Jeanne Herry : "Avec Pupille, j’avais vraiment envie de rester dans le mystère qui entoure ce choix d’accoucher sous X"

Jeanne Herry : "Avec Pupille, j’avais vraiment envie de rester dans le mystère qui entoure ce choix d’accoucher sous X"

03 décembre 2018
Cinéma
Jeanne Herry
Jeanne Herry 2018 TRÉSOR FILMS - CHI-FOU-MI PRODUCTIONS - STUDIOCANAL - FRANCE 3 CINEMA - ARTÉMIS PRODUCTIONS 1

Quatre ans après le joli succès d’Elle l’adore, Jeanne Herry aborde le thème de l’adoption dans son deuxième long métrage, Pupille. Elle nous en décrypte le processus de fabrication.


Qu’est-ce qui vous a conduit vers le sujet de l’adoption pour votre deuxième long métrage ?
Jeanne Herry : Le coup de fil d’une proche qui m’apprend que les services d’adoption ont trouvé un bébé pour elle. Ce message me met instantanément les larmes yeux avant de faire naître mille et une questions dans ma tête. D’où vient ce bébé ? Pourquoi celle qui va l’adopter est prévenue au dernier moment ? J’ai eu envie de comprendre tout ce qu’il y avait dans ce coup de fil. J’ai donc commencé à me renseigner. Et plus j’avançais dans la connaissance de l’accouchement sous X, plus ça me passionnait. Ce collectif qui se met en branle et vient successivement encadrer cette mère qui accouche, son bébé puis les candidats à l’adoption constitue un terreau inouï pour la fiction.

Mais dans ce monde où le secret est roi, était-ce facile de se documenter ?
J’ai assez vite eu un contact dans le milieu de l’adoption à Brest qui m’a mené à un autre, qui m’a fait rencontrer quelqu’un d’autre… et ainsi de suite. Et à chacun, je leur ai demandé de se raconter et de me raconter leur travail.

En leur précisant d’emblée que vous travailliez sur un projet de fiction ?
Oui et c’est d’ailleurs parce que je faisais une fiction et non un documentaire qu’ils ont accepté de me parler. Car nos entretiens n’étaient pas filmés : j’enregistrais juste leurs propos pour noircir mes carnets de note. Je n’ai vu d’ailleurs personne dans le cadre de son travail. Mon scénario s’est construit à partir de ces différents récits que j’ai digérés au fur à mesure.

Je me suis rendue compte assez vite que cette histoire racontait quelque chose de la France. Car c’est le seul pays à offrir la possibilité d’accouchement sous X. Et cette spécificité s’appuie, en amont, sur des lois incroyablement bien pensées et, sur le terrain, sur des améliorations constantes et un encadrement de plus en plus bienveillant.

Ce mot de bienveillance est le premier qui vient à l’esprit, d’ailleurs, pour qualifier votre film…
Sans doute parce que c’est grâce à cette bienveillance que le cinéma devenait possible. En fait, ces femmes et ces hommes sont eux-mêmes leurs propres outils. A l’image finalement de nous, acteurs ou réalisateurs, qui nous appuyons sur notre sensibilité, notre rapport au langage, notre faculté à comprendre les autres. Car leur métier à eux c’est de parler, d’accompagner les gens par la parole, d’inciter les gens à se questionner. Et moi qui adore écrire des dialogues, je ne pouvais rêver mieux.

Sauf qu’avec cette somme de renseignements collectés et les multiples personnes impliquées avant de finaliser une adoption, vous auriez pu traiter ce sujet dans une série… Comment fait-on pour réduire tout cela à un récit de 2 heures ?
Tout passe par des choix pris très en amont. Dès le moment où je suis passée du général au particulier. J’ai décidé de ne faire ni la chronique d’un service en particulier, ni un catalogue de cas d’adoption. Et j’ai choisi de raconter l’histoire d’un bébé, d’une maman qui accouche sous X et de la femme qui l’adoptera. Cette équation à trois personnages centraux fermait alors par ricochet plusieurs portes.

Sur le tournage, comment faisiez-vous pour ne jamais perdre le fil des parcours des nombreux personnages ?
J’ai vécu ce tournage dans un état de concentration extrême pour être capable d’expliquer à chaque instant à chaque comédien sa mission personnelle dans ce collectif. Et si j’ai été incroyablement émue en écrivant le scénario, cet aspect émotionnel avait disparu sur le plateau. Je n’étais que dans l’obsession de savoir si les enjeux étaient atteints, si l’équilibre entre les personnages était respecté, si tout paraissait compréhensible. En fait, une fois sur le plateau, je ne travaille plus que sur la tension du récit pour traquer le moindre temps mort.

Pupille

Pupille sort en salles le 5 décembre et a reçu l'avance sur recettes avant réalisation du CNC.