L'Aide aux cinémas du monde : le succès d'un dispositif unique au monde

L'Aide aux cinémas du monde : le succès d'un dispositif unique au monde

07 mai 2025
Cinéma
« Les Graines du figuier sauvage » de Mohammad Rasoulof
« Les Graines du figuier sauvage » de Mohammad Rasoulof, Prix spécial du jury du Festival de Cannes en 2024, film soutenu par l'Aide aux cinémas du monde Pyramide

Seize films soutenus par l’Aide aux cinémas du monde (ACM), cogérée par le CNC et l’Institut français, sont sélectionnés cette année à la 78e édition du Festival de Cannes. Accompagner les cinématographies du monde entier en valorisant la coopération entre professionnels étrangers et français : c’est l’objectif de ce soutien qui a fêté ses dix ans en 2022. Mais comment fonctionne-t-il ? Et quels sont les critères d’éligibilité ? Retour sur un dispositif qui a fait de la promotion de la diversité culturelle sa marque de fabrique.


Si le soutien au cinéma hexagonal figure au cœur de ses missions, le CNC aide également les cinématographies étrangères. Initiée en 2012 par le ministère de la Culture et de la Communication et le ministère des Affaires étrangères, cogérée par le CNC et l’Institut français, l’Aide aux cinémas du monde (ACM) vise ainsi à soutenir les collaborations entre cinéastes étrangers du monde entier et professionnels français, en vue de coproduire ensemble les œuvres qui contribueront à promouvoir la diversité cinématographique mondiale et, à travers elle, le rayonnement culturel de la France.

Cette aide s’est rapidement positionnée comme la pierre angulaire de notre dispositif de soutien à la coproduction internationale, et offre aujourd’hui un point d’entrée unique aux cinéastes du monde entier. En résumé, l’ACM est une aide sélective, ouverte aux cinéastes étrangers (et aux cinéastes français lorsqu’ils tournent dans une langue étrangère). Elle est réservée aux projets de long métrage (fiction, animation, documentaire de création) destinés à une première exploitation en salles de cinéma. Elle peut être accordée soit avant réalisation, soit après réalisation au stade de la post-production (uniquement pour les projets ayant sollicité l’aide à la production et ne l’ayant pas obtenue). Le montant accordé est plafonné à 300 000 € (500 000 € pour les films d’initiative française dont le budget est supérieur à 2,5 M€) pour l’aide avant réalisation et à 70 000 € pour l’aide après réalisation.

L’ACM est accordée à la société de coproduction partenaire établie en France dans le cadre d’une coproduction avec un ou plusieurs producteurs établis à l’étranger. Les projets sont sélectionnés en fonction de leur degré d’excellence artistique, de leur capacité à présenter au public français et étranger des regards différents et des sensibilités nouvelles, de la fragilité relative du tissu professionnel dans lequel ces œuvres s’inscrivent, ainsi que de leur faisabilité financière et du degré d’implication de l’entreprise de production établie en France. L’œuvre doit par ailleurs respecter plusieurs critères d’éligibilité : être coproduite par une entreprise de production établie hors de France, réalisée par un ressortissant étranger (ou français par exception), la langue de tournage pourra être la ou les langue(s) officielle(s) ou en usage dans le ou les pays étrangers dont le réalisateur est ressortissant ou sur le territoire desquels ont lieu les prises de vues.

Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan,  film bénéficiaire de l'Aide aux cinémas du monde, a reçu la Palme d'Or du Festival de Cannes 2014

L'attribution des aides est décidée par le président du CNC et la présidente de l’Institut français après avis de commissions composées de personnalités reconnues de la profession. Depuis janvier 2024, l’ACM connaît une nouvelle organisation et une nouvelle gouvernance. Cette réforme de l’ACM instaure désormais des binômes de co-présidents à la tête de trois commissions distinctes afin de mieux répartir la charge de travail des membres.

L’Aide aux cinémas du monde se compose de trois commissions qui déterminent quels projets pourront être soutenus : la première est compétente pour les demandes d’aides avant réalisation pour les premiers et deuxièmes longs métrages d’un réalisateur, la deuxième s'occupe des demandes d’aides avant réalisation pour les films de cinéastes plus expérimentés, la troisième statue sur les demandes d’aides après réalisation, quelle que soit l’expérience du réalisateur.

16 films ACM sélectionnés à Cannes en 2025

Cette année, seize œuvres présentées à la 78e édition du Festival de Cannes ont bénéficié de l’Aide aux cinémas du monde. Sept sont en compétition officielle : Les Aigles de la République de Tarik Saleh, L'Agent secret de Kleber Mendonça Filho, Renoir de Chie Hayakawa, Sirat de Oliver Laxe, Deux procureurs de Sergei Loznitsa, Un simple accident de Jafar Panahi et Valeur sentimentale de Joachim Trier.

