Comment « Reusss » dépoussière la comédie musicale sur Slash

Comment « Reusss » dépoussière la comédie musicale sur Slash

19 décembre 2022
Séries et TV
Reusss de Jérôme Larcher et Catherine Regula.
Reusss de Jérôme Larcher et Catherine Regula. Lizland Films

Adaptation d’une pièce de Catherine Regula, Reusss débarque cette semaine sur la plateforme de France.tv. Une série adolescente qui remet au goût du jour la comédie musicale en la modernisant avec des tonalités hip-hop entêtantes. Inès Ouchaaou, comédienne, et Jérôme Larcher, scénariste, seront en direct le mardi 20 décembre à 18h sur le compte Instagram du CNC pour échanger autour de la série.


« C’est un petit clin d’œil à nos héroïnes, qui symbolise les trois filles au centre de l’histoire. » Reusss, ça s’écrit bien avec trois « s ». La nouvelle création de Slash, qui sera disponible dès le jeudi 8 décembre sur la plateforme de France.tv, revisite le genre de la série adolescente de banlieue, en la transformant en comédie musicale. Hanane, 18 ans, est bien décidée à retrouver celui qui a agressé son grand frère, tout juste revenu dans la cité où il est né, après avoir été porté disparu pendant des mois. Avec ses deux meilleures amies, Ambre et Maïssa, elles vont mener leur enquête au fil de dix épisodes de 20 minutes hors des sentiers battus.

 

Récompensées par le prix d’interprétation au festival Séries Mania 2022, Charlie Loiselier, Assa Sylla et Inès Ouchaaou donnent un coup de jeune à la comédie musicale d’antan, entre chorégraphies spectaculaires et ambiance musicale à base de hip-hop et de R'n’B. Reusss est le genre de série que réaliserait certainement Jacques Demy s’il débutait sa carrière en 2022 : « C’est très flatteur, sourit la productrice Elizabeth Arnac, à l’origine du projet. Slash voulait une comédie musicale pour sa plateforme. Alors j’ai eu envie de me lancer dans ce genre-là. » Elle s’est ainsi souvenue d’une pièce de théâtre jouée à la Villette en 2007, créée par Catherine Regula : « Au départ, cette histoire est un spectacle vivant qui s’appelait Place des mythos. C’était une pièce de théâtre née d’une action culturelle. On faisait du jeu, de la danse, de la musique, avec les jeunes de Ris-Orangis, explique la créatrice. Je suis en immersion toute l’année avec eux. Je fais ce travail avec les jeunes des quartiers au quotidien. » Elizabeth Arnac et Jérôme Larcher ont ensuite adapté la pièce en une série télé originale, tout en essayant d’en garder l’essence : « C’était une représentation sincère et authentique de la cité, qui avait aussi une certaine pêche, une énergie incroyable, poursuit Elizabeth Arnac. C’est ça que je voulais et qu’il a fallu garder absolument dans l’adaptation. Pour y parvenir, on a recruté de très jeunes scénaristes, issus eux-mêmes de la diversité et de la banlieue, afin de garder l’authenticité de la pièce originale. Là était le défi. On ne voulait pas colporter des clichés. Il fallait conserver ce ton et cette énergie folle que j’avais tant aimé sur scène. »

Les emplacements [des chansons] sont méticuleusement déterminés dans la narration. […] Il faut bien se rendre compte que faire une comédie musicale, ça veut dire produire un album !
Elizabeth Arnac, productrice

Pour rester dans l’esprit, la production de Reusss a aussi misé sur de jeunes réalisateurs, « parce qu’on s’adresse au public de Slash, qui a entre 18 et 25 ans. Des jeunes qui sont nourris aux clips. Il nous fallait des gens qui connaissent bien ce milieu-là. » Façonnant ce La La Land des cités françaises, Elizabeth Arnac a surtout fait en sorte que les mélodies de sa comédie musicale soient au goût du jour et « un reflet des goûts musicaux de cette génération, celle de Slash : on a du R'n’B, mais aussi de la pop, du rap, du slam, etc. » Et pour mettre des notes sur toutes ces idées, elle a fait appel au rappeur Proof. « On a mis deux chansons par épisode, parce qu’on ne pouvait pas faire plus financièrement. Les scénaristes se sont amusés à écrire les paroles, parce qu’elles sont partie prenante des scripts. Ce sont des chansons qui représentent totalement l’état d’esprit des personnages au moment où ils les chantent. Leurs emplacements sont méticuleusement déterminés dans la narration. Ensuite, on a confié ces morceaux à Proof et à son équipe de paroliers. Ils se les sont réappropriés pour que ça aille avec la rythmique et avec leur musique. Il faut bien se rendre compte que faire une comédie musicale, ça veut dire produire un album ! En l’occurrence un double album, puisqu’on a 21 chansons ! On l’a enregistré avant le tournage. Proof a réussi à composer 21 mélodies et à enregistrer les paroles en trois mois seulement ».

