« Sous contrôle » : comment écrire une comédie politique ?

« Sous contrôle » : comment écrire une comédie politique ?

26 septembre 2023
Séries et TV
« Sous contrôle ».
« Sous contrôle ». Arte

Sacrée meilleure série française au dernier festival Séries Mania, la nouvelle comédie d’Arte dépeint les arcanes de la politique française et la complexité de sa diplomatie. Son créateur et scénariste, Charly Delwart, a imaginé comment une patronne d’ONG, pétrie de bonnes intentions, gouvernerait le Quai d’Orsay pendant une prise d’otages au Sahel, si elle était nommée ministre des Affaires étrangères du jour au lendemain. Entretien.


Sous contrôle traite de la politique sur le ton de la comédie, mais sans pour autant tomber dans la farce…Comment réussir cet équilibre ?

Charly Delwart : J’admire le travail d’Armando Iannucci, le réalisateur et scénariste des séries Veep (2012-2019) et The Thick of It (2005-2012). Une référence absolue pour moi. En revanche, nous voulions éviter le cynisme de Veep. Dès le départ, avec Arte, on était d’accord pour réaliser une série politique qui ne serait pas un plaidoyer contre les politiques, ce qui est aussi parfois le cas de Veep. On souhaitait faire une comédie de bureau, qui aborde à la fois les arcanes du Quai d’Orsay, mais aussi ceux du « métier » de terroriste, comme cela est dit dans la série. Il y a ainsi une sorte de fil invisible entre les deux, parasité par des négociations politiques, par des volontés européennes discordantes, si bien que des négociations qui pourraient être vite réglées arrivent à traîner pendant deux ans. J’ai beaucoup lu, je me suis beaucoup renseigné à ce sujet justement, pour ne pas franchir la ligne rouge…

Quelle était cette ligne rouge ?

Ne pas dire n’importe quoi sur le sujet. Ne pas dire n’importe quoi sur les politiques pour arriver à un « tous pourris » ! Ce n’est pas le but de la série. On ne cherche pas du tout à laisser penser que ces gens sont incompétents. Et puis dans l’intrigue de la crise traversée par Marie Tessier [le personnage principal, interprété par Léa Drucker, NLDR], on voulait rire des ravisseurs, mais surtout pas des otages.

 

Pourquoi ne pas avoir choisi de traiter la politique de manière plus dramatique ?

Parce que ça m’aurait sérieusement ennuyé ! (Rires.) La politique est un terrain de contradictions formidables, foulé par des hommes faillibles qu’on espère infaillibles. C’est un métier d’une complexité folle et c’est l’axe premier de la série, à travers cette personnalité venue du civil qui découvre cet univers. La prise d’otages qu’on a imaginée est un prisme qui permet de révéler cette complexité permanente. Je crois que la politique est une équation et la question est de savoir quelle boussole on va utiliser pour la résoudre. Marie Tessier va voir les aiguilles de sa boussole bouger au fur et à mesure de sa confrontation avec le terrain.

Aviez-vous aussi dans l’idée de raconter les coulisses des institutions ?

L’idée était moins de raconter les rouages, comme cela peut être le cas d’une série comme Parlement, par exemple, que le processus d’arrivée d’une nouvelle équipe au pouvoir. Une nouvelle ministre et son cabinet qui doivent s’intégrer parmi les « meubles » du ministère, ceux qui restent quand les équipes dirigeantes vont et viennent. On a voulu raconter les codes et le mille-feuille des conseillers qui entravent l’efficacité de l’action. Ce qui m’intéressait, c’était de se mettre à la place d’un ministre. Comment ferait-on si on était nommé ? Au lieu de simplement juger depuis l’extérieur, comment appliquerait-on sa propre morale à la réalité de l’exercice du pouvoir ? Et puis, ça m’amusait de montrer les absurdités qui en découlent.

Ce qui m’intéressait, c’était de se mettre à la place d’un ministre. Comment ferait-on si on était nommé ? Au lieu de simplement juger depuis l’extérieur, comment appliquerait-on sa propre morale à la réalité de l’exercice du pouvoir ?

Que change le format de 30 minutes dans le développement d’une série politique ?

Au départ, on devait faire trois épisodes de 52 minutes. Mais on a passé beaucoup de temps à réfléchir à ce format et on est finalement arrivé à repenser la série en six fois 30 minutes. J’aime ce format constitué d’épisodes de 30 minutes, parce que l’écriture est plus libre, on est moins forcé par la structure.

Comment avez-vous reconstitué les décors ? Et à quels défis avez-vous dû faire face en matière de production ?

Nous n’avons pas pu filmer à l’Élysée et au Quai d’Orsay, ce qui était tout à fait compréhensible. Le contexte était un peu compliqué et le sujet de la prise d’otages beaucoup trop sensible, avec la captivité d’Olivier Dubois [le journaliste, retenu en otage au Mali depuis 2021 a été libéré en mars 2023, NDLR]. On a donc filmé certaines séquences dans un hôtel particulier, en face du Petit Palais. Et d’autres ont été tournées à la mairie de Versailles. Cela a demandé un certain nombre de repérages pour retrouver des décors qui puissent passer pour l’Élysée ou le Quai d’Orsay. Mais notre Thalys n’est pas un Thalys non plus, c’est un TGV… À l’arrivée, nous avons gagné plus de liberté dans la production.

Avez-vous envie de continuer à écrire sur la politique ?

Oui, mais sous une autre forme ! J’écris en ce moment un long métrage qui se situe dans le milieu de la politique, mais qui ne sera pas une suite de la série. Il mettra en scène d’autres personnages, un ministre et son conseiller…

Sous contrôle – saison 1 en 6 épisodes

Sous contrôle

Créée par Charly Delwart
Écrite par Charly Delwart avec la collaboration de Benjamin Charbit
Avec Léa Drucker, Samir Guesmi, Laurent Stocker…
Produite par Ex Nihilo - Agat Films & Cie, Arte France
Distribuée par Federation Studios
Dès le 27 septembre sur arte.tv et le 5 octobre à l’antenne sur Arte

Soutien du CNC : aide à la production (automatique)