Documentaire sur grand écran : soutenir la diffusion en salles

Documentaire sur grand écran : soutenir la diffusion en salles

04 novembre 2025
Cinéma
Documentaire sur grand écran
Documentaire sur grand écran met à disposition de ses structures partenaires un catalogue de 284 œuvres DSGE

Comme chaque année au mois de novembre, le Mois du Doc célèbre la richesse et la diversité du cinéma documentaire. À cette occasion, nous avons rencontré Pauline Girardot Chevaucheur, déléguée générale de Documentaire sur grand écran (DSGE), une association qui œuvre depuis plus de trente ans à faire vivre le documentaire en salles.


Comment est née l’association Documentaire sur grand écran ?

Pauline Girardot Chevaucheur : L’association a été créée pour combler un manque dans le secteur de la distribution de documentaires. Dans les années 1990, les distributeurs s’intéressaient peu au cinéma documentaire et la télévision en diffusait beaucoup moins. Pour pallier cette situation et favoriser le passage du petit au grand écran, un groupe hétéroclite – Simone Vannier, jean Michel Aussel, Colette Piot et François Barat – a fondé Documentaire sur grand écran (DSGE) en 1991. À cette époque, le CNC a confié à l’association certaines prérogatives commerciales, similaires à celles des sociétés de distribution, lui permettant de signer des mandats et de présenter les films. Progressivement, le travail de l’association a incité les distributeurs à s’investir à leur tour dans le cinéma documentaire. Afin d’éviter toute concurrence déloyale avec les sociétés de distribution, nous avons fermé notre branche commerciale mais nous nous sommes battus pour conserver l’activité de distribution des films du catalogue, tout en soutenant le secteur de la distribution. Aujourd’hui, l’objectif de l’association reste d’assurer la visibilité du cinéma documentaire et sa diffusion sur grand écran. Pour ce faire, nous nous appuyons sur un réseau de programmateurs adhérents, actifs sur tout le territoire français : le 7e Réseau.

Qu’est-ce que le 7e Réseau ?

C’est un réseau de structures de diffusion, créé en 2016 afin de permettre la circulation des films documentaires sur le territoire français. Peuvent y adhérer toutes structures commerciales, comme les salles de cinéma, ou non commerciales telles que les médiathèques, les librairies, les associations, mais aussi depuis 2024, les réseaux régionaux de salles. C’est un atout dans la réduction des disparités territoriales quant à l’accès à la diffusion du documentaire, notamment patrimonial. Ce réseau nous permet également d’assurer la promotion du documentaire et d’offrir aux structures partenaires la possibilité de bénéficier de notre expertise éditoriale et économique, ainsi que de participer à nos actions concrètes.

L’association agit à plusieurs étapes de la vie du documentaire : avant, pendant, et après sa sortie en salles.

À ce propos, quelles sont les actions concrètes de Documentaire sur grand écran ?

L’association agit à plusieurs étapes de la vie du documentaire : avant, pendant, et après sa sortie en salles. En amont, nous coorganisons avec nos réseaux régionaux et les membres du 7e Réseau, des journées de « prévisionnement » dédiées aux exploitants et aux programmateurs. Ces rencontres permettent de découvrir une sélection d’œuvres contemporaines, de films patrimoniaux et de courts métrages plusieurs mois avant leur sortie sur grand écran. Nous organisons également les soirées mensuelles Doc&Doc au Forum des images, à Paris, dont l’objectif est de présenter aux spectateurs et aux professionnels des films en avant-première. Chacune de ces projections est précédée d’un film de patrimoine afin d’offrir au public diverses clefs de lecture comme le 4 décembre prochain où nous présenterons le film Loin du Vietnam (1967) de Chris Marker, Jean-Luc Godard, Joris Ivens, William Klein, Claude Lelouch, Alain Resnais et Agnès Varda avant l’avant-première du film Les Recommencements d’Isabelle Ingold et Vivianne Perelmuter. Cette double séance va permettre de comparer les regards des cinéastes sur la manière de filmer la guerre à différentes époques. Par ailleurs, toujours en amont de la sortie en salles, nous participons à la remise de prix dans plusieurs festivals, notamment au FIFAM d’Amiens et aux EntreVues de Belfort. Nous y repérons de nouvelles œuvres, mais aussi de nouveaux cinéastes à qui nous proposons un accompagnement.

Comment l’association accompagne-t-elle la diffusion des films en salles ?

