Comment fonctionne l’Avance sur recettes ?

Comment fonctionne l’Avance sur recettes ?

30 décembre 2019
Cinéma
Delphine Seyrig dans L'Année dernière à Marienbad
Delphine Seyrig dans "L'Année dernière à Marienbad", films bénéficiaire de l'Avance sur recettes Argos Films - Silver Film - Cocinor - Terra Film - Films Cormoran - Precitel - Como Films - Les Films Tamara - Cinétal - Silver Films - Cineriz

Créé il y a 60 ans, ce dispositif d’aide financière sélective du CNC a pour objectif de favoriser le renouvellement de la création en encourageant notamment la réalisation des premiers films. Décryptage.


Maillon essentiel de la politique culturelle française en matière de cinéma et aide emblématique du CNC, l’avance sur recettes fête ses soixante ans. A l’origine de ce dispositif d’aide financière, créé par André Malraux en 1959 (décret du 30 décembre) et officiellement lancé en 1960, un objectif à la fois culturel et politique clairement défini : contribuer au renouvellement du cinéma hexagonal. La vocation de l’avance sur recettes est en effet notamment d’encourager la réalisation des premiers longs métrages et de soutenir un cinéma indépendant, audacieux au regard des normes du marché et qui ne peut, sans aide publique, trouver son équilibre financier.

En six décennies d’existence, l’avance sur recettes a permis à nombre de réalisateurs et réalisatrices de faire aboutir leurs premiers projets, et a donc contribué à l‘émergence de figures devenues par la suite incontournables : Alain Resnais, Agnès Varda, Jacques Demy, Leos Carax, Alain Cavalier, Olivier Assayas, Noémie Lvovsky, Bertrand Bonello, Michel Ocelot, Cédric Klapisch, Thomas Lilti, Jacques Audiard, Rebecca Zlotowski, Abdellatif Kechiche, Céline Sciamma…

Ambition, singularité, originalité

Concrètement, comment fonctionne ce dispositif ? L’attribution des avances sur recettes est décidée par le président du CNC, après avis d’une commission composée de personnalités du milieu culturel. Cette commission de soutien sélectif à la production est composée d’un président, de trois vice-présidents, de 25 membres et d’une vingtaine de suppléants, répartis en trois collèges. Le premier collège est compétent pour examiner les demandes d'avances avant réalisation présentées pour les premiers films des réalisateurs. Le deuxième collège examine les demandes d'avances avant réalisation présentées pour les œuvres de réalisateurs ayant déjà réalisé au moins un film de long métrage. Enfin, le troisième collège est compétent pour les demandes d'avances après réalisation.

Sont éligibles à l’avance sur recettes les œuvres de fiction, documentaires ou d’animation destinées à une première exploitation en salles de cinéma. Les demandes peuvent être faites par les auteurs, réalisateurs ou entreprises de production déléguée. Les avances sont attribuées en considération notamment du point de vue développé sur un sujet, des caractéristiques, des qualités et des conditions de réalisation des œuvres. La commission est particulièrement attentive à l’ambition, à la singularité et à l’originalité des propositions.

Le candidat doit fournir au CNC un dossier comprenant le scénario du film, un dossier de présentation (CV des auteurs, synopsis, note d’intention…) et un dossier administratif. Pour être éligibles, les œuvres doivent encore être à l’état de projets : si à la date de réunion de la commission plénière le tournage est déjà débuté, la demande n’est plus recevable. Les œuvres devront être réalisées intégralement ou principalement en version originale en langue française ou dans une langue régionale en usage en France. Toutefois, cette condition ne s’applique pas lorsqu’il s’agit d’œuvres de fiction tirées d’opéras et réalisées dans la langue du livret, d’œuvres documentaires réalisées dans une langue dont l’emploi est justifié par le sujet ou d’œuvres d’animation.
 

Comités de lecture et commissions plénières

Dans le cas du premier et du second collèges, les projets sont préalablement examinés par des comités de lecture. Depuis 2010, les projets de deuxièmes et troisièmes longs métrages sont examinés par des comités spécifiques. Au total, chaque projet est lu au minimum par cinq commissaires en comités de lecture. A l’issue des ces comités, plusieurs types d’avis peuvent être émis : positif ou négatif pour un passage en commission plénière ou, plus exceptionnellement, « PSR » (possibilité de se représenter, après réécriture, en comité de lecture) ou « Plénière différée » (passage en plénière à une session ultérieure, après réécriture, car en l’état actuel le projet n’est pas totalement abouti).

Les projets qui passent l’étape du comité de lecture sont ensuite soumis à l'examen de l'ensemble des membres du collège correspondant, réuni en commission plénière. Depuis 2012, les candidats (auteur(s), réalisateur(s), producteur(s)…) dont le projet a été retenu pour un examen en commission plénière sont invités à être auditionnés la veille des délibérations par les membres de l'avance sur recettes. Cette disposition a pour objectif de permettre d'exposer devant la commission la globalité du projet de film, au-delà du seul scénario et des éléments l'accompagnant habituellement (notes d'intention, DVD ou lien vidéo des œuvres précédentes…). Cette rencontre directe de 15 minutes avec les membres de la commission doit rendre possible un éclairage sur tous les éléments artistiques du projet, ainsi que sur son économie générale. A la suite de cette audition, les membres de la commission délibèrent, puis votent. L’attribution de l’avance sur recettes se fait par un vote à bulletin secret des membres de la commission plénière à la majorité absolue des voix.

Outre l’avis positif ou négatif pour une promesse d’avance sur recettes, la commission peut, à titre exceptionnel, rendre la décision suivante : « ajournement » (le projet pourra être à nouveau présenté en plénière, éventuellement après réécriture, à une session ultérieure sans passer par les comités de lecture). La décision de promesse d'avance reste valable 24 mois à compter de la date de notification au demandeur. Elle est caduque si, dans ce délai, aucun commencement de tournage n’est entrepris. A titre exceptionnel, et sur demande motivée du producteur, elle peut être prorogée d’un an maximum.

Le montant de l'avance et les modalités de son remboursement sont décidés par le président du CNC après avis du comité de chiffrage composé du président de la commission d’avance sur recettes, des trois vice-présidents et des représentants de l'administration. Ce comité propose le montant de l'avance après l'étude d'un dossier détaillé présenté par l’entreprise de production indiquant les conditions financières et techniques de la production du film.

Les modalités de versement et de remboursement de l'avance sont précisées dans une convention signée entre le producteur et le CNC. Le versement de l'avance est conditionné par la délivrance de l'agrément des investissements au producteur du film. L’avance se rembourse sur le soutien généré par le film, après application d’une franchise fixée à 50 000 €. Le remboursement s’effectue dans une proportion qui ne peut être inférieure à 25 % des sommes calculées et dans la limite de 80 % de l’avance attribuée.