Les Enfants des Lumière(s) : Créer des personnages de film policier, de l’écrit à l’image

Les Enfants des Lumière(s) : Créer des personnages de film policier, de l’écrit à l’image

03 mars 2022
Cinéma
Hélène et Walid, les deux personnages principaux du court métrage
Hélène et Walid, les deux personnages principaux du court métrage Photogramme de « L’Affaire Wesley » - DR

Les élèves de la classe STMG (Sciences et Technologies du Management et de la Gestion) du lycée Delacroix, à Drancy, ont intégré le programme en 2020. Aujourd’hui, en terminale, la classe a réalisé un court métrage policier, L’Affaire Wesley, accompagnée par la réalisatrice Stéphanie Duvivier.


Les Enfants des Lumière(s) est un dispositif d’éducation artistique et culturelle que le CNC développe depuis 2015, en partenariat avec les académies de Paris, de Versailles et de Créteil. Il s’adresse aux classes des écoles élémentaires, des collèges et des lycées technologiques et professionnels scolarisés en éducation prioritaire qui n’ont pas facilement accès à l’art et à la culture. L’espace de deux ans, de la Première à la Terminale, les lycéens participant au programme ont la possibilité d’écrire et réaliser un court métrage, collectivement.
Ainsi, la classe de Première STMG du lycée Delacroix, à Drancy, a procédé, l’an dernier, à l’écriture d’un court-métrage policier L’Affaire Wesley, et à sa réalisation, cette année. L’occasion pour eux d’apprendre tous les rouages derrière la création de personnages, de l’écrit à l’image.

Un scénario autour de deux personnages forts et opposés
Première étape : le scénario, à l’aide d’ateliers organisés par la réalisatrice Stéphanie Duvivier Juliette Labard

Chaque élève apportant sa pierre à l’édifice, il a d’abord été difficile, à la classe, de trouver un terrain commun pour bâtir le récit de leur court métrage, confie Shalyna : « au début, je ne pensais pas qu’on allait y arriver. On mélangeait tous nos idées, qui étaient toutes très différentes ». C’est finalementla création des personnages principaux, Hélène et Walid, qui a permis d’établir ce socle commun.

Le synopsis de L’Affaire Wesley est le suivant : « Hélène, lieutenant expérimentée travaille avec un nouveau coéquipier Walid sur une affaire de meurtre. Il travaille en dilettante et lui semble peu sérieux. C’est grâce à un véritable travail d’équipe qu’ils trouveront ensemble le coupable ».

C’est à partir des contrastes entre les deux protagonistes que le ton léger et la dynamique de l’intrigue ont pris forme, comme en témoigne Léa : « On s’est rendu compte que l’histoire plaisait avec les deux personnages donc on les a reliés, ce qui a formé une histoire comique ». Cette dernière énumère, par ailleurs, leurs différences : « Hélène est très sérieuse alors que Walid est plutôt perturbateur mais pas si bête que cela. Le personnage d’Hélène est une femme indépendante, très sérieuse et qui aime son métier. Elle était policière dès le début et a fait son chemin par rapport à Walid, qui est plus un débutant. » Une dualité qui s’est retrouvée dès l’étape de l’écriture puisque « ce sont les garçons qui ont créé le personnage de Walid, et nous les filles on a créé celui d’Hélène », nous explique Shalyna.

L’écriture d’un scénario de fiction ne les coupait pas, pour autant, de la réalité. Léa nous informe ainsi qu’elle et ses camarades voulaient créer, pour Hélène, un personnage de « femme forte, qui représente ce dont on parle dans l’actualité ». Une grande attention a également été portée au naturel du langage, selon Shalyna : « dans l’écriture, on essayait que ça ne soit pas trop "français", "bien parlé", il ne fallait pas que ça sonne comme une dissertation, mais comme du langage parlé ».

Le choix des interprètes
Les personnages collaient bien à la peau des acteurs Photogramme de L’Affaire Wesley

Passé l’étape de l’écriture, les élèves ont organisé un casting afin de définir qui allait jouer dans le court métrage, et notamment interpréter les deux personnages principaux d’Hélène et Walid.

C’est à Myriam, une élève de la classe, que le rôle d’Hélène est revenu. L’intéressée raconte qu’au début, elle ne voulait pas jouer ce personnage, qu’elle trouvait trop compliqué : « mais ma classe m’a incitée à le faire et finalement j’ai passé le premier casting. Depuis le deuxième casting, je sais que je veux jouer le rôle d’Hélène. Elle a un fort caractère, un peu comme moi. Cela m’aide que nos personnalités soient un peu semblables. D’ailleurs, quand les autres sont pris d’un fou rire sur le tournage, moi je sais me contenir, je ne rigole pas. »

Quant à Walid, c’est Amin, un autre de leurs camarades, qui l’interprète, avec une légèreté qui colle tout à fait au personnage. Léa et Shalyna approuvent totalement ces choix de casting : « c’est beaucoup plus simple pour eux de jouer vu qu’ils sont proches de leurs caractères. On s’est rendu compte que les personnages collaient bien à la peau des acteurs : par exemple, Myriam est très indépendante, très forte et cela va très bien avec le personnage d’Hélène ».