Documentaire sur grand écran met à disposition du 7e Réseau ainsi que de toute structure souhaitant programmer du cinéma documentaire, un catalogue de 284 œuvres destinées à des projections commerciales ou non commerciales. Ce dernier réunit des films de patrimoine tel que F for Fake (1973) d’Orson Welles, ou encore des films plus récents comme Atlantiques (2009) de Mati Diop. Afin de mettre en lumière ces œuvres, nous organisons plusieurs manifestations : les Rendez-vous de DSGE, sous la forme de projections thématiques suivies d’un débat avec les cinéastes en question aux cinémas l’Archipel (Paris) et l’Écran (Saint-Denis), les tournées de DSGE de cinéastes du catalogue, et enfin Best of Doc, notre propre festival, qui propose de (re)voir sur grand écran dix films documentaires marquants de l’année passée, souvent évincés trop tôt de l’affiche. L’engouement des professionnels et du public pour ce dernier ne cesse de croître, 268 séances ont été programmées dans 73 salles à travers la France pour la sixième édition du festival !

Et enfin, après la diffusion en salles ?

Outre la programmation et la diffusion des œuvres du catalogue, nous menons également un travail constant de mise à jour des mandats et de gestion des copies. En 2012, nous avons lancé les « Collections particulières », des collections vidéo en DVD consacrées au cinéma de documentaristes tels que Volker Koepp, Ross McElwee, ou Kate Millett. Par ailleurs, aujourd’hui, nous faisons face à un enjeu majeur : la conservation numérique des copies, menacées par l’obsolescence rapide du matériel. Le renouvellement de notre parc de conservation et de gestion numérique des copies est devenu une urgence pour les formats numériques et les DCP [digital cinema package – NDLR]. C’est dans cette optique que nous avons entrepris une levée de fonds, afin de moderniser notre infrastructure numérique, de préserver les œuvres et garantir leur avenir.

Depuis la création de l’association en 1991, quelles évolutions avez-vous constatées dans le paysage du cinéma documentaire ?

Beaucoup de choses ont changé au fil du temps. Tout d’abord, le regard du public sur le cinéma documentaire a profondément évolué, tandis que les sociétés de distribution se sont progressivement investies dans ce domaine. En revanche, il a fallu, et il le faut encore aujourd’hui, sensibiliser les spectateurs au documentaire, longtemps resté en marge des écrans de cinéma. Parallèlement, les évolutions techniques ont transformé en profondeur nos pratiques. À l’époque de la création du 7e Réseau, faire circuler les œuvres signifiait faire circuler les copies physiques. L’arrivée du numérique, des DCP et des liens de visionnage en ligne ont facilité cette circulation mais ont nettement modifié les enjeux. Il ne s’agit plus seulement de diffusion, mais aussi d’organisation d’événements et temps forts avec les cinéastes. Autrefois exceptionnelles, ces rencontres sont désormais habituelles.

Quelle est la force du cinéma documentaire selon vous ?

Je reprends ici les propos du cinéaste Amos Gitai tenus lors d’une conférence au Collège de France. Selon lui, le documentaire de création se distingue par sa capacité à révéler toutes les nuances d’une situation et à adopter un regard réflexif sur le réel. Pour ma part, le documentaire est un espace de réflexion, dans lequel le cinéaste parvient à interroger autant le sujet filmé que la manière de le représenter.

Le documentaire est un espace de réflexion, dans lequel le cinéaste parvient à interroger autant le sujet filmé que la manière de le représenter.

Quels sont les projets de DSGE à l’occasion de cette 26e édition du Mois du Doc ?

Comme chaque année, nous avons élaboré un cycle de films en lien avec la thématique annuelle « Métamorphoses » que nous mettons à disposition de nos structures partenaires. Il s’appelle « Métamorphoses des paysages, tableaux politiques » et se compose de trois longs métrages – Black Harvest de Bob Connolly, 1993 ; La Mémoire fertile de Michel Khleifi, 1981 ; Acid Forest de Rugilè Barzdžiukaitè, 2018 – et trois courts métrages – Je vous suis par la présente de Jean Breschand, 2001 ; Ferrailles d’attente de Tariq Teguia, 1998 ; J’ai le droit à la parole de Dominique Cabrera, 1981. En complément, nous leur proposons une tournée de cinéastes et d’intervenants, parmi lesquels Dominique Cabrera, Jean Breschand, Vincent Pouplard, Annick Peigné-Giuly, Romain Lefebvre viendront animer des discussions autour des films projetés.