Parlement : « Le Parlement européen est le reflet de la complexité du monde »

Parlement : « Le Parlement européen est le reflet de la complexité du monde »

13 juin 2022
Séries et TV
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CNC Parlement - cre?dit FTV
Lucas Englander et Xavier Lacaille dans la saison 2 de « Parlement ». Lucas Englander et Xavier Lacaille dans la saison 2 de « Parlement ».

Après avoir gratté la surface du Parlement européen à Strasbourg, la série de la plateforme Slash, désormais visible sur France 5, revient pour explorer en profondeur les institutions européennes, avec une saison 2 plus politique, comme nous l’explique son créateur, Noé Debré.


On a le sentiment que la saison 2 de Parlement va encore plus loin dans l’exploration des instances européennes. C’était l’idée ?

Totalement ! Avec la première saison, on avait l’impression de s’excuser de faire une série sur le Parlement européen. On avait tendance à essayer de désamorcer les questions politiques avec des situations de comédie. Mais en revoyant la série, on a trouvé que les scènes de pure politique fonctionnaient bien ! Grâce à la mise en scène notamment. On a alors eu envie d’aller plus loin. Par ailleurs, les deuxièmes saisons ont souvent tendance à reproduire le canevas des premières. Un écueil qu’on a voulu éviter.

Comment avez-vous choisi de faire évoluer le personnage de Samy, qui n’est plus un novice mais un vrai spécialiste du Parlement ?

On l’a rendu plus compétent, mais il y a aussi des sujets qu’il ne connaît pas encore. Il est quand même largué ! On ne voulait pas perdre ce levier de comédie. La première saison tournait beaucoup autour de la notion d’engagement. Ce gamin qui débarquait, qui n’en avait rien à faire, et qui allait finir par s’investir en s’attachant à une cause. Cette nouvelle saison est plus axée sur la notion de compromis et de compromission. Parce que c’est la matière première de l’Union européenne. Comment cherche-t-on le compromis sans se compromettre ?

 

La satire que vous faites des institutions est plus poussée aussi...

Parce qu’on a eu un retour très chaleureux des gens du Parlement, à Strasbourg. Des gens qui nous ont écrit ou qu’on a croisés à Bruxelles, où l’on travaille beaucoup. J’ai l’impression que la série est populaire auprès des parlementaires. Ça nous a donné confiance, en nous confortant dans l’idée qu’on peut dépeindre avec humour les institutions. Les parlementaires ne le prennent pas comme une attaque. Ils voient plutôt ça comme un portrait à la fois touchant et grinçant. D’ailleurs, quand une série américaine le fait, personne ne se dit qu’elle est contre les institutions du pays...

La série est donc devenue plus politique ?

Oui, je le crois. Xavier Lacaille me disait d’ailleurs que la saison 1 ressemblait à une comédie politique. La saison 2 est plus une série politique drôle. C’est tout à fait vrai.

N’y a-t-il pas le risque de transmettre cette idée que les institutions européennes sont totalement creuses, au fond ?

Si on lit la série au premier degré, on peut le penser. C’est aussi parce que les députés compétents – et il y en a – ne sont pas toujours les plus intéressants à développer avec bienveillance. Après, si on a parfois ce sentiment en regardant Parlement, c’est également parce qu’on ne veut pas de personnage univoque. Dès qu’il y en a un qui apparaît compétent, on va douter de lui. Et on va rendre sympathiques les plus incompétents. Il y a toutes sortes de combinaisons. On travaille l’ambivalence et c’est ce qui en fait des personnages intéressants.

Vous ne craignez pas de les faire apparaître comme des technocrates déconnectés ?

