Mathias Malzieu : « je suis un raconteur d’histoires »

Mathias Malzieu : « je suis un raconteur d’histoires »

11 mars 2020
Cinéma
Une sirène à Paris
Une sirène à Paris Thibault Grabherr - Sony Pictures Entertainment France

Chanteur, musicien, écrivain, réalisateur, Mathias Malzieu est un artiste à multiples facettes.  A l’occasion de la sortie en salles de son nouveau film (Une sirène à Paris), nous l’avons interrogé sur les ponts qu’il tend entre ses différentes formes d’expression artistique, et sur la manière dont elles se nourrissent entre elles…


Comment vous définiriez-vous d’abord ? Etes-vous musicien, chanteur, écrivain ou réalisateur ?

Un peu tout cela à la fois en fait. Mais s’il fallait synthétiser mes activités, ou choisir, je dirais que je suis à la base un « raconteur d’histoires ». Je ne me suis jamais dit : j’aime plus le cinéma que la musique ou les livres. Pour moi, c’est une même entité, un tout. J’ai découvert en même temps Jarmusch, Kerouac et les Pixies et je me suis jeté dans tous ces univers avec le même appétit. Du coup, lorsque je me suis inscrit à la fac de cinéma [Paul Valery à Montpellier NDR], j’ai monté en même temps le groupe Dionysos. Et j’ai donc rapidement écrit des chansons, mes premiers textes. C’est l’époque où j’ai commencé à réaliser mes premiers clips. Pareil : lorsque j’écrivais mon mémoire de maîtrise sur Jim Jarmusch, je « bricolais » mes premières histoires. Tout a toujours été lié.

Qu’est-ce que ces études de cinéma vous ont appris pour la chanson et l’écriture ?

Le désir. J’ai passé du temps avec des passionnés de cinéma : des professeurs mais aussi des élèves. On parlait cinéma des heures durant et on prenait notre caméra Super 8 pour filmer tout et n’importe quoi. Je crois que ces années à la fac de cinéma m’ont donné envie de raconter des histoires. Je l’ai juste fait de plusieurs façons, à travers différents moyens d’expression.

Et qu’est-ce que la musique vous a apporté dans votre travail de réalisateur ?

Ça va sans doute vous paraître étrange, mais un tournage ressemble un peu à une tournée. C’est à peu près le même mot, c’est la même racine. Il y a une vie de troupe, un « vivre ensemble » essentiel. A un moment de la journée, tout à coup, on sent la même montée d’adrénaline quand on dit « ACTION ! » ou quand on rentre sur la scène. C’est la même intensité. La différence, c’est que quand j’étais sur le plateau, j’étais un peu comme un coach, je devais gérer l’équipe et les acteurs.

Entre vos trois formes d’expression (musique, cinéma, écriture), laquelle vous paraît la plus proche de vous ?

Sans hésitation l’écriture, car c’est celle que je peux emmener partout. Il n’y a pas de film, pas de chanson sans écriture. Quand j’étais à l’hôpital [en 2013, Mathias Malzieu a subi une greffe de moelle osseuse. NDR], je ne pouvais évidemment pas tourner, je n’avais pas le droit de faire de la musique… Mais je pouvais toujours écrire. A la fin, il reste toujours l’écriture…

Vous êtes-vous senti immédiatement légitime dans ces trois formes d’expression ?

Quand j’ai commencé à écrire, on a parlé de roman de chanteur... Pareil quand j’ai commencé à vouloir faire des films. Parallèlement, comme j’avais déjà un public à travers ma musique, il y avait une certaine curiosité à l’égard de mes livres ou de mes films. Pour répondre à votre question : oui, j’ai traversé des périodes de doutes quand j’ai pris d’autres routes que la musique, mais je dois reconnaître qu’il y avait également des a priori positifs ou bienveillants provenant de ceux qui m’aimaient bien, qui m’encourageaient. Que certains doutent de moi, c’était le jeu. Comme disent les footballeurs : la vérité, c’est sur le terrain…  

Avez-vous été contraint à devoir faire un choix entre ces modes d’expression ?

Le seul choix à faire est celui du tempo, de l’agenda si vous préférez. Sur Jack et la Mécanique du cœur, j’ai commencé par le livre. Il m’a donné envie d’écrire une chanson. Et parce que je voulais entendre les bruits de battements de cœur de mon personnage,  je suis allé chez un horloger et c’est de là qu’est venue l’envie de faire un album complet qui, m’a-t-on dit, avait une dimension cinématographique. De fil en aiguille…

 

Pour Une sirène à Paris, avez-vous écrit le film avant le livre ?

En fait, j’ai tout écrit en même temps. Ce fut un processus formidable parce que j’étais du coup en immersion totale avec mon histoire et mes personnages, tout le temps. Mais j’avais sous-estimé la logistique. Quand on commence à faire entrer d’autres gens dans notre propre histoire, avec leurs propres temporalités et leurs contraintes particulières (producteurs, maison de disque, éditrice, tourneur), réussir à articuler ces univers si différents devient vite extrêmement compliqué.

Le plaisir à écrire le livre et le scénario furent identiques ?  

Le livre est un produit fini. Je suis à la fois chef déco, costumier, acteur…. Au contraire, le scénario n’est qu’un matériau de travail. Au moment où j’écris mon livre, je rêve cinéma en même temps et je fabrique l’outil qui m’aidera à concrétiser ce rêve : le scénario. Pourtant, la routine est un peu la même : j’écris le soir et il faut être régulier. Tout est mélangé, d’ailleurs. C’est pourquoi je ne peux pas vraiment répondre à votre question. C’est comme si vous me demandiez si je préfère mes chansons en live ou les versions studio. Une pièce insonorisée, c’est forcément différent d’une salle avec un public qui crie ; on ne joue pas de la même manière. Là, c’est la même chose : avec un scénario, on crie « ACTION » et d’un coup il y a des acteurs qui se réapproprient nos phrases et toute une équipe technique qui est force de propositions pour l’améliorer ou le transformer. C’est joyeux : c’est LE processus créatif !

Une sirène à Paris, qui sort ce mercredi 11 mars, a reçu l’aide au développement de projets de long métrage du CNC.