Nicolas Pariser : « Avec Alice et le maire je voulais filmer le pouvoir »

Nicolas Pariser : « Avec Alice et le maire je voulais filmer le pouvoir »

01 octobre 2019
Cinéma
Alice et le maire
Alice et le maire Bizibi - Bac films - Arte France Cinema - Auvergne-Rhône-Alpes - Scope Pictures - Les films du 10
Comme dans ses deux premiers courts et son premier long, Nicolas Pariser traite de politique avec Alice et le maire, centré sur la relation entre le premier édile de Lyon et une jeune philosophe engagée dans son équipe. Entretien.

Après vos premiers courts (Le Jour où Ségolène a gagné et La République) et votre premier long (Le Grand jeu), la politique se retrouve au cœur d’Alice et le maire. Qu’est-ce qui vous passionne dans ce sujet ?

Ma passion pour la politique remonte à l’adolescence, voire l’enfance. A l’époque, dès qu’il y avait un poste de délégué de classe, j’avais envie de me présenter ! (rires) Et l’actualité politique m’a toujours intéressé. Je n’ai jamais boudé mon plaisir à lire le récit des alliances et des trahisons qui conduisent au pouvoir. Pour moi, ce sujet est éminemment cinématographique car, à travers les secrets et les rivalités qu’il charrie, il représente une source d’histoires et de fictions inépuisable. Rohmer disait qu’on ne mentait pas assez au cinéma. Parler de politique permet d’y remédier…

Quels sont vos films préférés sur ce sujet ?

Je suis un grand admirateur de Tempête à Washington, Les Hommes du Président ou de la série A la Maison Blanche… J’aime les fictions américaines sur la politique quand elles gardent foi dans la démocratie. Les Hommes du Président est une ode au journalisme. Dans A la Maison Blanche, sous la Présidence George W. Bush, on voyait à l’écran un président démocrate intelligent, pondéré et remarquable. Par ricochet, je suis donc moins intéressé par des séries plus pessimistes comme House of Cards… Voilà pourquoi avec Alice et le maire, je me suis lancé le défi de faire un film certes critique sur la politique mais sans dresser un tableau totalement sombre.

Mais la politique va vite. Entre le moment où vous avez eu l’idée de ce film et celui où on le découvre, La République en Marche a émergé et bousculé la vie politique française. Par ricochet, Alice et le maire semble être devenu un portrait de l’ancien monde. Ces changements profonds ont influencé votre écriture ?

Le moment de basculement qu’on vit depuis la fin du quinquennat de François Hollande - avec d’abord l’effondrement de la gauche puis celui de la droite traditionnelle - est contemporain de l’écriture du scénario. J’ai malgré tout essayé de continuer à raconter mon histoire, celle d’un édile de l’ancien monde comme vous dites. Car il s’agissait d’abord et avant tout de la relation entre ce maire et d’une jeune philosophe qui intégrait son équipe. Mais un tel effondrement des structures de la vie politique traditionnelle m’a, de fait, poussé à rajouter des éléments dans mon scénario pour que le film apparaisse le plus contemporain possible de ce moment-là.

Pourquoi avoir choisi la figure du maire pour parler de politique ?

Je voulais filmer le pouvoir. Or filmer un président de la République aurait représenté quelque chose de très lourd et très cher. Il aurait fallu par exemple le montrer dans ses rendez-vous autour du monde. Je n’avais pas envie de ce film-là. Mais j’avais besoin de montrer un homme politique décisionnaire dans son « mini-royaume ». Ça ne pouvait donc être ni un premier ministre, un ministre, un député ou un sénateur. Le maire m’est tout de suite apparu la figure idéale pour raconter l’exercice du pouvoir en France qui reste de nature très monarchique. Toutes les mairies sont des mini-Versailles avec un mini-roi, une mini-cour.

En situant votre action à Lyon, vous deviez imaginer que beaucoup allaient penser que vous étiez en train de faire un film sur son maire, Gérard Collomb ?

Je plaide la naïveté. Dans L’Exercice de l’Etat, on voit un président et un premier ministre sans jamais penser que Pierre Schoeller fait un portrait de Nicolas Sarkozy et François Fillon qui occupaient ces postes à l’époque. Je me situe ici dans la même logique. Je parle d’une fonction et pas de celui qui l’occupe. Et on ne peut pas dire que la ressemblance physique entre Fabrice Luchini et Gérard Collomb soit vraiment frappante ! Mais cette réaction raconte la grande proximité des citoyens des villes avec leurs maires. Balzac disait que dans les romans on pouvait fictionner tous les personnages sauf le Roi. J’ai compris que cela s’appliquait aussi aux maires !


Alice et le maire, en salles le 2 octobre, a bénéficié de l’aide au développement de projets de long métrage, l’avance sur recettes avant réalisation et l’aide à la musique de films.