"Des insectes dans l’assiette" : un documentaire pour changer notre regard sur les insectes

"Des insectes dans l’assiette" : un documentaire pour changer notre regard sur les insectes

15 octobre 2020
Séries et TV
Des insectes dans l'assiette de Guilaine Bergeret et Rémi Rappe
Des insectes dans l'assiette de Guilaine Bergeret et Rémi Rappe Flair Production - Ushuaïa TV
Présenté à Pariscience et diffusé sur Ushuaïa TV, le documentaire Des insectes dans l’assiette offre un autre regard sur les insectes. Sa coréalisatrice, Guilaine Bergeret, explique pour le CNC son parti-pris et sa méthode.

Faire des insectes la source de protéines de l’humanité dans l’avenir : c’est la piste qu’explore votre documentaire. Mais comment avez-vous eu une telle idée ?

Guilaine Bergeret : L’enjeu est de diminuer la consommation de viande, dont l’élevage occupe beaucoup de place et est très polluant. Il faut se diriger vers des ressources différentes. De plus en plus d’articles évoquaient l’entomophagie [le fait de manger des insectes]. Cette consommation se mettra en place quand l’insecte ne sera plus utilisé entier mais transformé en farine, en huile – comme le sont la plupart de nos aliments - mais la loi s’y oppose pour l’instant.

C’est-à-dire ?

En France, il est interdit de transformer des insectes. Donc, on ne peut vendre que des insectes entiers sous vide. C’est pour ça que pour l’instant, en France, on ne trouve que des « insectes apéro » et que ça ne va pas plus loin. Comme tout nouvel aliment, l’insecte doit passer par un protocole de plusieurs années avec un cahier des charges très strict. On n’est pas le seul pays européen où ça bloque, mais il est permis à d’autres pays de le transformer un peu plus… Il faudrait aussi pouvoir autoriser l’insecte dans la nourriture des animaux comme les poulets parce que de toute façon, ça fait partie de leur régime alimentaire.

Comment avez-vous procédé pour réaliser ce documentaire ?

Avec Rémi Rappe, mon coréalisateur, nous voulions à la fois éclairer cette industrie et faire le portrait sociologique et culturel de l’insecte. On désirait comprendre pourquoi on n’aime pas les insectes, pourquoi ils nous dégoûtent et nous font peur et changer le regard sur eux.

Vous montrez aussi que le cinéma a fait de l’insecte son ennemi de prédilection…

Ça ne vient pas de nulle part, l’insecte a toujours été embêtant pour l’homme. Il est vecteur de maladies, détruit les cultures. Cet antagonisme homme-insecte existe parce que la cohabitation a été souvent difficile. Ça a été accentué culturellement, même dans les expressions que nous employons.

Je pense que nous ne comprenons pas l’insecte - c’est un animal assez déroutant - et nous n’arrivons pas vraiment à le maîtriser. Ce qui n’est pas le cas des autres espèces animales.
Des insectes dans l'assiette Flair Production/Ushuaïa TV

 

Comment avez-vous choisi vos intervenants ?

Nous sommes partis de l’enquête de Vincent Albouy et Jean-Michel Chardigny, Des insectes au menu ? (Editions Quae). Jimini’s, une entreprise française qui commercialise des insectes à manger, était citée dans le livre. C’est totalement par hasard que nous sommes tombés sur un chef qui organise des ateliers dégustation de mets à base d’insectes. On l’a trouvé sur Facebook. Cela a été plus compliqué pour les élevages. Il y a plusieurs éleveurs d’insectes en France, mais le souci a été de filmer ces entreprises parce que ce sont des industries nouvelles qui développent des processus et des machines couverts par le secret industriel. Beaucoup d’entreprises ne pouvaient donc pas nous ouvrir leurs portes. Comme on a eu du mal à accéder aux élevages, on a demandé à Jimini’s de nous mettre en contact avec son fournisseur. Il se trouve que cette entreprise était en Hollande.

Les images d’insectes en macro sont assez impressionnantes. Comment avez-vous obtenu ces plans ?

Avec Rémi Rappe, nous venons du documentaire animalier. Nous avons fait nos études à l’IFFCAM (Institut Francophone de Formation au Cinéma Animalier) situé dans les Deux-Sèvres.

Nous aimons beaucoup les insectes et avons l’habitude de les filmer. Il y a dans le film des images prises en extérieur en macro et des images en studio comme la colonie de bourdons. Avec les insectes, on est un peu obligés, si on veut enregistrer certains comportements, d’avoir recours au studio. Nous cherchions aussi à les sublimer avec une belle lumière.

Etre projeté dans un festival comme Pariscience a quel impact pour vous ?

Nous sommes d’abord des fans de ce festival donc c’est un honneur pour notre première sélection d’y être programmés. Le genre sur lequel nous travaillons commence à se rapprocher de thématiques scientifiques car le documentaire animalier est arrivé à un tournant où il doit se rapprocher de l’actualité. Nous n’en sommes plus aux années 1980-90 où on se contentait de filmer la nature et de dire qu’elle est belle. Il y a beaucoup de problématiques à mettre en avant, de solutions à faire découvrir.

A quel public vous adressez-vous ?

Nous sommes en catégorie « éducation ». On imagine que les jeunes seront plus réceptifs à la possibilité qu’offre le film. Les enfants ont généralement moins de problèmes avec les insectes que les adultes et peuvent être assez aventureux par rapport à la nourriture. Les jeunes ont aussi intégré les problèmes de consommation. C’est pour eux qu’on a voulu faire un film dynamique, visuel et ludique.

Des insectes dans l’assiette de Guilaine Bergeret et Rémi Rappe a été soutenu par le CNC et est présenté au Festival Pariscience (dont la partie grand public se tient du 23 au 28 octobre) et diffusé le 16 octobre sur Ushuaïa TV puis rediffusé les 21 et 24 octobre et le 1er novembre.