Du papier à l’écran
Les vêtements permettent vraiment de caractériser les personnages Photogramme de L’Affaire Wesley

Une fois les acteurs choisis, un vrai travail a été fait pour marquer leurs caractères à l’écran. Dans cet objectif, le choix des costumes fut une étape décisive. Peeter, qui a découvert le métier de chef costumier sur ce projet, en parle : « pour le choix des costumes, on s’est inspiré des réseaux sociaux, dont Instagram, des influenceurs, des acteurs… Il fallait que les habits collent aux personnages. Pour la tenue d’Hélène, on a cherché à reproduire les vêtements d’une femme classe et sérieuse dans son travail et pour Walid on s’est inspiré de personnes au style décontracté, qui semblent drôles mais pas trop. Les vêtements permettent vraiment de caractériser les personnages ».

Myriam se félicite d’ailleurs de la sélection vestimentaire pour son personnage : « les costumes me ressemblent. Avant de devenir l’actrice du film, j’étais la costumière de l’équipe, donc j’ai beaucoup participé à leurs choix ».

Mais, derrière ces choix, il y a aussi toute une organisation à tenir, c’est ce dont témoigne Khalil, qui a également travaillé dans l’équipe costumes, le temps du tournage. « Être costumier, c’est aussi programmer les tenues des acteurs pour chaque séquence. On s’est mis d’accord avec les acteurs, à partir des tenues qu’ils avaient chez eux, et on les a ensuite classés par séquences selon un ordre de cohérence. Avec l’équipe et les professeurs, on a décidé de prendre un portant pour mettre tous les costumes et les ranger par jour, par personnage et par séquence. Je me suis bien rendu compte de l’importance des costumes dans un film, cela permet à l’acteur de bien rentrer dans son personnage. »

Toute une organisation à tenir Laure Farantos

Mais, il n’y a pas que les costumes qui servent à identifier les personnages et le travail du décor a, lui aussi, eu un rôle essentiel. Léna et Camélia, de l’équipe décoration, témoignent d’ailleurs de ces échos entre les protagonistes et leurs lieux de vie. « Le personnage de Walid est un lieutenant, il doit être professionnel, mais il est encore trop enfantin. Il se laisse aller et rigole pour tout. Sa chambre, en désordre, correspond à ce personnage. Il vit encore chez sa mère, alors qu’Hélène, elle, a sa propre maison. Le décor montre bien le caractère de chaque personnage et l’opposition entre les deux.

À la recherche du réalisme
Les accessoires qu’un policier doit avoir sur soi Photogramme de L’Affaire Wesley

Pour assurer le réalisme du film policier, le commissaire de Drancy est venu à la rencontre de la classe au lycée Delacroix en décembre dernier. « Cela nous a aidés de rencontrer un commissaire, confie Khalil, il nous a bien indiqué les accessoires qu’un policier doit avoir sur lui (brassard, etc…), le rôle des acteurs, ce qu’ils devaient faire, les différents termes spécifiques (lieutenant, etc…) ».

Lena et Camélia gardent un bon souvenir de cette rencontre : « on lui a présenté notre projet. Il nous a donné des conseils pour rendre notre film réaliste, que ce soit sur l’histoire ou pour les acteurs, sur la manière de jouer les lieutenants… On a pu découvrir une image très vraie du métier ».

Grâce à cette intervention et au travail de documentation des élèves, les décors ont acquis une véritable authenticité. D’ailleurs, à la suite de cette rencontre, une autorisation a été accordée aux élèves pour tourner plusieurs scènes dans le commissariat. Tandis que d’autres ont été filmées dans une salle de classe transformée en commissariat. Larbi, un élève ayant travaillé au décor, explique : « on a réutilisé les bureaux des professeurs, les armoires dans les salles…  L’administration du lycée nous a aidé et prêté du matériel pour donner un style proche d’un commissariat ou bureau de police. Pour le fond de la classe, on a utilisé des cartons pour remplir la pièce afin de faire en sorte que ça ne soit pas trop vide. L’équipe informatique a aussi prêté des ordinateurs. En plus de l’intervention de M. le commissaire de Drancy, on s’est référé à des photos, à nos connaissances et Stéphanie Duvivier nous a aidés ».

Une salle de classe transformée en commissariat Laure Farantos

En tout cas, cette expérience aura fait naitre de nouvelles vocations. Ainsi, Myriam explique qu’un avenir dans le cinéma pourrait l’intéresser. Elle qui analyse beaucoup le jeu des acteurs dans les séries qu’elle regarde et nous livre d’ailleurs s’être inspirée du jeu de Viola Davis (qui interprète Annalise Keating) dans la série How to Get Away with Murder, a vécu une expérience qui l’a confortée dans cette voie. Elle n’est sans doute pas la seule et ce court métrage n’est peut-être qu’un premier coup d’éclat.

Une première version montée du court métrage existe déjà et sera retravaillée pour que version finale soit ensuite projetée et diffusée. Une projection officielle des cinq courts métrages réalisés dans le cadre des Enfants des Lumière(s) sera organisée par le CNC au printemps et une diffusion est également prévue sur la chaine Youtube du CNC, en juin 2022.