Aide au parcours d'auteur : résultats de la commission des 8 et 9 juillet 2025
Résultats des commissions
09 juillet 2025
Ilias El Faris
Parrainé par Benjamin Hoguet
« Prémices d’un projet en gestation, mon premier long-métrage : une enquête policière dans un village berbère - Imsouane - précipité en spot de surf international, en plein ramadan.
Originaire de la région, témoin de son improbable mutation, et traversé d’une double culture où monde Arabe et Occident cohabitent tant bien que mal, je souhaite déployer une intrigue qui mette en crise aussi bien la façade touristique du Maroc, qu’une culture mondialisée good vibes qui refoule ses crispations Nord/Sud, ses séquelles postcoloniales. Dans cette perspective, j’ai eu l’intuition — inédite pour moi — qu’il fallait que j’emprunte au genre du polar. Un genre capable de faire émerger la violence invisibilisée, de la poser en énigme, d’enquêter sur ses origines, de la confronter. Pour autant, il s’agirait aussi d’oser rire des maladresses, des hypocrisies, des complexes, du racisme ordinaire que ce « choc des civilisations » exacerbe.
L’aide au parcours d’auteur m’aiderait à me consacrer pleinement à l’écriture. Elle m’offrirait la possibilité de consulter, voire de collaborer avec un·e scénariste, capable de m’accompagner dans ce saut ambitieux que représente le genre. Enfin, cette aide me permettrait de me rendre sur place le temps nécessaire pour rencontrer les acteurs et actrices non professionnel·les auxquels je pense, enfin maintenir un contact décisif avec le réel. »
Eléonore Yameogo
Marrainée par Clarisse Hahn
« 2025 marque vingt ans que j’ai fait mes premiers pas dans l’univers cinématographique. Vingt ans de création, de résilience et d'engagement dans un parcours indépendant où chaque film est né malgré les doutes, et les obstacles.
Française d’origine africaine, mon univers artistique s’ancre dans une double appartenance, entre racines africaines et quotidien européen. Ce va-et-vient intérieur, émotionnel et politique façonne mon regard : un cinéma qui explore les marges, les mémoires oubliées, les fractures entre nord et sud, centre et périphérie. Je filme les voix trop rarement entendues, les corps en lutte, les silences qui résistent.
Aujourd’hui, je porte deux projets majeurs : mon cinquième long métrage documentaire et mon premier long métrage de fiction. Ils incarnent une nouvelle étape : introduire l’invisible, le symbolique et le mythique dans mes récits.
Grâce à l’aide au parcours d’auteur, je veux affiner cette passerelle entre cinéma direct et récit mythologique, développer un langage où réel et symbolique se répondent, où l’intime révèle le politique, et où chaque film devient un geste poétique et engagé. »
David Yon
Parrainé par Florence Lazar
« Vingt-cinq ans après être parti, je suis revenu vivre au pied du Vercors. Chaque jour je vois cette montagne sur laquelle j’ai formé mon regard. J’y retrouve les textures, les couleurs et les rythmes qui me donnent l’élan d’un film nouveau. Mais je découvre également une ruralité où des conflictualités sont à l’œuvre. Le projet du film commence là, dans ce retour sur ces terres où j'ai grandi et où je dois prendre position.
Pour la préparation de ce film, avec mon frère, qui est devenu paysan, j’observe ses gestes et le cycle de vie des animaux et des végétaux qui habitent ce territoire. J'arpente ces bois et ces grottes où pendant la seconde guerre mondiale des maquisards se cachaient.
Je me demande quelle Histoire va être transmise aux nouvelles générations.
J'imagine un film où des enfants sont les personnages principaux. Dans ces montagnes nous partagerons avec eux ce temps de l'enfance où la relation au monde n'est pas restreinte par le sens défini et figé que nous donnons aux choses. Lors de cette traversée, les enfants découvriront les éléments de la nature et le grand jeu des métamorphoses. Une autre strate de l'Histoire refera surface, celle de la résistance du maquis du Vercors.
