C'est l'histoire d'une petite île isolée au large de la Méditerranée, frappée par une pénurie de pêche et une vague de morts suspectes, qui vont coïncider étrangement avec l’arrivée d’une créature aussi belle que mortelle. Sacrée Meilleure série française lors du festival Séries Mania en mars 2019 par un jury de la presse internationale, Une Île est diffusée sur Arte ce jeudi 9 janvier 2020. Une série qui revisite plusieurs genres, avec une ambition narrative et visuelle rares.
Une Île, c'est un peu le renouveau du polar à la française, dans un genre à part ?
Effectivement, c'est une série assez hybride. C'est complexe, parce que ça ne ressemble à rien de ce qui a déjà été fait. On est à la croisée de plusieurs genres. C'est à la fois un drame romanesque, avec ces histoires d'amour impossibles entre l'Homme et la nature, l'Homme et les sirènes. C'est aussi une série réaliste, dans l'approche de ce village, de la solitude. Il y a un truc presque social. Et dans le même temps, c'est une série de genre, entre le polar et le western.
C'est aussi une série noire, qui laisse une place au fantastique...
Le fantastique, c'est un peu une manière d'aborder différemment le polar à la française. Le fantastique, c'est ce qui permet de faire perdre pied à tout le monde. Tout d'un coup, il n'y a plus rien de rationnel. Cela permet de pousser les personnages dans leurs retranchements, dans leur intimité. Et d'ailleurs, c'était très important de semer le doute dans la tête des spectateurs. Est-ce que ces sirènes existent vraiment ? On joue avec ce mythe des sirènes et une espèce de dualité entre la femme et la créature, la nature, l'animal.
La série a été co-écrite par Aurélien Molas, avec qui vous aviez déjà collaboré sur Crime Time, qui était un thriller pur et dur. Cette fois, la collaboration a été différente ?
Aurélien Molas, c'est un peu la meilleure chose qui me soit arrivée. On s'est rencontré sur Crime Time, qui était notre première série. On est parti tourner dans les favelas, à Sao Paulo, au Brésil. C'était épique... Il a une écriture rare en France, avec une ambition formidable, dans un cadre français parfois très étriqué. Il ose revisiter les genres et à la fois, il est très classique dans ses approches. Ses personnages sont des personnages qui me parlent, des loser flamboyants, des anti-héros torturés. Travailler sur Crime Time avec lui a réveillé quelque chose en moi, quelque chose de visuel. Et finalement, filmer Une Île et filmer Crime Time, ce n'était pas tellement différent.
La mer et l'eau, d'une manière générale, tiennent une place prépondérante dans la série. Comment est-ce que vous avez abordé cela, sur le plan de la mise en scène ?
On a beaucoup travaillé sur le personnage de l'eau, en opposition à la terre. C'était très important de l'incarner. Je suis moi-même surfeur et plongeur et je connais très bien l'élément marin. Et ça, ça m'a permis de pousser les idées du script un peu plus loin. En France, on ne sait pas trop faire ça, travailler l'eau. A part Luc Besson et Le Grand Bleu il y a 30 ans... Or, je voulais donner toute la place à cet élément, dès le départ. Donc j'ai vraiment orienté le tournage là-dessus, en demandant absolument à pouvoir filmer en milieu naturel, avec des apnéistes, des bateaux, de la sécurité, et pas d'effets numériques. Que du réel. Et en utilisant le moins de piscine possible. Parce que ça se sent à l'image. Les conditions influent sur l'image, la manière de mettre en scène, de bouger, de se déplacer, le poids de l'eau...
Concrètement, cela demande un gros dispositif de sécurité de filmer ainsi ?
Oui, on a travaillé avec une équipe basée à Marseille, qui avait d'ailleurs déjà œuvré sur Le Grand Bleu. Pour chaque scène dans l'eau, sur chaque comédien, il y avait trois plongeurs qui étaient là pour assurer leur sécurité. On est sur des séquences d'apnée de 30 secondes et le temps qu'on enlève les bulles, qu'on replace la mèche et que les acteurs se mettent en position, j'avais 6 secondes pour tourner concrètement ! Et je n'étais même pas sous l'eau en personne, parce que pour des questions d'assurance, je n'en avais pas le droit. Et c'est très frustrant ! Du coup, je donnais mes ordres aux cameramen depuis un bateau. Eux étaient sur un plateau sous l'eau, situé entre 3 et 15 mètres de profondeur. Et le défi, c'était vraiment de faire jouer les gens sous l'eau. Pas seulement corporellement, comme un ballet, mais qu'on puisse avoir aussi de l'émotion. Et pour ça, il fallait que mes actrices ne soient pas complètement en train de retenir le souffle, en poumon-ballast. Il fallait qu'elles puissent montrer un visage décontracté aussi, qu’elles ne ressemblent pas justement à des hamsters aux joues gonflées d'air...