Non, je ne pense pas. D’ailleurs, on le voit dans le projet du Blue Deal défendu par Samy dans la saison 2 : ils finissent par arriver à quelque chose. On voulait justement déjouer cette idée d’une technocratie qui tournerait à vide. Par exemple, on montre un député suédois écolo très compétent sur les dossiers, mais qui ne joue pas correctement le jeu politique, qui n’est pas très habile de ce côté-là. À la fin, même s’il y a un compromis douloureux à accepter, des accords sont passés, les choses ont évolué. Et c’est le message que l’on veut transmettre : le Parlement européen est le reflet de la complexité du monde. Il n’y aura jamais de victoire complète ou de défaite absolue. On sera toujours dans ce drôle de sentiment partagé, d’avoir un peu gagné et beaucoup perdu, ou l’inverse... 

La saison 2 est sortie entre les élections présidentielles et les législatives. Est-ce que ce contexte très politique était calculé ?

Pas du tout. La stratégie de France Télévision était de sortir la saison 2 le 9 mai, pour la Journée de l’Europe. J’étais un peu sceptique au départ, je l’admets. (Rires.) Parce que personne ne connaît cette journée. Mais en fait, nous avons eu beaucoup de presse. Parlement a apporté un angle original pour traiter l’événement dans les médias. Finalement, c’était une super idée et j’espère désormais qu’on pourra revenir chaque année à cette date du 9 mai !

Philippe Duquesne dans la saison 2 de Parlement Benoit Linder-FTV Slash-Cinétévé

Avez-vous pris l’actualité politique en compte dans l’écriture ?

Ce qu’on fait de l’actualité, c’est toujours une vaste question. Souvent on essaye de ne pas trop s’y rapporter. À part avec le Brexit l’an dernier parce qu’il fallait bien qu’on traite du sujet des députés britanniques au Parlement européen. En ce moment, on discute de ce qu’on va faire avec la guerre en Ukraine dans la saison 3. On est en train de l’écrire mais on tournera en novembre et on sortira en mai 2023. Donc quoi que l’on fasse, on sera en retard ! On a eu ce même débat pour la saison 2 avec le Covid. Est-ce qu’il fallait mettre des masques aux personnages ? On a choisi de faire sans et heureusement parce qu’aujourd’hui, plus personne ne porte de masque et ça aurait été bizarre d’en voir dans la série. Moins on traite de l’actualité dans les intrigues, mieux on se porte.

Pourquoi avez-vous ajouté un petit module avant chaque épisode, qui incite les gens à voir la série en VO ?

Parce qu’il n’y avait pas de version française dans la saison 1. France Télévision a voulu faire une VF pour la diffusion télé sur France 5 et on n’a pas pu les en empêcher. Il y a donc deux versions sur toutes les plateformes de diffusion et c’est la VF qui vient en premier, qui est une version très édulcorée de la série. On était vent debout contre ça, mais nous n’avons pas eu gain de cause. Alors en échange, on a obtenu de pouvoir faire ces petits modules pour avertir les gens.

Vous devez constamment composer avec les différentes langues du parlement, ce qui complique beaucoup l’écriture, non ?

Oui... On peut écrire en français, anglais et italien avec mes coauteurs. Mais pour ce qui est de l’allemand, on doit faire appel à des traducteurs. Ensuite, les acteurs allemands de la série réajustent les répliques. Maintenant, pour la saison 3, on a une co-autrice allemande, ce sera donc plus facile !

Parlement, saison 2 - 8x23 minutes

Idée originale : Noé Debré, Scénaristes : Noé Debré, Maxime Calligaro, Pierre Dorac et Lily Lambert
Réalisateurs : Émilie Noblet, Jérémie Sein et Noé Debré
Producteurs : Fabienne Servan-Schreiber et Thomas Saignes
Coproducteurs : Jan Diepers et Dagmar Rosenbauer
Avec Xavier Lacaille, Liz Kingsman, Philippe Duquesne...
Une production Cinétévé et StudioHamburg Serienwerft
Distribution : France Télévisions Distribution
Soutiens CNC Aide à la préparation et Fonds de soutien audiovisuel (FSA)
Avec le soutien de la région Grand Est en partenariat avec le CNC