L'aide au parcours d'auteur me permettra d'écrire le récit de ce film à venir. »
Filmsaaz (Saleh Kashefi)
Parrainé par Benjamin Hoguet
« Bien que je sois confiné en dehors des frontières imaginaires de mon pays d'origine, je conserve néanmoins de nombreux récits précieux issus de ma vie passée que je ressens le besoin impérieux de partager. Ainsi, lorsqu’on est physiquement limité à une réalité différente, il demeure possible d’en concevoir pleinement une nouvelle. Grâce à l’Aide au Parcours d’Auteur, je pourrai enfin concrétiser mon désir ancien d’expérimenter la forme animée, ce qui me permettra de dépasser les contraintes du cinéma live et m’offrira la capacité de créer des univers inédits. Je débuterai le développement de trois projets d’animation : deux courts métrages, dont l’un relate la quête violente et mélancolique de vengeance des jeunes Iraniens contemporains contre le monde, tandis que l’autre revisite avec légèreté l’histoire de l’homoérotisme dans la poésie ancienne perse. Le long métrage constituera une tentative de renaissance posthume sous forme animée de mon projet cinématographique « Mammad », qui, après cinq années de développement, a dû être abandonné. La bienveillance et le soutien apportés par cette bourse me permettront ainsi de repartir officiellement à neuf, d'abandonner le nom Saleh Kashefi et de renaître sous le pseudonyme Filmsaaz, porteur d’espoirs nombreux et déterminé à transcender les limites créatives que l’exile impose parfois aux artistes. »
Jean-Bernard Marlin
Parrainé par Nicolas Livecchi et Salvatore Lista
« Ressentant aujourd’hui le besoin profond de revenir à mes propres origines, de plonger dans l’histoire collective ou familiale, l’aide au Parcours d’Auteur me soutiendra pour le développement de deux projets de films où l’Histoire fracture les filiations et bouleverse les identités. Deux films qui racontent, chacun à leur manière, une crise identitaire, la perte de soi, et parfois l’imposture.
Le premier est inspiré par mes racines arméniennes : un jeune garçon, Hovhannes, pour survivre au génocide de 1915, se convertit, se fait passer pour un orphelin turc musulman, et change de nom : Adem. Ce prénom turc devient bientôt son unique identité…. Que reste-t-il de soi lorsqu’on a renié ses racines, sa religion, sa langue, même par nécessité ? Peut-on se retrouver et retrouver les siens après s’être effacé ? L’aide me permettra de prendre le temps de faire des recherches documentaires approfondies sur les Arméniens convertis ou intégrés en Turquie au début du XXe siècle. D’explorer les conversions religieuses forcées ou volontaires pour survivre durant le génocide arménien. Et de partir aussi à la rencontre d’historiens et romanciers, turcs et arméniens, pour nourrir cette traversée identitaire.
Le second projet explore la figure de Saul de Tarse, Paul, non comme un saint, mais comme un homme en feu. Un homme qui n’a jamais rencontré Jésus et, pourtant forge sa propre version du message christique. Écarté par la famille de Jésus à Jérusalem, Paul part prêcher ailleurs, et devient, à sa manière, l’architecte d'une religion. Un personnage ambigu, habité ou imposteur, traversé par une vision. Était-il prophète ? Ou en plein délire mystique ? L’aide au Parcours d’auteur me permettra de me confronter à des théologiens, des historiens, qui ont travaillé sur Paul dans une perspective critique et naturaliste, parfois controversée, comme celle de Hyam Maccoby et Gerd Lüdemann. Mais aussi, de réfléchir sur la forme, la mise en scène, d'aller vers un cinéma physique, sensoriel, parfois hallucinatoire. Un récit habité par la tension entre vérité et fiction. »
Marina Déak
Marrainée par Salvatore Lista
« 17 ans après mon premier long-métrage, Poursuite, je veux en faire la « reprise », qui serait aussi une suite : même personnage principal, même hybridité de la forme, même opiniâtreté de la question.
Poursuite naviguait entre naturalisme, documentaire et onirisme, pour suivre Audrey, 30 ans - jouée par moi -, ses enjeux, contraintes, désirs : entre enfant, emploi, relations sexuelles ou sentimentales, regard des autres, désir de liberté.
