Thomas Cailley : « Je ne me voyais pas raconter l’éternité en 1h30 ! »

Thomas Cailley : « Je ne me voyais pas raconter l’éternité en 1h30 ! »

07 novembre 2018
Séries et TV
Thomas Cailley sur le tournage d'Ad Vitam
Thomas Cailley sur le tournage d'Ad Vitam Thomas Cailley sur le tournage d'Ad Vitam

Le réalisateur des Combattants  livre avec Ad Vitam une série qui mélange les genres. Entre science-fiction et polar, conte philosophique et road movie, Ad Vitam nous emmène dans une société où la vie n’a plus de fin.


 

Comment est venue l’idée d’Ad Vitam, une série qui se situe dans un futur où la mort n’existe plus ?
Tout est parti d’une discussion avec mon co-auteur Sébastien Mounier, sur le prolongement de la vie. Nous avons évoqué les transhumanistes américains qui promettent la mort de la mort dans quelques décennies. Apparemment, l’homme qui vivra 1000 ans est déjà parmi nous. L’allongement indéfini de la durée de la vie pose plein de questions au conteur d’histoires que je suis. Qu’est-ce qui se passe dans le monde du travail ? Y aura-t-il encore des retraites ? Qu’advient-il du couple ? De la question de l’amour ? Parmi toutes ces questions, celle qui me touchait le plus était celle de la transmission, c’est-à-dire l’idée qu’on ne vit plus pour transmettre quelque chose, mais à jamais pour soi. Quelle place on laisse aux nouveaux arrivants d’une société dont on ne part plus jamais ? Est-ce qu’une société peut survivre sans se renouveler ? Ça veut dire quoi être jeune, en fait ? C’est un prolongement de mon précédent film, Les Combattants. On essaye de faire de la jeunesse une priorité nationale, c’est ce qu’on entend à chaque élection et on a énormément de mal à le faire.

La place de la jeunesse est en effet au centre du film…
C’est pour cela que je ne vois pas cette série comme une œuvre très différente de mon précédent film. La science-fiction permet de rendre la métaphore beaucoup plus lisible. Ad Vitam, c’est d’abord un polar, une enquête c’est-à-dire une quête initiatique et philosophique. Sébastien Mounier et moi voulions réunir deux personnages opposés : un centenaire qui commence à douter des bienfaits de l’immortalité (interprété par Yvan Attal) et une jeune femme qui ne croit absolument pas en la vie (Garance Mariller).

Est-il facile de se lancer dans la science-fiction ?
Ce qui est assez jouissif, c’est de pouvoir inventer de nouvelles règles, de créer un monde. Ça permet de remuer beaucoup de choses qui sont dans le monde d’aujourd’hui et de pousser les curseurs plus loin. On a réfléchi à l’état de l’environnement : il n’y a quasiment plus d’animaux, on n’entend ni chant d’oiseaux, ni bruits d’insectes… Les humains mangent des insectes élevés dans des serres. La mer est peuplée de méduses qui sont au cœur du système de la régénération des cellules. Ça ne m’intéressait pas particulièrement de faire voler les voitures, et d’avoir un monde qui crie son ultramodernité à chaque coin de rue.

En quoi l’écriture de série est-elle différente de l’écriture de long métrage ?
Ce n’est pas si différent que ça ! Si on regarde la totalité de la série, les six heures, c’est écrit de la même façon, en termes de grands trajets de personnages ou d’intrigue. Ce qui change c’est la structure d’un épisode. Un 52 minutes, il faut le commencer et le finir. C’est une mécanique qui est un peu particulière, même si j’ai fait attention à ne pas abuser des cliffhangers. Et puis, la série peut aussi se permettre d’avoir plusieurs points de vue. J’ai été assez radical là-dessus et je ne les ai pas mélangés. Donc certains épisodes appartiennent surtout à un point de vue.

Quel bilan tirez-vous de cette expérience télévisuelle ?
L’expérience était à la fois hyper intense et hyper joyeuse. J’ai pu essayer beaucoup de choses sur la forme. Ça m’a donné très envie de refaire ça à l’avenir.

La frontière est-elle abolie pour vous entre petit et grand écran ?
La seule chose qui permet de départager une série d’un long métrage c’est l’histoire elle-même. Si l’histoire qu’on raconte a besoin de temps pour être développée, elle a plus de chance d’être à sa place à la télé. Je ne me voyais pas raconter l’éternité en 1h30 ! Les réalisateurs et scénaristes ont tout à gagner à passer de l’un à l’autre parce que c’est le même artisanat.

Ad Vitam, réalisée par Thomas Cailley et Manuel Schapira, et écrite par Thomas Cailley et Sébastien Mounier, sera diffusée sur Arte les 8 et 15 novembre. La série a été soutenue par le Fonds d’aide à l’innovation du CNC et a également reçu l’aide à la création visuelle ou sonore par l’utilisation des technologies numériques de l’image et du son-CVS.