Déjà l’an passé, 12 films ACM faisaient partie de la sélection cannoise dont 4 en compétition : Grand Tour de Miguel Gomes, All We Imagine as Light de Payal Kapadia, Les Graines du Figuier sauvage de Mohammad Rasoulof et Motel Destino de Karim Aînouz. Le film de Payal Kapadia a par ailleurs obtenu le Grand Prix du jury, celui de Miguel Gomes le Prix de la Mise en scène et le film de Mohammad Rasoulof le Prix spécial du jury.

All We Imagine as Light de Payal Kapadia, film bénéficiaire de l'Aide aux cinémas du monde, a reçu le Grand Prix du Jury du Festival de Cannes 2024  

695 projets soutenus à ce jour

Depuis le lancement de l'ACM en 2012, 695 projets ont été soutenus, dont :

  • 550 aides avant réalisation et 145 aides après réalisation ;
  • 376 issus de la 1ère commission (230 premiers longs métrages, 146 deuxièmes longs métrages) et 319 issus de la 2ème commission ;
  • 590 films de fiction, 92 documentaires, 11 films d’animation, 2 films hybrides.

Depuis l’origine, 193 réalisatrices ont bénéficié de l’ACM, ce qui représente environ 28% des projets soutenus. Cependant, cette proportion ne cesse de croitre et a atteint en moyenne 35% lors des deux dernières années.

L’objectif de diversité géographique est largement atteint puisque les réalisateurs et réalisatrices soutenus représentent 113 nationalités différentes.

Environ 65 films sont ainsi soutenus chaque année. L’aide avant réalisation s’élève en moyenne à 160 000 € pour les fictions et 80 000 € pour les documentaires. L’aide après réalisation s’élève en moyenne à 40 000 €.

À ce jour, les principaux pays bénéficiaires sont l’Italie (32 films), l’Argentine et le Brésil (27), le Portugal (25), la Chine, Israël et la Roumanie (22), l’Espagne (21), l’Iran et la Turquie (20), le Chili (18), l’Inde (17), le Japon et le Maroc (16), la Tunisie (15), l’Algérie et la Colombie (14), le Liban et la Palestine (11), le Mexique (10), l’Egypte, la Géorgie, la Serbie, Singapour et l’Ukraine (9), le Burkina Faso, la Grèce, le Kazakhstan, la Russie et la Thaïlande (8), les Philippines, la Suède et le Vietnam (7), l’Allemagne, les Etats-Unis, l’Indonésie et le Paraguay (6).

Ont également été aidés des cinéastes de pays à la cinématographie peu diffusée en France et/ou produisant peu de films tels que l’Afghanistan, l’Angola, la Biélorussie, le Bhoutan, la Bolivie, la République Centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Costa Rica, l’Équateur, l’Ethiopie, le Gabon, Guatemala, la Guinée, la Guinée Bissau, Haïti, le Kenya, le Kirghizstan, le Kosovo, la Lettonie, Maurice, le Monténégro, le Myanmar, le Népal, le Nicaragua, le Niger, le Pakistan, le Panama, le Paraguay, le Rwanda, la Somalie, le Sri Lanka, l’Uruguay, la Zambie…

Par ailleurs, 15 cinéastes français ont été soutenus pour des films tournés dans une autre langue que le français, parmi lesquels Onoda de Arthur Harari, Adults in the room de Costa Gavras et La Chambre de Mariana d’Emmanuel Finkiel.

L’Aide aux cinémas du monde est aujourd’hui identifiée par les professionnels, qu’ils soient producteurs, distributeurs ou programmateurs de festivals comme un label d’excellence. Son obtention est un gage de qualité, qui ouvre les portes d’une meilleure distribution et aide à l’obtention d’autres financements. De nombreux films aidés ont ainsi été sélectionnés et primés dans les festivals internationaux. 312 films soutenus par l’ACM ont été présentés en première mondiale dans l’un des quatre festivals majeurs (153 à Cannes, 68 à Venise, 65 à Berlin et 26 à Locarno). Parmi les films ACM, on compte notamment 1 Palme d’or (Winter Sleep, de Nuri Bilge Ceylan) et 3 Prix du Jury à Cannes,1 Ours d’or et 8 Ours d’argent à Berlin, 2 Lion d’Argent et 2 Grand Prix à Venise ainsi que 9 nominations aux Oscars.

Parmi les films ayant bénéficié de l’ACM, sont notamment sortis sur les écrans français ces dernières années Alma Viva de Cristèle Alves Meira, Les Meutes de Kamal Lazraq, Le Bleu du caftan de Maryam Touzani, Chevalier noir de Emad Aleebrahim Dehkordi, Déserts de Faouzi Bensaïdi, Les Colons de Felipe Galvez ou encore Si seulement je pouvais hiberner de Zoljargal Purevdash.

Parmi les 40 films qui comptent plus de 100 000 entrées dans les salles françaises, 34 ont été présentés en première mondiale au Festival de Cannes, 5 au Festival de Venise et 1 au Festival de Locarno.