Bacurau, un film sous influences

Bacurau, un film sous influences

25 septembre 2019
Cinéma
Bacurau
Bacurau CinemaScópio Produções - SBS Productions - SBS Distribution

Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles, les réalisateurs brésiliens de Bacurau, fable politique d’anticipation récompensée du Prix du Jury à Cannes, reviennent sur leurs influences.


Un jour, les membres d’une petite communauté isolée du Nordeste, région pauvre et reculée du Brésil, s’aperçoivent que leur village a été rayé de la carte. Certains d’entre eux commencent aussi à disparaître... Le réalisateur acclamé d’Aquarius, Kleber Mendonça Filho, s’est associé à son chef décorateur attitré, Juliano Dornelles, pour signer avec Bacurau un film de genre, bourré d’hommages et d’emprunts. Échantillon.

Le western

Les grands espaces (du Nordeste brésilien), des chevaux, des gens du peuple menacés par des méchants extérieurs surarmés... Bacurau fourmille de références au western.
« Quand nous avons commencé à écrire, nous avons situé le film dans l’arrière-pays semi-aride brésilien et les éléments du western se sont imposés naturellement : la rue principale du village balayée par la poussière, la petite communauté soudée, l’ancien tueur qui reprend du service... Il y a eu quelques westerns d’exploitation brésiliens dans les années 50, plus précisément des films de bandits mythiques, auxquels nous faisons aussi un peu référence. »

John Carpenter

John Carpenter est souvent cité par Kleber Mendonça Filho comme l’un de ses maîtres. Son cinéma très politique, intégré au genre (fantastique, horreur, SF), renvoie inévitablement à Bacurau.
« Avec George A. Romero, Sergio Leone, Paul Verhoeven et tant d’autres, John Carpenter fait partie de ces cinéastes avec lesquels nous avons grandi comme spectateurs, puis comme cinéastes. Ils sont en nous. Un critique a écrit que Bacurau ressemblait beaucoup à Assaut avec sa communauté très hétérogène qui s’unit contre l’envahisseur. Il a raison. Quand Carpenter a accepté qu’on utilise sa chanson, “Night”, pour le film, nous étions aux anges. »

Le Cinema novo

Héritier du néoréalisme italien et de La Nouvelle Vague, le Cinema Novo est profondément ancré dans l’imaginaire brésilien.
« Le Cinema Novo est incontournable au Brésil à tel point qu’il a longtemps été l’unique référence pour la production nationale. Ce n’est qu’après La Cité de Dieu (2002), énorme succès très critiqué pour son éloignement du Cinema Novo, qu’une petite ouverture s’est opérée. Nous avons nous-mêmes été critiqués à nos débuts car nous ne respections pas les règles de ce courant. Les choses sont aujourd’hui normalisées. Si Bacurau semble payer son tribut au Cinema Novo, c’est parce que le monde est polarisé comme dans les années 60 et qu’il se passe dans le Nordeste, décor récurrent des films de l’époque. Songer au Cinema Novo en voyant notre film est inévitable. »

Quentin Tarantino

Comme le réalisateur de Once upon a time... in Hollywood, Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles font du neuf avec du vieux, donnant à Bacurau des allures vintage.
« Tarantino fait énormément référence au cinéma d’auteur populaire des années 70, aux films de Peckinpah, Cimino, aux westerns spaghetti... Nous regardions à peu près la même chose que lui quand nous étions jeunes. Comme lui, nous préférons utiliser de vieilles techniques qui éloignent Bacurau des standards actuels, de toutes ces images impeccables et stabilisées qui finissent par se ressembler. Nous avons par exemple installé beaucoup de rails pour les plans en mouvement. Rien n’a été filmé à la steadicam. »

Les films de chasse

Bacurau s’inscrit dans un genre particulier, le film de chasse, qui a donné une poignée d’œuvres marquantes : Les chasses du comte Zaroff, Punishment Park, Battle Royale, Hunger Games...
« Si vous avez un peu l’histoire du cinéma dans votre tête, c’est impossible de ne pas penser à tous ces classiques. Nous ne les avons pas revus avant de tourner mais nous nous sommes souvenus de Chasse à l’homme de John Woo et, surtout, de Predator de John McTiernan. Nous en avons beaucoup parlé parce que c’est l’opposé de Bacurau : les chasseurs sont chassés ! »

Bacurau, au cinéma le 25 septembre, a bénéficié de l’aide aux cinémas du monde et l’aide sélective à la distribution (aide au film par film) du CNC.