Kiffe aujourd’hui, portrait réaliste et drôle d’un étudiant de banlieue

Kiffe aujourd’hui, portrait réaliste et drôle d’un étudiant de banlieue

12 septembre 2019
Séries et TV
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kiffe
Websérie humoristique disponible sur France tv slash ainsi que sur YouTube, Kiffe aujourd’hui suit les aventures à l’université de Fahd El (incarné par le YouTubeur du même nom), un jeune étudiant connecté issu d’un quartier populaire. Chakib Lahssaini, son créateur et producteur (via l’agence COCORICO), revient pour nous sur ce projet qui devrait avoir bientôt une saison 2.

Chakib Lahssaini
Chakib Lahssaini, créateur et producteur de "Kiffe aujourd'hui"COCORICO

Comment est née la websérie Kiffe aujourd’hui ?

Nous avions depuis longtemps envie de faire une série avec des héros sortant des profils-types qu’on voit habituellement et prenant racine dans des milieux culturels différents. Nous étions fans du Prince de Bel Air, du Cosby Show et nous voulions faire un projet dans cette lignée. La série montre des jeunes d’origine maghrébine à l’université alors qu’on les voit habituellement au pied des barres d’immeubles ou dans une prison. Dans la série, on s’identifie plus facilement à eux car ils sont étudiants, ils ont des histoires d’amour, ils doivent rendre des comptes à leurs parents, ils ont du stress lié à leurs études… Ce sont juste des jeunes et on oublie leur origine : c’était notre objectif.

 

Avez-vous eu des difficultés pour convaincre France Télévisions de vous suivre dans ce projet ?

Cela fait partie du rôle du service public d’aller sur ces terrains-là et de ne pas avoir peur. Il faut les saluer car ce n’était pas évident d’y croire. Nous avons mis toutes les chances de notre côté en misant sur une diffusion digitale puis en nous appuyant sur des acteurs qui avaient déjà une communauté et qui étaient déjà dans cet humour-là. L’audience a donc été au rendez-vous avec plusieurs millions de vues sur YouTube, deuxième canal de diffusion après Slash. Nous avons eu une écoute favorable de la part de France Télévisions, mais il a fallu du temps avant de se lancer. L’approche et le sujet les intéressaient, mais il n’y avait pas de canal de diffusion. Ils ont donné leur feu vert lorsque Slash est arrivé et nous avons travaillé main dans la main.

Le titre est-il un clin d’œil au livre Kiffe Kiffe demain de Faïza Guène ?

Je trouvais important de faire ce clin d’œil à ce roman que j’ai adoré et qui a été écrit il y a plus de dix ans. Notre titre fait écho à ce livre générationnel qui racontait le quotidien d’une jeune fille des quartiers dont les soucis étaient les séries qu’elle regardait l’après-midi, les histoires d’amour... Elle était parfaitement ordinaire et aurait pu s’appeler Monique, Germaine ou Fatoumata : elles ont toutes les mêmes problèmes à cet âge-là. L’idée de Kiffe aujourd’hui, c’est ça : montrer que ce jeune des quartiers a les mêmes soucis et les mêmes problèmes que tout le monde.

Le vidéaste Fahd El a-t-il inspiré le personnage qui porte son nom ?

Nous avions déjà le concept et nous l’avons découvert ensuite. Avec son humour et son univers, nous nous sommes dit qu’il était la personne qu’il nous fallait. La série est communautaire mais pas communautariste et il est important de faire la distinction : elle est communautaire car les communautés existent, il suffit de traverser le périphérique pour se rendre compte de cette dimension. Nous composons avec la réalité sociologique mais nous ne sommes pas dans le fantasme : la websérie est fédératrice car il est entouré de personnes de différents milieux.

Dans l’épisode 8, Fahd El et sa famille pensent que le frère aîné prépare un départ en Syrie. Pourquoi avoir abordé ce problème de société ?

Nous ne voulions pas délier ce personnage de sujets plus graves, car ils existent. Dans cet épisode, on se rend compte que les premières victimes et les premiers inquiets dans ce genre de situation sont les parents, les frères, les sœurs… Ils ont peur de voir un proche basculer dans l’extrémisme. Il y a également une réflexion sur notre capacité à prêter aux autres des intentions qu’ils n’ont pas. A partir du moment où il y a des propos qui prêtent à interprétation ou un style physique particulier comme des barbes, on se laisse porter par les clichés.

Cette pointe de sensibilisation était-elle nécessaire dans une série qui s’adresse au public d’adolescents et jeunes adultes de Slash ?

Ce n’était pas obligatoire mais nous avions envie de le faire. Dans la série, nous abordons des sujets légers et à quelques reprises d’autres plus importants, comme l’islamisme ou le trafic de drogue, à travers des quiproquos. Eloigner les personnages de ces sujets de société n’aurait pas eu de sens. A partir du moment où nous décidons que les héros s’appellent Fahd El et Hichem et qu’ils vivent en France dans le contexte actuel, il faut les mettre dans un monde complexe. Mais nous avons choisi d’en rire.

Les épisodes font 4 à 5 minutes alors que le 26 minutes est le format plus usuel pour une série humoristique. Avez-vous envisagé cette durée ?

On adorerait ! Mais en général, ces webséries sont regardées sur le téléphone et Slash favorise les formats plus courts pour toucher un public qui a ce mode de consommation. Pour l’instant, France Télévisions veut rester sur ce format-là qui a rencontré son public. Mais nous aimerions beaucoup faire des épisodes plus longs car le travail est différent. Le format actuel nous oblige à aller assez vite alors que certaines histoires pourraient se raconter plus longuement afin d’entrer dans la psychologie des héros ou de développer des personnages annexes qui ont des personnalités fortes mais qu’on ne fait qu’apercevoir.

Un soutien essentiel

La saison 1 de Kiffe aujourd’hui a été tournée en 15 jours sur un véritable campus universitaire. Une équipe complète (chef décorateur, accessoiriste, styliste, etc…) a été mobilisée, ce qui a nécessité un budget conséquent atteint notamment grâce à une aide du CNC. « Sans cette aide, nous n’aurions pas eu ce rendu et nous n’aurions pas pu aller au bout de cette aventure incroyable. C’est une réalité : sans le CNC, les choses seraient plus compliquées aussi bien pour Kiffe aujourd’hui que pour nos autres productions telle que A Musée Vous, A Musée Moi », souligne Fouzia Kechkech, la cofondatrice de COCORICO.

La série Kiffe aujourd'hui a été soutenue par l'aide sélection à la production.