Un défi artistique de taille, auquel s’est ajoutée la chorégraphie, puisque les actrices et acteurs se devaient d’assurer quelques pas de danse à l’écran : « On a eu un mois pour répéter les chorégraphies avec le casting, jusque sur le plateau, ce qui a permis aux réalisateurs de se faire une idée précise de leur découpage et de leur mise en scène. » Le résultat est spectaculaire et donne une sorte de West Side Story à la française. « C’est ma référence. La comédie musicale qui m’a le plus marquée. C’est la base, souligne Catherine Regula. Aussi parce qu’on y parle d’immigration, de gens perdus en banlieue. Il y a des thèmes communs entre West Side Story et Reusss, notamment celui de la violence qui se retourne contre la jeunesse. Même si, avec nos filles, on est sur quelque chose de plus positif. Les gamines qu’on met en avant sont solaires. Elles vont y arriver. Elles sont déterminées. »

Il y a des thèmes communs entre West Side Story et Reusss, notamment celui de la violence qui se retourne contre la jeunesse. Même si, avec nos filles, on est sur quelque chose de plus positif. Les gamines qu’on met en avant sont solaires. Elles vont y arriver. Elles sont déterminées.
Catherine Regula, créatrice

Le décor joue un rôle essentiel dans Reusss. La série a été filmée au large de Sète, dans le sud de la France. « Cette cité est un peu le personnage principal. Le lieu est crucial. Il donne le ton. Je cherchais une belle cité… si l’on peut dire, explique Elizabeth Arnac. Une cité qui a de la gueule. Qui soit cinématographique. On m’a présenté l’île de Thau et tout de suite ça a été le coup de foudre. Parce qu’elle a cette particularité d’être une cité HLM authentique, avec l’étang de Thau qui l’encercle et qui donne ce sentiment d’un ghetto poétique. Ce côté insulaire incarne littéralement l’isolement de la cité… » Car au-delà de sa forme, surprenante et entraînante, Reusss a aussi cette ambition sociale de raconter les rêves et les désillusions d’une partie de la jeunesse française. Une vraie histoire de passage à l’âge adulte, « du genre qui marque une bascule dans la personnalité. Qu’est-ce qu’on garde et qu’est-ce qu’on perd dans notre matrice, de ce que nous ont donné nos parents, en devenant adulte, interroge la productrice. Que reste-t-il quand on coupe les liens de l’enfance ? C’est encore plus complexe pour les jeunes issus de l’immigration. Parce qu’ils doivent se séparer, malheureusement, d’un certain nombre de choses que leurs parents portent en eux, parce que c’est ce que demande la société qui prétend les accueillir… Mais le message qu’on voulait faire passer, c’est qu’on peut s’en sortir. Le contexte est difficile, mais nos héroïnes se débrouillent, avec beaucoup d’humour et de joie… »

Reusss, 10x20 minutes – le 8 décembre sur Slash

Créée par Catherine Regula, Jerôme Larcher
Réalisation : Mohamed Chabane, Théo Jourdain
Bible et arches narratives : Jérôme Larcher, Mohamed Benyekhlef, Thomas Ducastel, Iris Ducorps, Fairouz M’Silti, Joël Nsita
Adaptation, scénario, dialogues : Philippe Bernard, Salif Cissé, Thomas Ducastel, Estelle Koenig, Jérôme Larcher, Joël Nsita
Musique : Proof - Paroles : Brav, Cosmic Batwota, Tiers Monde - Chorégraphie : Cathy Ematchoua
Production : Elizabeth Arnac et Lizland Films
Avec Charlie Loiselier, Assa Sylla, Inès Ouchaaou…

Soutiens du CNC : Fonds de soutien audiovisuel (FSA)
Soutien de la Région Occitanie