« Rematch » : comment le studio français Sloclap réinvente le jeu vidéo de foot

« Rematch » : comment le studio français Sloclap réinvente le jeu vidéo de foot

09 septembre 2025
Jeu vidéo
« Rematch »
« Rematch » Sloclap

Sloclap a 10 ans. Et son troisième titre, Rematch, est un succès en ligne depuis le début de l’été. Pierre de Margerie, directeur créatif, président et fondateur du studio parisien, nous raconte comment est né ce jeu de football à la troisième personne, mêlant sport et action.


Rematch a aujourd’hui dépassé 5 millions de joueurs. Comment avez-vous vécu le lancement ?

Pierre de Margerie : Nous avons effectivement vendu plus de 2 millions de copies, auxquels s’ajoutent 3 millions de joueurs sur le GamePass (via la Xbox). Le lancement a eu lieu fin juin et nous avons eu un accueil critique et commercial très positif. Bien sûr, comme c’est souvent le cas avec des jeux on line, nous avons aussi rencontré des problèmes techniques, mais que nous avons résolu assez rapidement. Ensuite, il y a toujours des aspects à améliorer et des bugs à corriger. Surtout qu’un jeu comme Rematch est particulièrement exigeant en termes de réplication. Nous avons dix joueurs qui jouent ensemble sur un terrain plat et qui ont tous l’œil rivé sur le même point, à savoir la balle. Donc au moindre problème réseau, tout le monde le voit directement. Et puis le public de Rematch est un public très compétitif, donc très exigeant, qui joue pour monter dans la hiérarchie et qui n’est pas disposé à accepter les petits bugs.

Quand vous avez fondé le studio en 2015, quelle était votre ambition ?

Nous voulions réaliser des jeux d’action qui n’avaient pas encore été faits. Nous cherchions à créer des choses innovantes, auxquelles nous aurions envie de jouer.

Après un jeu de combat multijoueur (Absolver) puis un jeu solo narratif (Sifu), pourquoi avoir pris le virage du jeu de sport ?

Il y a tout de même une filiation claire avec les jeux précédents. Faire un jeu de football à la troisième personne, c’est une idée qui germait en moi depuis longtemps.  Nous retrouvons l’idée d’un jeu d’action à la troisième personne, avec des systèmes d’animation avancés, avec des contrôles très précis, très réactifs, centrés sur les interactions avec les personnages. Dans Sifu, il fallait mettre des coups de pied dans des adversaires et avec Rematch, il s’agit de mettre des coups de pied dans un ballon. Fondamentalement, ce n’est pas si différent.

L’ADN de Sloclap, c’est de faire des jeux d’action exigeants et innovants, avec des systèmes de contrôles précis et réactifs, une direction artistique stylisée et des animations faites à la main.

Comment avez-vous adapté ce savoir-faire du combat au sport collectif ?

Nous avons dû développer beaucoup de nouvelles choses pour ce jeu. Mais notre expérience, le savoir-faire acquis sur nos jeux précédents, nous a grandement aidés à réaliser Rematch. Que ce soit sur les systèmes d’animation, sur les problématiques réseaux, sur les contrôles… Nous n’aurions pas pu réussir à faire ce jeu sans l’expérience de nos deux jeux précédents.

L’idée de départ de Rematch était-elle de repenser le football en jeu vidéo ?

Je ne suis pas joueur de FIFA ou de PES. Les jeux de foot traditionnels m’ennuient. J’aime beaucoup les jeux d’action par équipe, notamment les « shooters » on line, comme Overwatch ou Counter-Strike. Donc j’ai eu envie de mélanger ces mécaniques-là à un jeu de foot. Nous avons voulu arriver à une perspective plus proche du terrain et du joueur, une perspective plus immersive, dans laquelle nous sommes constamment en contrôle de notre personnage. Nous sommes avec d’autres joueurs réels et ça change énormément de choses dans l’approche et le ressenti. Ça demande une coordination équivalente à celle des jeux de tirs en équipe en ligne. Peut-être même plus d’ailleurs, parce que même si nous jouons à un bas niveau, ça fait une sacrée différence d’être avec de vrais coéquipiers que vous connaissez, avec qui vous pouvez communiquer, pour jouer à Rematch. Dans les jeux de tir, c’est moins le cas. Si vous savez viser et tirer correctement, vous pourrez faire gagner votre équipe.

Ce sont vraiment les joueurs qui décident si tel titre devient un eSport.

L’idée du multijoueur en ligne est-elle aussi d’investir le eSport ?

Notre objectif est déjà de faire un jeu profond, équilibré, avec suffisamment de stratégies viables pour susciter l’intérêt des joueurs à tous les niveaux. À partir de là, si vous avez bien fait votre boulot, les joueurs s’en emparent et peuvent transformer votre jeu en eSport. Nous avons déjà beaucoup de demandes dans ce sens. Il y a toute une communauté de joueurs très engagés qui organisent des tournois chaque semaine. Et je suis en contact régulier avec les meilleures équipes européennes. Nous avons mis en place les mécaniques, comme la possibilité d’assister à des matchs d’autres joueurs en tant que simple spectateur. Mais ce sont vraiment les joueurs qui décident à l’arrivée si tel titre devient un eSport. Et pour Rematch, il est encore trop tôt pour le dire. Je pense qu’il a ce potentiel, mais cela demande à être confirmé. Nous devons encore approfondir certaines mécaniques de jeu et notre code réseau pour pouvoir être totalement compétitifs.

Quelles sont les prochaines évolutions prévues pour Rematch ? Est-ce qu’il y aura un mode hors-ligne ?

C’est quelque chose que nous considérons. Nous pouvons mettre en place des IA, des bots, avec lesquels s’entraîner ou avec lesquels jouer hors-ligne, que ce soit en tant que coéquipiers ou en tant qu’adversaires. Quelle forme prendront ces modes de jeu faisant intervenir des IA, lorsque celles-ci seront suffisamment bien développées et intéressantes à jouer ? Nous sommes encore en train d’en discuter.

Comment décririez-vous l’ADN créatif de Sloclap aujourd’hui ?

L’entreprise compte 130 personnes. Une soixantaine travaille sur Rematch et une autre équipe planche sur un autre projet en cours de développement. L’ADN de Sloclap, c’est de faire des jeux d’action exigeants et innovants, avec des systèmes de contrôles précis et réactifs, une direction artistique stylisée et des animations faites à la main. Et un vrai souci des corps en mouvement et de la dynamique de nos personnages.

Être un studio de la taille de Sloclap donne-t-il plus de liberté créative ?

Oui, je crois que nous pouvons prendre plus de risques que les gros studios qui sortent des jeux AAA. Nous pouvons proposer des choses différentes aux joueurs et c’est notre grande force aujourd’hui chez Sloclap. Nous avons donc soixante personnes qui travaillent sur un titre et nous pouvons décider directement, nous-mêmes, ce qui nous intéresse, ce qui nous fait rêver, la petite pierre que nous souhaitons apporter à l’édifice des jeux vidéo.

Le jeu a bénéficié du soutien du CNC.