Comment est né l’idée de ce clip animé avec SCH ?
Ashargin Poiré : SCH [Julien Schwarzer de son vrai nom, NDLR] a composé spécifiquement le morceau « Train Mistral » pour le générique du film Marcel et Monsieur Pagnol de Sylvain Chomet dont je suis le coproducteur avec Valérie Puech et notre société What The Prod. Le format du clip permettait à la fois de partager ce titre et d’accompagner la sortie du long métrage. SCH est un grand admirateur de Marcel Pagnol. Celui-ci a inspiré son enfance. Tous deux ont par ailleurs grandi à Aubagne, au pied du Garlaban, sont partis à Marseille puis Paris… Le film a été présenté en mai au Festival de Cannes puis en juin à celui d’Annecy. Nous nous sommes décidés à la mi-juillet à faire ce clip. À travers lui, nous avons voulu rendre un hommage à Pagnol, mais aussi au septième art. SCH est en effet féru de cinéma. Le clip animé est d’ailleurs son idée. Il s’agit à la fois de son premier clip d’animation et de son premier titre qui s’éloigne de l’univers du rap. Le grand pari sur ce clip a été de défier le temps. Il a été fabriqué en moins de douze semaines. Dès que nous avons obtenu le feu vert de Maison Baron Rouge – société d'édition musicale de SCH et coproducteur du clip – , nous avons cherché un réalisateur puis nous avons sollicité l’aide à la vidéomusique du CNC, que nous avons obtenue. Travailler avec Frédéric [Remuzat] a été une évidence. Il vient du monde de la bande-dessinée et évolue depuis trente ans dans le milieu de l’animation. En 2023, il a par ailleurs réalisé le clip animé « Tropical » pour le rappeur Jul dans le cadre de la collaboration de ce dernier avec la marque Oasis. Sans oublier qu’il est Marseillais et connaît très bien la région.

Frédéric Remuzat : J’étais particulièrement intéressé de participer à l’imagerie très forte de Marcel Pagnol. J’aime en outre le travail de Sylvain Chomet et celui de SCH. Le morceau et le film parlent en effet d’une région chère à mes yeux où je suis né, où j’ai grandi et où je vis. J’ai pris beaucoup de plaisir à réaliser ce clip. Moins de douze semaines, c’est effectivement très court à l’échelle de l’animation. Nous avons choisi de nous appuyer sur les images du film pour tisser une histoire parallèle entre SCH et Marcel Pagnol. Ce parti pris nous a permis de déployer un univers propre sans tomber dans une simple illustration du texte de SCH. Le décor devait raconter une histoire.
Quelle ligne directrice avez-vous voulu donner au clip ?
A.P : Dès le départ, nous avons souhaité intégrer des plans cinématographiques. Il fallait également restituer au mieux en quelques scènes de quelques secondes la personnalité de SCH, l’émotion de son texte, et ce voyage du Train Mistral. Le clip oscille entre modernité et tradition. Afin de bien comprendre le contexte dans lequel il s’inscrit, nous avons choisi de mettre un extrait du long métrage à son début puis d’ajouter de la pellicule à son générique de fin en rappel au film et en hommage au cinéma. En parallèle, il y a eu le travail d’animation à réaliser. Comment celle que nous allions proposer allait se marier avec celle de Sylvain Chomet ? Au début, nous avions imaginé de l’animatique ou du trait à l’image du clip de a-ha, Take On Me (1985) mais cela ne fonctionnait pas avec le travail de Sylvain [Chomet]. Alors il a fallu tester encore et encore. Nous avons décidé en une semaine de la direction artistique à donner au clip.
F.R : Sur une aussi courte durée [le clip dure 3m47, NDLR], nous n’avons pas le temps d’installer les personnages et leur contexte. Il a fallu aller à l’essentiel : introduire directement l’univers de Pagnol puis y glisser celui de SCH. Notre ambition ensuite a été de réaliser des images « iconiques », extrêmement cadrées et éclairées. Cette volonté de réaliser des cadres cinématographiques et d’avoir des sensations de focal a été primordiale. Le respect de la lumière l’a été tout autant. Je souhaitais retrouver les intensités lumineuses que nous avons à Marseille, les ombres bleutées et les couchers de soleil. Nous sommes passés de dessins avec une petite ligne de contours sur les premiers plans – proche du style de Sylvain Chomet – à un travail davantage dans la touche, toujours dans l’idée d’épouser les images du long métrage mais aussi de s’en distinguer. Sur les personnages, nous n’avons pas eu de références précises en tête, mais certains y voient un parfum d’animation japonaise et de manga.
Justement, comment avez-vous travaillé le personnage animé de SCH ?
F.R : Le plus complexe a été de trouver ses différents « looks » car il en change énormément. Il fallait des tenues qui résument le personnage aux différentes périodes et temporalités abordées dans le clip. Sur la gestuelle, le travail a été plus empirique : nous avons fait beaucoup de tests, notamment en croquis, avant de trouver les bons mouvements. Il a été évoqué à un moment d’utiliser la rotoscopie [Tourner en prises de vue réelles avant de dessiner, en animation, par-dessus les séquences filmées, NDLR], mais nous avons manqué de temps. En définitive, animer en direct nous a donnés davantage de liberté.
Combien de personnes ont travaillé sur la réalisation et la production de ce clip ?
A.P : Une quinzaine environ. Nous avons pu nous appuyer sur une équipe extrêmement solide, dont ont fait partie des anciens du studio Fortiche tels qu’Élodie Capo-Chichi, la directrice de production, mais aussi de jeunes talents, des indépendants comme Martin Richard, qui a animé le personnage de SCH, et également des professionnels qui ont travaillé sur le long métrage à l’image de la directrice artistique Lana Choukroune.
F.R : Le clip n’a pas été fabriqué dans un endroit fixe. Tout a été fait à distance. Les équipes étaient basées à Marseille, Paris, au Japon. D’autres étaient sur leur lieu de vacances.
A.P : C’était un vrai pari de réaliser ce clip avec tous ces défis. Nous avons alors été extrêmement heureux quand nous avons reçu l’aide du CNC. Sans elle, le clip n’aurait jamais vu le jour. Les équipes ont eu un vrai coup de cœur pour le titre de SCH, c’est ce qui les a motivées à rejoindre l’aventure.
Train mistral
Composé par SCH et Vito Bendinelli
Clip réalisé par Frédéric Remuzat
Producteurs : Valerie Puech et Ashargin Poiré - What The Game / Maison Baron Rouge
Co-producteurs : What The Prod / Mediawan Kids and Family