Poursuite 2, c’est la reprise de ce personnage, fictif mais en dialogue constant avec le documentaire. C’est imaginer la vie d'Audrey presque 20 ans plus tard et l’incarner à nouveau, éventuellement m’emparer des rushes du premier film, pour faire apparaître sans fard cette réalité du personnage à 50 ans : femme adulte, les enfants grandis, seule désormais mais le désir toujours vivant, avec son expérience du sexe et de l’amour, dans le monde d’aujourd’hui ; de la domination masculine, mille fois croisée et subie, et du refus de cette domination ; et sa quête d’absolu.
A l’époque de Poursuite, le féminisme était une question malvenue ; aujourd’hui il est au centre. Quant à moi j’étais partie sur d’autres terrains de cinéma. Mais le monde, le cinéma, moi-même avons changé, et aujourd’hui il est temps je crois de replonger à la suite d’Audrey. Est-ce qu’une femme vraiment libre c’est possible ? Quelle réponse le monde lui fait-il ? La possibilité du lien existe-t-elle, dans la marchandisation de soi que la société fabrique, quelle solitude cela raconte ? Je voudrais faire apparaître ce nouveau savoir de femme, qui reste en quelque sorte inouï, inédit, tant que celles qui le vivent ne le prennent pas elles-mêmes en charge, notamment à le raconter.
Le soutien de « Parcours d’auteur » va me permettre d’explorer ce savoir et ce parcours dans un processus d’écriture hybride constitutif du film à venir. Explorer, filmer cette exploration, écrire, jouer Audrey : je ne sais pas encore quel film Poursuite 2 sera, mais je sais qu’il parlera depuis l’intérieur, et d’aujourd’hui. »
Frédéric Goupil
Parrainé par Benjamin Hoguet
« Il y a des guerres qui n’en finissent pas, heureusement il y a aussi des espoirs qui ne s’éteignent pas. Pour qu’un projet ne disparaisse pas, il faut, je pense, le soutenir par d’autres projets, l’étayer sur ses flancs. C’est en quelque sorte le résumé du chemin qui a abouti à l’heureuse obtention de cette « aide au parcours d’auteur ».
Mon sujet ou plutôt mes sujets partaient de la mise entre parenthèse de mon travail en Syrie. En 2009 j’étais presque prêt à tourner un second long métrage, Kinocham, dont l’action devait se dérouler dans le milieu du cinéma syrien. La répression de la révolution et la guerre ont meurtri tout un peuple et accessoirement enterré mon projet.
15 ans plus tard, le régime des Assad s’effondre et comme une pousse qui émerge des cendres, le désir de reprendre le chemin de Damas a éclos, et à l’instar de mes amis syriens, l’idée impérieuse de reconstruire quelque chose sur cette terre martyrisée, ne serait-ce que pour donner l’exemple, affirmer une confiance dans l’avenir.
Avec eux je veux traiter des douleurs intimes du retour d’exil. Autour de nous, nombreux sont ceux qui ont dû quitter leur pays, ils en témoignent souvent, on en connait un peu les douloureux contours, mais le retour d’exil, lui, est pour chacun un parcours plus secret.
Pour soutenir la possibilité d’un long métrage de fiction autour de cette idée, j’ai imaginé lui adjoindre deux projets annexes : un documentaire sur « l’état des choses » du cinéma en Syrie, m’offrant prétextes à repérages, et une prise en main, sur scène, d’un texte français par une troupe de théâtre issue de la diaspora syrienne, me permettant un travail de recherche d’actrices et d’acteurs.
Grâce à cette aide je vais pouvoir entrer de plein pied dans ces étapes, repérer, imaginer, revenir là où j’ai laissé un peu de moi, accorder du temps à l’examen d’une nouvelle conjoncture, jauger la profondeur du fossé que les années de guerre ont creusé entre le pays que je connaissais et la Syrie de 2025, renouer avec certains de mes anciens compagnons, les écouter, embrasser pleinement l’opportunité d’être accompagné dans mes recherches et dans l’écriture.
