Fanny Sidney : « Le faux documentaire est un levier de comédie formidable »

Fanny Sidney : « Le faux documentaire est un levier de comédie formidable »

10 juin 2022
Séries et TV
Louise Massin et Marie Lelong dans « Brigade mobilde » de Fanny Sidney.
Louise Massin et Marie Lelong dans « Brigade mobilde » de Fanny Sidney. La onda prod - Motherprod

Dans sa minisérie Brigade mobile, comédie de bureau nomade créée pour Arte.tv, la réalisatrice raconte l’histoire de deux gendarmes qui parcourent l’Auvergne en camping-car sur les traces d’un meurtrier en cavale. Un polar drolatique inspiré de faits réels. 


Elle a laissé à Paris les agents de Dix pour cent afin de partir explorer la ruralité française, et plus précisément la Haute-Loire, en camping-car, avec des gendarmes. Fanny Sidney (Jeune et Golri) a créé et réalisé Brigade mobile, une série en format court, disponible depuis quelques semaines sur Arte.tv. Un périple tendre et burlesque dans les coulisses d’une expérience peu ordinaire. À bord de leur camping-car, Audrey (Marie Lelong) et Lily (Louise Massin) parcourent l’Auvergne et traquent un meurtrier en cavale...

Ce polar drolatique est inspiré de faits réels. Car la gendarmerie en camping-car, ça existe ! « Je l’ai découvert pendant que je menais des investigations sur les gendarmes en milieu rural », raconte Fanny Sidney. « J’avais envie d’écrire sur la fermeture et le démantèlement d’une brigade. Et puis, je suis tombée sur un article qui parlait de ce projet pilote mené par le général Jean-Jacques Taché. Ce camping-car me séduisait énormément. Je l’ai appelé pour avoir un retour sur cette expérience. J’ai trouvé que le dispositif offrait une forme de huis clos formidable pour un “workplace drama” ! »

On a tourné dans le vrai camping-car de la gendarmerie, le seul, l’unique !

Tout de suite, la créatrice et réalisatrice a vu le potentiel d’un décor aussi improbable : « Dans ce camping-car, il y a tout comme dans une vraie gendarmerie. C’est un cadre qui doit être institutionnel mais qui devient par la force des choses un endroit où tout se télescope, des pâtes mal bouillies aux mauvaises nuits. » Par chance, Fanny Sidney a pu emprunter « le vrai camping-car de la gendarmerie. Le seul, l’unique, celui de Poitiers, qu’on a pu récupérer le temps de la production. Aujourd’hui, la gendarmerie possède plusieurs véhicules, mais à l’époque, il n’y avait que celui-là. Ils ont accepté de nous le prêter comme le tournage n’était pas très long. »


Pour donner encore plus de véracité à sa fiction, Fanny Sidney a choisi le parti pris du faux documentaire loufoque, dans la veine de The Office : « C’est un genre que j’adore ! Même si on n’en fait pas en France », explique-t-elle. « C’est un levier de comédie formidable, parce qu’il y a toujours un témoin du désastre : la caméra ! Il y a aussi une complicité avec le spectateur. » Pour une série à petit budget, le format est très pratique : « Il permet d’épouser l’économie de la série. Quand on n’a pas les moyens d’avoir une machinerie extraordinaire, il ne faut pas essayer de faire du Christopher Nolan. C’est souvent l’erreur des courts métrages. Moi, j’aime travailler avec ces contraintes-là, une petite équipe, de la souplesse... » La créatrice a ainsi misé sur des épisodes de dix à douze minutes, « parce que j’avais envie d’essayer ce format. Quelque chose d’un peu plus long que ce que j’avais fait avec Loulou [sur Arte, NDLR], qui avait plutôt la forme d’une pastille. J’avais besoin de narration, de raconter une histoire. » Ce format donne aussi beaucoup de rythme, même si Fanny Sidney avoue avoir été quelque peu frustrée d’avoir dû couper des lignes entières d’intrigues : « J’ai tendance à ne voir que ce qui a manqué. (Rires.) J’ai encore du mal à apprécier l’efficacité que ça génère. Parce que c’est vrai que ce type de format en dix minutes permet d’être tout de suite dans l’action. On profite juste de la situation, sans y aller par quatre chemins. »

J’ai filmé au pied de chez moi, là où j’ai passé toutes mes vacances, où j’ai mes racines

Ces situations constituent justement le cœur de Brigade mobile, qui assume un ton loufoque, misant aussi sur une bonne dose de tendresse en peignant la Haute-Loire et sa population, l’Auvergne et son terroir. Une part de France chère à la réalisatrice : « J’ai filmé au pied de chez moi. Pas là où j’ai grandi, mais là où j’ai passé toutes mes vacances. J’y ai des racines fortes. C’est ici que j’ai rencontré les gens qui m’ont construite. Alors, durant le processus de casting, je savais exactement quel accent je voulais. Cela ne pouvait pas être des Lyonnais ou des gens de Saint-Étienne. Il fallait des gens de la Haute-Loire, avec leur humeur, leur humour, leur franchise et cette bonté naturelle qui les caractérisent. » La série mixe ainsi professionnels et amateurs. Face à Louise Massin et Marie Lelong, le casting est peuplé de figures locales, croisées en chemin : « Dans l’épisode 2 par exemple, ces vieilles dames dans le camping-car n’avaient jamais joué la comédie. C’était drôle, parce qu’elles avaient une certaine tendresse pour la gendarmerie. Il ne fallait surtout pas en dire du mal ! »

Si Brigade mobile a le droit à une suite, la série restera en Auvergne, « forcément », clame Fanny Sidney. La réalisatrice précise « réfléchir à quelque chose de plus long, qui permette de développer l’arche relationnelle des gendarmes, d’avoir des personnages secondaires plus récurrents... On verra ce que dit Arte, mais j’aimerais faire une saison 2 avec des épisodes de 26 minutes. » Entre-temps, Fanny Sidney reviendra très certainement à sa carrière de comédienne : « Plus que jamais j’ai envie d’être actrice ! J’ai très envie de jouer ! C’est bizarre... Mais c’est lié à ce métier un peu étrange, avec lequel on a toujours une relation faite d’amour et de haine... »

Brigade mobile, 7 épisodes de 10 minutes

Créée et réalisée par Fanny Sidney, en collaboration avec Louise Massin et Marie Lelong
Avec Marie Lelong et Louise Massin
Produit par ARTE France, La Onda Productions, Mother Production

Soutien du CNC : aide à l’audiovisuel (aide à la préparation)