma vie au service des films des autres, je peux aujourd’hui me consacrer entièrement à mes propres projets. L’aide au parcours d’auteur va me permettre de concrétiser mon désir d'écrire et de réaliser un film de fiction sur l’un des personnages les plus énigmatiques de l'histoire syrienne contemporaine. Fort de mon expérience riche dans le cinéma documentaire, j’aspire à aller plus loin en transformant un personnage réel en personnage de fiction. »

Vladimir Léon

Parrainage collectif

« Quatorze frontières et quelques îles est un projet de films(s) pensé comme une cartographie intime et politique de la Russie d’aujourd’hui, en allant border systématiquement chacune de ses frontières extérieures terrestres, et voir ce qui en déborde.
De la Norvège jusqu’au Détroit de Bering, de l’Europe orientale au Caucase, de l’Asie centrale à l’Extrême Orient, les pays, les langues, les visages se reflètent en un kaléidoscope de réalités humaines, géographiques, politiques, infiniment diverses, rencontrées au fil d’un tracé frontalier, si arbitraire, comme la cicatrice de blessures encore souvent ouvertes.
Depuis l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, les récits de famille et un goût de l’épopée soviétique, qui traversent mes films précédents, m’apparaissent absolument inactuels. Je me sens orphelin de la Russie que j’ai filmée. Je veux aller aujourd’hui regarder ces terres comme je ne les ai jamais regardées, depuis les frontières de l’Empire, tantôt barrières, tantôt lieux d’échanges et de passages.
En quatorze pauses filmées, de styles et formats divers, écrites ou improvisées, cerner ce qui se passe « là-bas », derrière ce nouveau rideau de fer, depuis un « ici », plus ou moins accessible.
Filmer d’abord, sans scénario, ni note d’intention, sans présumer d’une forme finale, c’est la liberté que m’offre l’Aide au parcours d’auteur. Et c’est la seule façon - éclatée, hétérogène, se refusant au sens unique - dont j’imagine pouvoir raconter cette histoire au présent, sans fin prévisible, alors même qu’elle bouleverse notre avenir dans des proportions encore sans doute insoupçonnées. »

Emily Barbelin

Marrainée par Lucrèce Andreae

« Après avoir réalisé un court métrage au Portugal et un premier long métrage en autoproduction, "Pour être aimé par qui", la bourse parcours d'auteur va me permettre de me consacrer entièrement au travail d'un nouveau film, Ana.
C'est l'histoire d'Ana, très vieille et très pauvre femme qui n'avait jamais quitté son petit village de pêcheurs au sud de l'Espagne.
La guerre civile lui arrache son mari et ses deux premiers fils et elle sait que le plus jeune est emprisonné à vie dans une prison du Nord.
Après s'être définitivement fâché avec Dieu, elle prend la décision de partir voir son fils. Elle confectionne son gâteau préféré, un vrai gâteau, qu'elle enveloppe dans beaucoup de papiers et qu'elle cache sur son ventre, son seul bagage. En mettant la clé sous la porte elle ordonne dans sa tête un rendez-vous avec la mort une fois le gâteau arrivé dans la prison.
Elle ne sait ni lire ni écrire ni la géographie de son pays mais elle sait qu'elle doit suivre à pied les rails du train.
Elle mettra un an et demi pour arriver à la prison... »

Floriane Devigne

Marrainée par Lucrèce Andreae

« Des changements dans le paysage, des changements dans le cœur m’amènent, à faire une place nouvelle au cinéma de fiction dans mon travail. Cette aide au parcours d’auteur va me permettre de poursuivre le développement de deux idées de films, des récits de longs-métrages, par la mise en place de différents dispositifs d’écriture et de nouvelles collaborations.
L’un - Les hommes endormis - raconte comment une épidémie de sommeil bouleverse la France. Des vagues de sommeil désorganisent une société qui vante le « peu dormir » tout en consommant toutes sortes de produits pour retrouver le sommeil. Dormeurs et dormeuses rêvent intensément et se réveillent après plusieurs jours irrémédiablement différents. Placer la vulnérabilité extrême qu’est le sommeil au cœur d’un récit m’intéresse. « Rêve et sommeil » forment une zone de danger autant qu’un moyen de lutte que j’ai envie d’explorer. Le travail de Charlotte Beradt, une sociologue allemande qui s’est intéressée aux rêves sous le troisième Reich pour voir comment cette idéologie impactait les gens jusque dans leur inconscient m’inspire pour écrire cette histoire drôle et subversive. L’autre projet – gagner sa vie – fait le portrait d’une femme, Violetta, qui tente de continuer à faire de l’audio description de films à l’heure où l’I.A. gagne du terrain. Violetta aime le cinéma et elle ne laissera pas à des robots, ses chefs-d’œuvre qu’elle raconte avec talent à celles et ceux qui ne voient pas ou plus. Mais son métier se fait soudain l’écho insupportable d’une rupture : « tout ce que je ne vois plus et ne verrai plus », c’est ce à quoi elle se cogne au moment de la fin d’un grand amour. Alors elle épuise ce que « voir » et « être aveugle » veulent dire. »