Il est là le cadeau, établir les fondations solides d’une renaissance à un projet, avec en capital une première et précieuse marque de confiance. »
Martine Delumeau
Marrainée par Lionel Baier et Florence Lazar
« Réaliser « 44 jours » correspond à mon passage de la frontière entre documentaires pour la télévision et documentaires d’auteur. Je ressens aujourd’hui la nécessité de m’installer dans ce nouveau territoire. Et je ne souhaite pas être reconduite à la frontière.
Je savais que je prenais un risque, que j’allais devoir gommer mes tics d’écriture de dossier pour la télévision (vouloir expliquer), ma manière de penser et d’approcher mon film (vouloir démontrer, m’effacer).
Mais les images filmées par les Guadeloupéens découvertes sur les réseaux sociaux provoquaient chez moi un tel sentiment de nécessité que je me suis lancée. Cela partait du ventre, je ne saurais expliquer cette sensation. Le ventre qui fourmille, qui s’agite.
Rien de douloureux, du moins au départ.
Quand j’évoquais plus haut l’idée de passage d’une frontière, il s’agit bien de cela : assumer pleinement le « je », mon regard et accepter ouvertement ce qui me reliait à mes personnages et à l’histoire que je racontais. Un nouveau territoire pour moi.
Il y a eu cette remarque de ma tante paternelle quand je lui ai annoncé que mon film « 44 jours » entrait en production : « tu peux être fière de ton nom ». Or, Delumeau est le nom de ma mère. Celui de son frère, mon père, est Edouard.
Cette phrase dite simplement, sans emphase et qui n’attendait pas de réponse m’a rappelé tout à coup qu’en Guadeloupe, le nom de famille, celui qui nous est donné à la naissance est hautement important. Là-bas il est impossible de ne pas envelopper le patronyme d’une histoire, d’un récit de lieu et de vie. Comme s’il fallait l’enraciner.
J’avais oublié certainement parce que je suis née et vis en France…
« Tu peux être fière de ton nom ». Les deux mots, 6 syllabes et 15 lettres que composent mon prénom et mon nom, peuvent-ils être source de honte ou de fierté ou de blessure ?
En quoi mon nom me constitue ? si je cherche et trouve toutes les Martine Delumeau auront-elles plus l’air d’être Martine Delumeau que moi ?
Je suis depuis partie dans une quête onomastique : d’où vient mon nom ? Delumeau est ce mon « vrai » nom ?
Mon intuition me guide vers le registre de la comédie documentaire. Je ne vois pas qu’un drame ou qu’une douleur dans cette histoire de nom et de famille. Je pense aussi que les situations que je vais rencontrer et celles que je rencontre déjà, prêtent au sourire.
Si mon film « 44 jours » est un passage, « Lyannaj au nom du père » serait mon ancrage dans le cinéma documentaire. L’année dernière, Je suis retournée à trois reprises en Guadeloupe (et je compte m’y rendre cet été) pour effectuer des repérages. Cela a un coût en billets d’avion mais pas seulement. En Guadeloupe, la vie n’est pas uniquement chère, elle est très chère. L’aide au parcours d’auteur m’est nécessaire non seulement pour prendre le temps de penser mise en scène, images et récit mais aussi pour mes déplacements et mes séjours là-bas. »
Laurent Micheli
Parrainé par Anne-Sophie Bailly
« Sans avoir suivi de formation de cinéma ni réalisé de courts métrages, j’ai tourné trois longs métrages en dix ans. Ce rythme soutenu m’a permis d’apprendre, d’évoluer, de trouver une langue de cinéma, mais il m’a aussi laissé peu de place pour expérimenter ou prendre le risque de l’erreur. Aujourd’hui, je ressens le besoin d’un temps de recherche, de maturation et de réinvention : un espace pour explorer de nouvelles formes, interroger d’autres récits, ouvrir des territoires sans la pression immédiate du résultat.
