Pénélope Bagieu : « Pour l’adaptation de « Culottées », j’ai accepté de ne rien contrôler »

Pénélope Bagieu : « Pour l’adaptation de « Culottées », j’ai accepté de ne rien contrôler »

06 mars 2020
Séries et TV
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Culottées - Joséphine Baker, danseuse, résistante et mère de famille
Culottées - Joséphine Baker, danseuse, résistante et mère de famille Silex Films
Succès immense avec plus de 500 000 exemplaires écoulés, vingt tirages en France et de nombreuses traductions un peu partout dans le monde, la BD Culottées est adaptée en série d’animation sur France 5. Chaque épisode (il y en aura trente au total) d’un peu plus de trois minutes trente prend la forme d’un portait de femme au destin exceptionnel. Rencontre avec Pénélope Bagieu, dessinatrice et scénariste de la bande dessinée, qui a décidé de confier son œuvre aux réalisatrices Charlotte Cambon et Mai Nguyen.

Pénélope Bagieu Nathalie Guyon/DR

Comment avez-vous choisi qui allait adapter Culottées ?

J’ai reçu plusieurs offres et par des amis d'amis, je connaissais une des productrices. Nous nous sommes rencontrées avec les autres productrices et les réalisateurs. Je voulais comprendre ce qu'elles avaient en tête et quel genre de série elles voulaient faire. Cette discussion a été très rassurante et très enthousiasmante. J'ai accepté dans la foulée et je leur ai donc laissé les clés.

Leur pitch vous semblait particulièrement intéressant ?

Ce n'était pas tant le pitch que ce qu'elles avaient aimé dans la BD, et ce qu'elles avaient envie de transmettre. Je savais qu’il y aurait une réécriture et que ce serait donc différent, mais je sentais qu'elles étaient habitées par d’excellentes intentions.

Vous n’avez pas eu peur de laisser d’autres personnes s’approprier votre travail ?

Non, ça ne me dérange pas. Je pense qu'il faut le prendre comme ça quand on choisit de ne pas s'adapter soi-même. Soit on contrôle tout et on fait sa série en veillant vraiment à chaque détail - comme Riad Sattouf peut le faire pour Les Cahiers d’Esther -, soit on choisit de ne rien contrôler. Et dans ce cas, il est impératif de se sentir en confiance.

Vous ne pensiez pas être capable de faire ce travail d’adaptation ?

M'auto-adapter ne me fait pas très envie. J’ai fait des études de cinéma d'animation, donc j'ai eu l'occasion de me rendre compte que ce n'était pas du tout le même métier. Et que je ne voulais pas le faire ! C'est vraiment autre chose, car il faut trouver d'autres systèmes narratifs pour que ça fonctionne à l'écran. D’ailleurs, on le voit bien avec Culottées puisque leur première étape a été de tout réécrire.

Elles ont dû faire beaucoup de recherches de leur côté…

C'était nécessaire car dans la BD, je pouvais me permettre beaucoup d'ellipses et de scènes sans décors. Je pouvais rester très vague. Quand je ne trouvais pas de sources pour une information, je ne la mettais simplement pas et je faisais un saut dans le temps. Ça ne pouvait pas fonctionner en animation. Il a fallu qu'elles travaillent plus que moi, c'est certain.

Vous avez découvert certaines choses en voyant les épisodes ?

Disons que certains éléments sont plus spécifiques. Mais globalement, j’ai regardé cette adaptation comme je regarderais un documentaire, en étant sûre que tout a été fact-checké plusieurs fois.

Visuellement, on se rapproche de votre style mais avec de nombreuses variations.

Oui. Déjà, il n'y a plus de lignes. Le style a été défini très tôt, dès la bible. J’ai trouvé ça immédiatement magnifique. De toute façon, les animateurs dessinent mieux que les illustrateurs de BD !

Les deux œuvres sont-elles complémentaires ?

Je ne sais pas... J’ai vu tous les épisodes à la suite et j’étais vraiment spectatrice. Pourtant on me parlait de femmes que je connais par cœur ! C’était prenant et beau, et j'ai complètement oublié que j’en étais l’auteure ! Ce n'était pas un exercice intellectuel, mais vraiment quelque chose de naturel. Donc je ne sais pas si la BD et la série sont complémentaires, mais elles ont pu se permettre des choses que moi je ne pouvais pas faire. Le son, la voix… Tout ça ajoute beaucoup de choses. La série est remplie de trouvailles visuelles, avec parfois des sauts dans le temps très lointain. Il y a vraiment une prouesse dans la réalisation.

On vous a demandé de valider certaines étapes durant la réalisation ?

Non. Je recevais le scénario que je lisais, et si je voulais ajouter des choses, je pouvais leur faire un retour. Elles étaient assez preneuses de ces petites notes, mais elles en faisaient ce qu’elles voulaient : il n’y avait pas de « validation » de ma part. En fait, je donnais surtout mon avis sur la scène clé du portrait. Comme la BD, les épisodes sont construits de telle façon qu’il y a un moment pivot, une scène « déclic ». Une sorte de twist, où ces femmes prennent leur vie en main. Il m’arrivait donc parfois de leur dire que tel moment me semblait plus important qu’un autre.

Cécile de France enregistrant sa voix pour Culottées Gilles Gustine/France Télévisions

Vous parliez tout à l’heure de la voix de Cécile de France. Comment est-elle arrivée dans ce projet ?

Les réalisatrices m'ont simplement dit : « Ce serait cool, non ? » Et j'ai répondu que ce serait effectivement super cool (Rires.) Ce qui n'était pas prévu, et qui vient directement de Cécile, c'est qu'elle a fait elle-même toutes les voix. Quand elle a fait les tests, elle a tout lu, faisant toutes les voix, du gros bonhomme au petit enfant, en passant par la voix off... Ça fonctionnait parfaitement bien et ça me semblait en plus très naturel : quand j’écrivais la BD, c'était comme ça dans ma tête, j’entendais ma voix sur tous les personnages. Là, avec Cécile, on se rapproche un peu d'un conte, lu à voix haute. Et honnêtement, au bout d'un épisode, il est impossible de savoir que c'est elle qui fait toutes les voix. Elle m’a confié que ce doublage avait été une belle expérience car on la sollicitait jusque-là toujours pour faire des petites voix, très douces. Au moins, dans Culottées, elle a pu doubler des marchands de poisson à la criée (rires).

Culottées est diffusée à partir du 8 mars, sur France 5, et a reçu l’aide au pilote, l’aide à la préparation, l’aide sélective à la production et l’aide à la création visuelle ou sonore (CVS) du CNC.