Dominique Besnehard : « Intouchables a fait passer Angoulême d’une manifestation régionale à un festival national »

Dominique Besnehard : « Intouchables a fait passer Angoulême d’une manifestation régionale à un festival national »

20 août 2019
Cinéma
Dominique Besnehard
Dominique Besnehard Christophe Brachet

Du 20 au 25 août 2019, Angoulême accueille la 12ème édition de son Festival du film francophone. Son délégué général dévoile les coulisses, racontant l’histoire de ce festival qu’il a imaginé avec sa complice, Marie-France Brière.


Quel regard portez-vous sur les films que vous avez visionné pour établir votre sélection 2019 ?

Dominique Besnehard : Je vois non sans inquiétude grandir le clivage entre un cinéma d’auteur assez militant (avec, cette année, énormément d’œuvres sur l’émancipation des femmes) et un cinéma de comédies qui finissent par toutes se ressembler pour un résultat finalement inférieur à ce que peut proposer la télévision dans le genre. Le fameux cinéma du milieu n’existe quasiment plus car il est désormais l’apanage de quelques cinéastes qu’on compte sur les doigts des deux mains. Certes, la situation n’est pas nouvelle, mais à mes yeux, elle s’aggrave d’année en année et le nombre de cinéastes d’auteur populaires diminue à vue d’œil.

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Quelles sont les thématiques qui se dégagent de ce que vous avez vu ?

La famille. Famille, je vous aime. Famille, je vous déteste. Famille, je vous aime et je vous déteste. C’était LA thématique récurrente des films que nous avons pu visionner avec Marie-France Brière. A partir de là, construire une sélection est toujours un art délicat. Il ne faut jamais oublier de la faire respirer. Trop de films compliqués ou durs finissent par se tuer entre eux. On doit souvent se faire violence et en écarter certains même si on les aime.

Est-ce que comme les sélectionneurs du Festival de Cannes, vous avez des relais dans les différents pays francophones pour vous alerter sur certains films, afin de construire votre sélection ?

Oui, Denise Robert, la productrice de Denys Arcand au Québec, en fait partie par exemple. Il y a aussi Charles Tesson, le patron de la Semaine de la Critique, avec qui j’échange souvent. Je sais qu’il est ravi de ce qui s’est passé avec Shéhérazade qui a remporté le Valois d’Or l’année dernière. Ce premier long métrage de Jean-Bernard Marlin a été révélé par la Semaine de la Critique, mais sa présentation à Angoulême, et les trois prix qu’il y a remportés, ont pu constituer un tremplin idéal pour sa sortie en salles qui l’a conduit jusqu’aux César. Autant je m’interdis de prendre des films de la compétition cannoise, autant j’ai depuis toujours sélectionné des œuvres présentées en section parallèle. Car Angoulême constitue un parfait complément de Cannes de ce point de vue-là. Nous avons un rôle de passeur auprès du grand public.

Quel plaisir prenez-vous, en parallèle de votre activité de producteur, à diriger ce festival ?

Les gens qui travaillent avec moi ont le sentiment que j’y consacre de plus en plus de temps… Mais, pour moi, le festival et la production sont des vases communicants. Visionner autant de longs métrages pour établir une sélection me permet de voir tous les films qu’on ne doit pas ou plus faire (rires). Et puis, ce festival offre aussi quelques belles fiertés. Comme la réouverture d’un des cinémas historiques d’Angoulême, L’Eperon, fermé depuis 1996, que nous avions initiée – avec l’aide évidemment des pouvoirs publics – lors de l’édition 2018. Cette réouverture va d’ailleurs être pérennisée cette année. C’est toujours une immense satisfaction de voir notre acharnement payer.

D’après vous, quel regard posent aujourd’hui les professionnels du cinéma sur Angoulême, au bout de 12 années d’existence ?

Au départ, je ne vais pas vous mentir, on a dû se battre pour faire venir les gens. Il a fallu faire nos preuves, comme tout le monde. Angoulême a vraiment changé d’ère lors de sa quatrième édition, en 2011 : on est passé d’un festival régional à un événement national grâce à la projection en première mondiale d’Intouchables d’Eric Toledano et Olivier Nakache. A partir de ce moment-là, le regard porté sur nous a changé. Mais on s’est toujours efforcé de conserver notre ADN de départ : un festival populaire accessible au plus grand nombre à travers une politique tarifaire appropriée et la multiplication de salles dans la ville pour que notre succès grandissant ne limite pas l’accès aux films.