L’aide au parcours d’auteur me donne la possibilité de ce temps long. Elle m’offre la liberté d’avancer sur deux projets très différents, mais reliés par une même nécessité. Avec Le Sacre, fiction de genre qui explore par la danse l’idée d’une masculinité en crise, je veux faire du cinéma un lieu sensoriel et charnel — un film qui s’éprouve dans le corps du spectateur. Avec Grisélidis ressuscitée, docu-fiction qui fait dialoguer la parole de Grisélidis Réal avec celle de personnes TDS d’aujourd’hui, je souhaite inventer un espace de trouble et de friction, un geste de cinéma impur et vivant.
Ces projets prolongent la ligne qui traverse tout mon travail : donner corps, voix et cinéma à celles et ceux que le monde préfère souvent faire taire. Cette aide me permet avec grande joie de poser les bases solides de cette nouvelle étape, d’oser plus loin, et de continuer à inventer un cinéma qui regarde là où l’on détourne les yeux. »
Nadia El Fani
Marrainée par Landia Egal
« OSER
Des fictions, des documentaires, des courts, des longs. De plus en plus à la première personne. Mes films sont qualifiés de films engagés, parfois même de films militants. Jamais je n'avais imaginé qu'un jour, raconter mon histoire la plus intime pourrait s'avérer être utile. J'aime cette idée enseignée par mon père – tunisien, marxiste – de faire "œuvre utile". C'est là où je retrouve ma révolte.
De Tunis, où à 20 ans, je retourne vivre pour fuir mes démons associés à la France (pays de ma mère), à Paris, où à 42 ans je reviens m’installer pour ne plus vivre sous le joug de la dictature, mes choix ont toujours été d’aller de l’avant sans regarder en arrière.
50 ans après, oser la vérité et le dévoilement sur la trahison maternelle, la paranoïa qu’elle engendre, le sentiment de honte qui échappe à toute raison. Il n'y a pas que l'amnésie traumatique, il y a toute une société qui face au tabou ultime, l’inceste, là, l’inceste maternel, accepte en silence l'idée qu'il vaut mieux ne pas raconter. La parole, dans sa vérité crue devient plus indécente que l'acte lui-même. C’était les années 70, dans une petite ville de la province française. Ce trauma hante mon quotidien depuis toujours. Je n'ai jamais fait d'analyse. J’ai fait des films.
Ce projet résonne doublement aujourd’hui, casser la spirale du silence, transcender la solitude où nous plonge le secret, l’aide au parcours d’auteur me permettra d’avoir le temps de trouver le ton juste, le ton qui me correspond, et à travers un dispositif que je définis encore mal, inventer les formes d’un dialogue fictif avec ma mère morte, poser les questions qui m’obsèdent, imaginer des réponses.
Un temps, nécessairement long, d'introspection, en parallèle d'un temps de recherche, de numérisation et d'archivage de milliers de photos et vieilles diapositives de famille, de ma mère, de nous, à tous les âges, sourires figés, témoins ignorants de ce qui fut. Ces images seront la "matière première" du projet à venir.
Cette aide me permettra donc de financer cet aspect technique essentiel, et aussi de partir revivre au moins pour un temps, dans l’univers des lieux de mon enfance/adolescence, le Bourbonnais. C’est là que nous avions atterri, quand, pour quitter mon père, ma mère, dans une séquence de kidnapping digne d’un film, nous avait arrachées avec ma sœur ainée, à notre vie paradisiaque en Tunisie. Je n’avais pas 10 ans. Je l’aimais, je lui pardonnais… Alors, autofiction ? Faux-documentaire ? Pourquoi pas ? »
Camilo Restrepo
Parrainé par Landia Egal et Anne-Sophie Bailly
« J’ai réalisé tous mes films en parallèle d’une activité professionnelle à temps plein.
L’Aide au parcours m’offre la possibilité de concentrer tout mon temps, pour la première fois, à la conception d’un long métrage.
Ce nouveau film sera l’aboutissement d’un travail que je mène depuis longtemps avec Luis Felipe Lozano (appelé Pinky), protagoniste de deux de mes films tournés en Colombie, mon pays d’origine.
