Pascal Bonitzer : « La musique dans Les Envoûtés occupe une place centrale »

Pascal Bonitzer : « La musique dans Les Envoûtés occupe une place centrale »

09 décembre 2019
Cinéma
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Les Envoutés de Pascal Bonitzer
Les Envoutés de Pascal Bonitzer SBS Distribution/SBS Productions
Avec Les Envoûtés, Pascal Bonitzer adapte une nouvelle d’Henry James qu’il transpose de nos jours. Ce drame de la jalousie avec Sara Giraudeau et Nicolas Duvauchelle, est porté par la musique symphonique de Bruno Coulais. Le cinéaste explique la façon dont il a utilisé les accords du compositeur pour créer une atmosphère.

« De tous mes films, Les Envoûtés est celui où la place de la musique est la plus importante », explique Pascal Bonitzer qui adapte ici très librement une nouvelle d’Henry James, Les Amis des amis, une histoire d’amour et de fantômes. Le cinéaste de Rien sur Robert, Le Grand Alibi ou Cherchez Hortense transpose l’action de ce récit paru en 1896, de nos jours. Coline (Sara Giraudeau), une jeune journaliste, est envoyée par sa rédaction dans la maison perchée dans les montagnes pyrénéennes de Simon (Nicolas Duvauchelle). Ce dernier est un peintre vivant en dehors de la compagnie des hommes. Il dit avoir vu le spectre de sa mère juste avant que celle-ci ne décède. Coline part à sa rencontre pour percer le mystère de cette vision prémonitoire. Elle tombe immédiatement sous le charme de Simon et en profite pour lui présenter sa meilleure amie, Azar (Anabel Lopez) qui a connu une expérience similaire. Très vite des tensions apparaissent au sein du trio.

Pascal Bonitzer voulait que cette adaptation soit avant tout un film d’atmosphère et c’est précisément la raison pour laquelle la musique tient ici un rôle central : «  Beaucoup de séquences sont muettes et n’auraient aucun sens sans musique. Prenez, les derniers instants du film lorsque Coline décide de fuir, La Sarabande d’Haendel permet de traduire ses émotions, d’accompagner ses gestes, d’imprimer un rythme particulier… Les paysages ont aussi une place prépondérante et la musique permet de célébrer leur puissance... »

La chose ne fut pourtant pas aisée. A 15 jours du mixage du film, Pascal Bonitzer a dû, en effet, revoir complétement le travail sur la musique originale. « J’avais d’abord demandé une partition à un compositeur avec lequel j’avais l’habitude de collaborer mais ça ne marchait pas. Je ne ressentais rien, c’était inerte. J’ai alors pensé à Bruno Coulais et à sa musique sur Blanche comme neige (2019), le dernier long métrage d’Anne Fontaine dont j’ai co-écrit le scénario. Je lui ai donc montré Les Envoûtés, il a beaucoup aimé et malgré son emploi du temps chargé, a composé la musique dans la foulée. »

Le cinéaste entendra pour la première fois les accords du musicien lors de l’enregistrement des morceaux dans un studio de Sofia en Bulgarie où Bruno Coulais a ses habitudes. Le grand orchestre symphonique de Sofia fait alors retentir les différents thèmes. « Il y avait évidemment un risque que ça ne colle pas, mais compte tenu des délais, il fallait le prendre. Le résultat m’a beaucoup impressionné. Enfin,  « j’entendais » mon film… ». Bruno Coulais propose également de réarranger lui-même La Sarabande d’Haendel afin de la rendre « moins solennelle ». D’autant que cette pièce baroque est devenue indissociable du Barry Lyndon de Stanley Kubrick (1975) où son utilisation a contribué à en faire un « tube » dépassant largement le cadre des mélomanes. Brian de Palma pour son Redacted (2007) n’hésitera pas à l’utiliser à nouveau. Pascal Bonitzer affirme n’avoir pas immédiatement pensé au film de Kubrick en la choisissant. « C’est seulement après coup. Mais une fois que je l’avais en tête, il était impossible de me la retirer. C’était elle qu’il me fallait, à  ce moment précis. »

Parmi les autres musiques additionnelles, on peut entendre un titre de Melody Gardot, If Ever I Recall Your Face : « C’est mon producteur Saïd Ben Saïd qui me l’a suggérée. Là aussi, il y a eu évidence. On l’entend à deux moments clefs du film. C’est surtout elle qui conclut le film, on l’entend d’ailleurs sur le générique de fin. Tout en elle, la mélancolie, la profondeur, la douceur, est au diapason des émotions de cette histoire.»  Malgré l’importance de toutes ces musiques dans Les Envoûtés, Pascal Bonitzer tient toutefois à préciser: « La musique n’est pas pour moi un élément très naturel. Certains cinéastes ont besoin de musique autour d’eux pour créer. Ce n’est pas du tout mon cas. Moi c’est le silence... »

Les Envoûtés a reçu l’aide à la création de musique originale du CNC.