Delphine Deloget

Parrainée par Nicolas Slomka

« Je réalise des films depuis une vingtaine d’années. Des documentaires essentiellement. J’alterne, avec des films produits, pour ou avec la TV - et des films fabriqués hors circuits parfois totalement seule, du tournage au montage. J’ai toujours pris soin que rien de personnel ne transpire de mes travaux, tout a été toujours loin de mon univers, de mon monde. Mes films ont toujours été conditionnés par un milieu hostile, contraint. Mais aujourd’hui c’est à une histoire familiale que je veux me confronter. J’aimerais pouvoir recoller des morceaux de vie de mes grands-parents éparpillés entre la France et l’Europe de l’Est, interroger ma famille ici, renouer avec ceux qui vivent en Pologne. Je voudrais m’accrocher à « ce pas grand-chose » et en tirer les fils. Et puis quand je serai prête, quand je serai arrivée au bout de cette enquête, au bout de la matière, je veux faire appel à un scénariste pour penser une fiction défiant les frontières (comme mes grands-parents) entre le réel et la fiction. »

Benjamin Hoguet

Parrainé par Baye-Dam Cissé

« La création numérique a toujours été mon truc. Depuis 2010 et le début de ma carrière, j’ai créé des œuvres qui utilisent des interfaces, de l’interactivité, des boutons, une connexion internet, des capteurs, des IA… pour raconter des histoires différentes, sur des plateformes différentes. A l'origine, le credo de cet excitant monde créatif était d'aller "à la rencontre de publics délaissés par les médias traditionnels". Mais depuis quelques années, un nouveau leitmotiv a émergé : "créer de nouveaux besoins", de nouveaux modes de consommation via des technologies particulièrement, et parfois inutilement, énergivores.
"Créer des nouveaux besoins" ne correspond pas aux valeurs sociales et environnementales que je souhaite défendre. Alors, je me tourne vers un autre univers créatif - le jeu vidéo - pour retrouver les valeurs originelles de la création numérique : aller vers un public, là où il se trouve, et lui porter un discours différent.
Je souhaite m’appuyer sur les codes très établis du jeu vidéo pour déconstruire des mécaniques pernicieuses de notre monde. En commençant par remettre en cause le mythe de la croissance infinie dans un monde aux ressources finies, grâce à un city builder intitulé Those F***ing Plants! »

Eric Guirado

Parrainé par Abel Danan

« Cette aide me donne la possibilité de me reconnecter à un projet très personnel qui m’a demandé du temps, et va me permettre de m’investir dans l’écriture d’un récit particulièrement intime : l’arrivée d’un enfant alors que la grossesse et l’accouchement ne se déroulent pas du tout comme prévu, l’entrée soudaine dans un parcours opératoire, le regard d’un père sur un enfant qui arrive en lui échappant, et l’impact sur le couple, sur la famille. J’ai croisé tant d’autres parents qui ont traversé des épreuves terribles, dont la vie s’est dissoute dans la douleur, dans le silence et la pudeur du deuil. C’est également leur histoire souvent cachée que je veux raconter. Cette vie dans l’espoir que son enfant échappe au pire, ou bien, cette survie après la perte d’un enfant.
Dans ma pratique le documentaire a souvent été un outil pour alimenter mes fictions, et inversement, car je suis passionné à la fois par un certain réalisme, par les détails, la poésie inattendue et les belles abstractions qu’offre parfois le réel, que le documentaire sait saisir, et que le lyrisme d’une certaine fiction sait reproduire.
Ainsi grâce à cette aide j’ai aujourd’hui l’heureuse opportunité de prioriser une immersion dans l’univers de ce sujet, et de sanctuariser un temps d’écriture afin de tracer un cheminement d’auteur en toute indépendance, avec l’amplitude d’un projet cinématographique.
Je vais pouvoir sortir du mirage de l’urgence d’écrire, qui n’est parfois qu’un élan superficiel, une réponse à l’angoisse de « faire » à tout prix, et m’accorder le recul et le temps nécessaires pour mettre en forme ce projet avec humanité et délicatesse. »

 

 

10 décembre 2025

Lumière sur le tournage de « Champagne Problems »

Alors que le film connaît un succès mondial sur Netflix, le producteur français Gaël Cabouat, cofondateur de FullDawa Films, nous raconte comment sa société a accompagné cette production américaine, notamment...