Inspiré librement de sa vie, ce film traitera d’une période où Pinky vivait de la vente ambulante de films piratés.
A mi-chemin entre le documentaire et la fiction, ce projet provisoirement intitulé Un Pirate, dépeindra les perspectives d’avenir d’une grande partie de la jeunesse colombienne, confrontée à des conditions de subsistance précaires. »
Noel Keserwany
Marrainée par Landia Egal et Anne-Sophie Bailly
« Après un parcours artistique de création de chansons politiques et satiriques au Liban, je me suis installée à Paris. Depuis, j’ai commencé à travailler sur plusieurs projets de films en tant que scénariste et réalisatrice autodidacte, entre la France et le Liban.
Printemps est mon premier projet de long-métrage. Il explore la vie d’une jeunesse, en particulier celle de deux sœurs, qui grandissent à Jounieh, une ville côtière située à quarante minutes de Beyrouth. L’histoire se déroule au sein d’une classe sociale qui survit “hors saison”, toujours en décalage : portant des vêtements d’été en hiver et vivant l’âge adulte dès l’adolescence. Ce sentiment de pause, de décalage, d’années figées pendant que la vie semble se dérouler ailleurs, se transmet de génération en génération.
Cette population parmi laquelle j’ai grandi reste, en grande majorité, absente du cinéma, laissant ainsi ses récits non représentés. L’Aide au parcours d’auteur me permettra de consacrer le temps et l’espace nécessaires pour entamer une phase de recherche auprès des habitants de Jounieh, des élèves de ses écoles publiques où j’ai moi-même suivi une partie de ma scolarité, ainsi que des marchands du souk qui constituent mon univers. Cette immersion est essentielle pour trouver les personnages et le ton justes, et ainsi donner forme à mon histoire.
Pour traduire cette histoire visuellement, je souhaite me servir de cette aide pour prolonger l’expérimentation du langage cinématographique que j’ai entamée, des chansons politiques et satiriques jusqu’à mon premier court-métrage Les Chenilles (Ours d’Or, Berlinale 2023). Printemps mêlera réalisme et humour, à l’image de mes précédents travaux, afin de rester fidèle à la complexité des personnages représentés, tout en gardant le film accessible. »
Alexandre Desane
Parrainé par Lionel Baier
« Venant de l’auto-production, j’ai toujours aimé travailler sur le terrain en fabriquant mes projets seul avec les moyens que j’avais, dans une économie réduite.
Je n’ai jamais eu encore la possibilité de prendre le temps d’écrire. Or, aujourd’hui, je sens les limites de cette méthode, j’ai besoin d’apprendre à fabriquer autrement.
J’aimerais faire imbriquer le documentaire, la peinture et la fiction dans ce nouveau projet qui traite de la fracture familiale au sein d’une famille Haïtienne.
La bourse de Parcours d’Auteur me permettra de prendre ce temps d’écriture nécessaire en amont, d’effectuer des recherches généalogiques, et d’inventer une manière de se raconter. »
Jean-Michel Correia
Parrainé par Nicolas Livecchi
« LES DYNASTIES DE L’OMBRE
Fin des années 60, mes premiers pas sur la Terre, je les ai faits à La Butte Rouge. Une immense Cité-jardin du 92 dont la construction a débuté dans les années 40. De petits bâtiments rouges à l'architecture réfléchie, des parcs arborés et des espaces dédiés au jardinage. Des boulodromes. Des commerces et des églises.
En 2006, après plus de quarante ans d’une vie dissolue et soluble dans le temps, c’est donc naturellement dans ce quartier populaire et cosmopolite que j’ai réalisé mes premiers pas de cinéaste, tant il s’imposait à moi comme une source d’inspiration incontournable et inépuisable. Comme un décor inégalable avec des personnages inénarrables.
