Comment parler de l’actualité en animation

Comment parler de l’actualité en animation

16 juillet 2019
Séries et TV
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Brexicuted de Chris Shepherd
Brexicuted de Chris Shepherd Autour de Minuit
Le Britannique Chris Shepherd a réalisé un court métrage humoristique sur la sortie du Brexit, intitulé Brexicuted, produit par la société française Autour de Minuit. Dans un entretien accordé au CNC, le réalisateur explique comment il a marié humour, actualité et animation.

Comment est né votre film d’animation sur le Brexit ?

Le film a été réalisé en réaction au vote. Je regardais les infos et j'étais dégoûté par toutes les réactions nationalistes que j’entendais. Normalement, je réalise et écris des films autobiographiques mêlant les images réelles et l'animation. Je pense toujours à allier le style pour un projet. Pour Brexicuted, je voulais faire une farce très « cartoon ». C’est pourquoi j’ai travaillé avec l’illustrateur Simon Spilsbury, qui a créé un grand nombre d’électeurs britanniques stéréotypés. Et j’ai demandé à la légende de la musique Carl Davis de composer une marche nationaliste « très idiote ».

Comment tourne-t-on un sujet d’actualité qui divise en une comédie satirique ?

Je savais que je devais ignorer les informations sur le Brexit, c’est-à-dire le processus de sortie de l’UE, lors du tournage du film. J'ai décidé de concentrer mon récit sur le lendemain du vote. De cette façon, peu importe ce qui se passerait, l'histoire serait toujours la même. J’ai donc fait conduire de vrais entretiens. C'était effrayant et drôle à la fois ! J’ai parfois décidé d’utiliser les voix réelles des votants et parfois, je les ai arrangées un peu. Bien sûr, il y a un peu de licence dramatique dans le processus. Ce qui est bien avec l’animation, c’est que tout peut prendre un tour humoristique.  

Quelles sont les spécificités d’un film d’animation qui traite d’actualité ?

Il faut veiller à rendre l’histoire la plus équilibrée possible. Dans mon cas, ce n’était pas si facile, car j'étais vraiment en colère contre le Brexit quand j'ai écrit le film. J’ai enlevé les propos qui ne collaient pas à la satire. J’ai aussi réduit le nombre de personnages pour maintenir le rythme. En fin de compte, je suis resté fidèle à ma première réaction et j’en suis heureux aujourd’hui. Je sais, pour sûr, que les 52% qui ont voté pour le Brexit vont détester le film. Les 48% autres sont de mon côté. C’est bien d’être politique et d’être fidèle à ses convictions. Il y a du pouvoir dans toutes les formes de cinéma.

Votre processus créatif a-t-il été remis en question au fur et à mesure des nouvelles décisions politiques ?

Le fait d’avoir verrouillé le récit du film en un seul jour m’a permis d’éviter la nature changeante de l’actualité. Néanmoins, c’était amusant de voir la signification du film changer. Certaines choses un peu extrêmes que j’avais imaginées se sont révélées exactes.
 
Avez-vous prévu de faire une mise à jour ?

Pas vraiment. Comme beaucoup de monde, j’en ai marre de ce sujet. Même si j’ai reçu sur la toile des millions de réactions très énervées de Brexiteers en colère qui pourraient aisément faire un volume deux très amusant. Ma préférée est certainement celle où l’on me traite de « salaud de traître » qui « subvertit la comédie ». Je trouve que c’est une intention noble. Je l’ai pris pour un compliment !