Annecy Classics : focus sur la restauration des « Maîtres du temps » de René Laloux

Annecy Classics : focus sur la restauration des « Maîtres du temps » de René Laloux

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« Les Maîtres du temps » de René Laloux CITE FILMS

Le deuxième long métrage du réalisateur de La Planète Sauvage fait l'objet d'une projection dans sa version restaurée 4K samedi 17 juin 2023 au festival international du film d'animation d'Annecy. L'occasion de revenir sur l’histoire de sa restauration avec Ellen Schafer, directrice de l'exploitation des catalogues chez ARGOS FILMS et CITE FILMS.


Dans le cadre de la sélection Annecy Classics, le festival d'animation invite le public à un voyage interplanétaire avec la projection des Maîtres du temps (1982) de René Laloux, samedi 17 juin à 15h. Restauré en 4K à l'initiative de CITE FILMS en collaboration avec la Fondazione Cineteca di Bologna et avec l'aide à la numérisation du CNC, ce long métrage adapté du roman L'Orphelin de Perdide de Stefan Wul conte l'histoire de Piel, un jeune garçon perdu sur une planète sauvage. Chef-d'œuvre de l'animation cellulo [ndlr : pratique qui consiste à dessiner à la main les personnages sur des feuilles de celluloïd transparent], le deuxième film de René Laloux se démarque par son univers graphique foisonnant, poétique et futuriste signé Mœbius (Jean Giraud).

« Les Maîtres du temps » de René Laloux
« Les Maîtres du temps » de René Laloux CITE FILMS

Comme La Planète sauvage dix ans plus tôt, la conception des Maîtres du temps s'est étalée sur plusieurs années, des premières esquisses jusqu’aux dernières finitions. « Ce sont des projets de longue haleine pour deux raisons, explique Ellen Schafer, directrice de l'exploitation des catalogues chez ARGOS FILMS et CITE FILMS. D'une part, parce que travailler un univers visuel aussi riche prend du temps, et demande notamment de recourir à de nombreux techniciens pour réaliser les dessins manuels. Et d’autre part, parce que René Laloux avait de grandes difficultés à financer ses films. »

1200 décors et 70 000 cellulos

René Laloux commence à travailler sur Les Maîtres du temps dans son studio d'animation à Angers mais, faute de financements, décide de déplacer le processus créatif en Hongrie [ndlr : il avait déjà délocalisé la production de La Planète sauvage à Prague pour des raisons budgétaires]. « C'est à la fois bien car cela lui a permis de financer le film et de travailler dans un pays réputé pour l'animation, mais ça a aussi ajouté un certain nombre de complications. Dans le film, on saute de planète en planète, il y a des univers arides, humides, floraux, dessinés par une cinquantaine de techniciens différents, originaires de deux pays distincts... Cela créé forcément des difficultés au niveau de la qualité et de l’homogénéité de l’animation. »

La restauration des Maîtres du temps – menée par les techniciens des laboratoires Eclair Classics – n'a pas cherché à gommer les imperfections d'un film dont la beauté réside justement dans ses détails. Et parfois, ses petits défauts. « Quand on restaure le film, on voit, comme disait Cocteau, les petites "fautes d'orthographe" qui rendent le cinéma humain et artisanal. On est très sensibles à cet aspect que l'on veut garder déontologiquement pour ne pas lisser l'œuvre, l'harmoniser, explique Ellen Schafer. Par exemple, on observe à cinq reprises un problème focal, qui fait que l'image n'est pas entièrement nette. On s'est tout d'abord demandé si on pouvait y remédier avec des outils numériques mais on a finalement décidé qu'il était normal de conserver ces petites erreurs humaines. Après tout, il y a quand-même 1200 décors et 70000 cellulos peints manuellement par des gens différents ! »

Un travail sur l’audiodescription

L'étalonnage s'est aussi révélé un enjeu majeur du processus de restauration. « Le film n'est pas si vieux que cela mais on ne dispose pas de beaucoup de copies en très bon état. On a assemblé le maximum d'éléments d'époque pour essayer de déterminer quelles couleurs René Laloux et Moebius avaient souhaité. On n'a malheureusement pas retrouvé le storyboard du film, mais on a une quantité significative de cellulos pour observer les couleurs, précise-t-elle. On s'est aussi servi de BD conçues d'après le film, de dossiers promotionnels, de témoignages ou encore de passages d'un livre [Ndlr : Les Maîtres du temps - Le livre du Film] qui aborde le choix des couleurs dans le film. Il y a bien une part subjective, mais on essaie de rester le plus fidèle à l'œuvre d'origine. »

Pour cette restauration, les équipes des laboratoires Eclair Classics ont utilisé le négatif d'origine 35mm, ainsi que le négatif son 35mm pour la reconstruction du paysage sonore. Ellen Schafer s'est également beaucoup investie dans le nouveau sous-titrage du film en langue anglaise car l'ancienne traduction gommait certains aspects humoristiques du film. « La restauration englobe l'image et le son mais aussi les textes qui facilitent l'accès pour les sourds et malentendants ou le public étranger. Il y a donc également eu un gros travail sur l'audiodescription. » À Annecy, Les Maîtres du temps sera projeté en version française sous-titrée anglais, l'occasion pour le public international du festival de découvrir ce joyau de l'animation française.

Les Maîtres du temps a été restauré en 4K à l'initiative de CITE FILMS en collaboration avec la Fondazione Cineteca di Bologna avec l'aide à la numérisation du CNC.