Après un court métrage Les Petits et un long Sous X tourné en 2013, l'écriture d'une autobiographie En marge durant les confinements, m'a fourni l'occasion de panoter sur mon quartier d'origine pendant des décennies et donné l'envie de zoomer sur des familles qui depuis les années 60 perpétuent leur présence et incarnent le quartier. Dont la généalogie symbolise les transformations et les traumatismes vécus. Depuis les Marches pour l'égalité des années 80 jusqu'au séparatisme décrété des années 2020 en passant par la parenthèse enchantée Black-Blanc-Beur de l'an 2000. Ce travail de réminiscence m'a définitivement convaincu que le Roman souvent noir des banlieues avait toute sa place dans le Roman National et que des dynasties des cités avaient des destinées dignes des souverains antiques. Et d'une série cinématographique...
Trois familles, trois époques, trois couleurs, une proposition ambitieuse que l'aide au Parcours d'auteur va me permettre d'initier sereinement. En me donnant le temps d'exhumer les archives oubliées de la banlieue française et les moyens de réfléchir à un dispositif d'écriture forcément collégiale et d'obédience féminine car les femmes sont les principales dépositaires de la mémoire des quartiers. »
Jean-Pierre Krief
Parrainé par Mitra Farahani
« Depuis fort longtemps, j’ai été lié à un fantôme dont l’omniprésence a constamment imprégné ma vie. Un fantôme pas tout à fait comme les autres, celui de Pierre Goldman. Militant d’extrême gauche, antifasciste absolu, guérillero en Amérique latine, s’entourant à son retour à Paris de malfrats, il bascula dans une délinquance de braquages. Accusé d’un double meurtre qu’il nia toujours avoir commis, il fut condamné à perpétuité au cours d’un premier procès d’assises à Paris, en 1974, puis innocenté en appel au cours d’un second procès, à Amiens, en 1976. Entre temps, il écrivit une œuvre littéraire fulgurante, « Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France », où il revenait sur les méandres de sa vie mais aussi sur son affaire… Trois ans après sa sortie de prison, Pierre Goldman fut abattu en plein Paris par trois tueurs qui revendiquèrent l’assassinat au nom du groupe « Honneur de la police ».
Puis, plusieurs années après sa mort, une partie de la machinerie médiatique installa comme un fait « alternatif » une pseudo contre-vérité nourrie d’assertions allusives, de fantasmes et de ressentiment : dorénavant, Pierre Goldman serait présenté, tour à tour, comme un « agité », « un buveur invétéré », un « pervers manipulateur », un « gauchiste dangereux », un « tueur » capable de toutes les folies, qui avait trompé son monde, ses amis, ses proches, ses soutiens… De surcroît, on en fit subsidiairement l’auteur du double crime crapuleux de la pharmacie du boulevard Richard-Lenoir, affaire où la Justice avait pourtant reconnu son innocence. Je me souvenais alors de cette phrase terriblement vraie de Jean-Paul Sartre : « On entre dans un mort comme dans un moulin. » Apparue au début des années 2000, la construction de ce retournement coïncidait avec la naissance d’un mouvement de pensée dont l’idéologie revancharde tenait en une formule générique : « Liquider l’héritage de Mai 68 » (Nicolas Sarkozy en fut le représentant le plus en vue). Dans la foulée, la « complaisance » à l’égard de Pierre Goldman était pointée comme un symbole fort de ce funeste héritage… Le retournement et le récit de dénigrement à son encontre perdurèrent jusqu’aujourd’hui. Si j’ai décidé de faire ce film c’est qu’il est temps à présent d’apporter un autre regard et des éléments inédits sur la personnalité de Pierre Goldman ainsi que sur la culpabilité qu’on lui a fait endosser post mortem sur l’affaire du boulevard Richard-Lenoir. Une tâche que je compte mener en toute liberté. C’est le sens que je donne au soutien qui m’a été accordé au travers de Parcours d’auteur. Les circonstances de mon lien avec ce personnage hors du commun sont aussi intimes et anciennes que peu banales. J’en tire une certaine légitimité morale. Quant à l’esprit de ce projet, un principe me guide : relier le long travail d’intérêt et d’enquête que j’ai mené autour d’une histoire tragique et singulière à l’intense expérience subjective que j’ai eue à en vivre durant de longues années… »