Cinq Prix Goncourt sur grand écran

Cinq Prix Goncourt sur grand écran

26 novembre 2019
Cinéma
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Chanson douce
Chanson douce de Lucie Borleteau Studio Canal
À l’occasion de la sortie de l’adaptation de Chanson douce de Leïla Slimani par Lucie Borleteau, retour sur des œuvres récompensées par ce fameux prix et qui ont connu une nouvelle vie sur grand écran.

Les Racines du Ciel de John Huston (1958)

En 1956, Romain Gary obtient le Prix Goncourt pour Les Racines du ciel, dans lequel un idéaliste français se bat pour faire cesser l’extermination des éléphants en Afrique. Deux ans plus tard, son roman est porté à l’écran. Et Gary (futur réalisateur des Oiseaux vont mourir au Pérou en 1968 et de Police Magnum en 1971) fait ses débuts de scénariste en cosignant l’adaptation. Pour porter à l’écran cette œuvre écologiste avant l’heure, le célèbre producteur américain Darryl F. Zanuck fit appel à John Huston. Un choix surprenant au regard de la réputation de chasseur du réalisateur. Et le tournage au cœur du Tchad ne fut pas de tout repos. Entre dysenterie, malaria et insolation, toute l’équipe tomba malade à deux exceptions près : Houston lui-même et Errol Flynn. Flynn était l’un des fers de lance d’une distribution prestigieuse qui réunissait notamment Trevor Howard (l’inoubliable interprète de Brève rencontre de David Lean), Juliette Greco (compagne d’alors de Zanuck) et Orson Welles, dans le rôle d’un grand reporter.

Léon Morin prêtre de Jean-Pierre Melville (1961)

C’est en 1952 que Beatrix Beck, qui fut l’ultime secrétaire d’André Gide, reçoit le Prix Goncourt pour cette liaison troublante entretenue, pendant l’Occupation, par une jeune veuve athée fuyant les Allemands et un prêtre qui lui donne l’asile. Bien que passionné par ce récit dès sa sortie en librairie, le réalisateur a mis neuf ans pour le porter à l’écran. Un temps nécessaire pour trouver les interprètes idéaux de ces deux personnages : Emmanuelle Riva – qu’il repère en 1959 dans Hiroshima mon amour d’Alain Resnais et dont la ressemblance avec Beatrix Beck lui paraît frappante – et Jean-Paul Belmondo, d’abord réticent, dans son premier grand rôle à contre-emploi. Léon Morin prêtre marquera la carrière du futur réalisateur de L’Armée des ombres, l’un des deux seuls films avec Les Enfants terribles où le récit est vu à travers les yeux d’un personnage féminin. Cinquante-cinq ans plus tard, Nicolas Boukhrief adaptera à son tour Léon Morin prêtre dans La Confession avec Romain Duris et Marine Vacht.

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Capitaine Conan de Bertrand Tavernier (1995)

C’est en 1934 que Roger Vercel décroche le Goncourt pour ce roman centré sur les dernières heures du premier conflit mondial au cœur des Balkans en 1918 où, alors que l’Armistice a été signée en France, l’armée d’Orient reste en état de guerre. Bertrand Tavernier, déjà auteur de La Vie et rien d’autre sur cette même période tragique, décide de porter à l’écran ce livre pour deux raisons. D’abord pour dénoncer le sort de ces soldats mobilisés même après la guerre et obligés de se battre, comme ce fut le cas des appelés de la guerre d’Algérie. Ensuite pour réhabiliter ce roman sous-estimé en raison d’un critique virulent qui malmena à l’époque le roman. Capitaine Conan vaudra son deuxième César du réalisateur à Tavernier, vingt ans après celui de Que la fête commence, et son premier César du meilleur acteur à son interprète principal Philippe Torreton.

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Au revoir là-haut d’Albert Dupontel (2017)

C’est en 2013 que Pierre Lemaître, jusque-là surtout auteur de romans policiers, remporte le Goncourt avec cette œuvre picaresque où deux rescapés des tranchées de 14-18 – un dessinateur de génie et un modeste comptable – décident de monter une arnaque aux monuments aux morts. Lecteur enthousiaste de ce récit, Albert Dupontel décide de s’en emparer, car il y voit un pamphlet subtilement déguisé contre notre époque actuelle où une petite minorité, cupide et avide, domine le monde. Ce roman lui offre également la possibilité de raconter l’histoire universelle et intemporelle de la relation entre un père plein de remords et un fils aussi délaissé qu’incompris. Il ne faudra pas moins de 13 versions du scénario (cosigné par Lemaître lui-même) pour parvenir à un résultat salué tant par la critique que par le public (2 millions d’entrées) ainsi que par les professionnels avec 5 César, dont celui du meilleur réalisateur. Depuis, Pierre Lemaître a poursuivi l’aventure Au revoir là-haut en librairies avec Couleurs de l’incendie, publié en 2018 et Miroirs de nos peines, à paraître début 2020.

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Chanson douce de Lucie Borleteau (2019)

C’est en 2016 que Leïla Slimani devient la 16e femme – en 113 ans d’existence ! – à remporter le Prix Goncourt avec cette histoire de nounou dévouée dont les réactions vont cependant devenir de plus en plus angoissantes aux yeux des parents qui l’ont engagée pour s’occuper de leurs enfants. Un livre inspiré à l’auteur par un fait divers survenu à Manhattan en 2012 où deux enfants ont été retrouvés poignardés par leur nourrice - le mobile du crime reste encore à ce jour indéterminé. Maïwenn fut la première à vouloir porter à l’écran Chanson douce dès 2017. Mais c’est finalement Lucie Borleteau – découverte en 2014 avec son premier long Fidelio, l’odyssée d’Alice – qui a pris le relais avec Jérémie Elkaïm comme coscénariste. Sans toucher à l’ADN du roman, qui propose une double réflexion sur la notion de maternité et sur une certaine domination sociale, Lucie Borleteau entraîne le récit vers le cinéma de genre dans une atmosphère teintée d’horreur créée par le chef opérateur Alexis Kavyrchine (La Douleur).