Spectacle vivant : faire danser l’amour au fil des saisons

Spectacle vivant : faire danser l’amour au fil des saisons

24 juin 2025
Séries et TV
Les Saisons de la danse
« Les Saisons de la danse » réalisé par Tommy Pascal Arte.tv

Pour célébrer les 300 ans des Quatre Saisons de Vivaldi, sept chorégraphes contemporains revisitent l’œuvre à travers la réinterprétation envoûtante de Max Richter. Les Saisons de la danse, à voir sur Arte.tv, porté par la caméra sensible du réalisateur Tommy Pascal, explore le sentiment amoureux sous toutes ses formes, entre éclats charnels et élans fragiles. Le réalisateur nous explique comment filmer les corps en mouvement.


Nous célébrons cette année le tricentenaire des Quatre Saisons de Vivaldi. Est-ce de là qu’est née l’idée des Saisons de la danse ?

Tommy Pascal : Cela fait un moment que le producteur Boris Berger mûrissait l’envie de sortir la danse de la scène, de sortir la danse du théâtre. Avec Bénédicte Buffière, ils ont cherché une manière d’y parvenir tout en réussissant à faire le lien entre le mouvement et la nature, en trouvant un fil conducteur à travers les saisons amoureuses.

Pourquoi la version entendue est celle de Max Richter et non celle de Vivaldi ?

C’est une version plus moderne. C’est d’ailleurs sa deuxième version, avec un ensemble baroque américain qui respecte la tonalité de Vivaldi. Il s’est aussi amusé à ajouter un vieux synthétiseur qui crée des émotions différentes…

Comment s’est monté ce projet, avec différents chorégraphes, différents danseurs, différents tableaux ?

Ce que j’aime faire, c’est toujours respecter les chorégraphes. J’essaie de travailler en symbiose avec eux. Là, nous les avons mis très rapidement dans la boucle et c’est pourquoi ils sont mentionnés en tant que directeurs artistiques au générique. Je tenais à respecter leur vision, leurs idées et le fait que chaque chorégraphe puisse intervenir avec son propre univers. Je trouvais intéressant de bien compartimenter les quatre saisons et de passer totalement d’un univers à l’autre entre chaque mouvement.

Trouver les bons axes pour mettre la nature et la danse en valeur.

Comment vous êtes-vous inséré dans ces créations ?

Les chorégraphes m’ont envoyé par vidéo des répétitions de leurs chorégraphies, en m’expliquant leurs idées. Puis, pendant les repérages, nous avons pu imaginer la mise en scène à partir de cette matière, en fonction des lieux. Avec Charles Sautreuil, mon chef opérateur, nous avons pensé la réalisation. Lui faisait les plans en drone et les plans larges, moi je filmais les plans en pied et surtout les plans serrés. Nous avons testé des choses avec les chorégraphes, en essayant toujours de trouver les bons axes pour mettre la nature et la danse en valeur. Cela reste l’essentiel à mon sens.

Quand on filme la danse, qu’est-ce qui est le plus délicat à capter ?

Il y a deux façons de filmer la danse. Il y a ce que nous voyons par exemple sur Instagram : nous improvisons, nous faisons des trucs cool – et c’est très bien. Et il y a la danse chorégraphiée par un chorégraphe. Là, il faut mettre cette danse et ses mouvements en valeur. Nous ne pouvons pas les filmer n’importe comment. Il faut être au bon endroit pour épouser les mouvements, et c’est assez difficile à expliquer concrètement, parce que c’est une manière de travailler presque instinctive.

Faut-il éviter le cadrage trop statique pour filmer les corps en mouvement ?

Oui, mais il y a toujours un point de vue frontal incontournable quand nous filmons une chorégraphie. Dans Les Saisons de la danse, nous tournons rarement autour. Et puis j’ajouterais que le montage est aussi très important. Car la musique était assez peu présente sur nos différents plateaux. Elle arrive souvent après, et c’est au montage qu’il faut placer ces mouvements en musique. Il a fallu recréer une musicalité au montage, pour que certains moments de danse tombent sur des accents précis de la musique. Le film raconte quatre saisons, quatre étapes de la relation amoureuse. Et nous n’avons pas voulu les nommer. Nous voulions juste faire sentir l’évolution de cette relation, de la rencontre à la rupture, sans tomber dans les clichés.

 

Les quatre tableaux ont-ils été filmés dans quatre lieux différents ?

Là aussi, je voulais trouver des lieux représentant les saisons, sans être dans le cliché. Pour le printemps, nous avons cherché un endroit avec du vert et de l’eau. Nous avons filmé à l’île Maurice, et ce tournage a inspiré le chorégraphe, qui a suivi l’eau – d’une cascade aux champs de thé, en passant par la mangrove jusqu’à la mer. Pour l’été, je trouvais intéressant d’aller dans la chaleur extrême, avec quelque chose de rude : donc le désert de Californie. Pour l’automne, nous nous sommes rendus en Allemagne, dans la Forêt-Noire. Et pour l’hiver, nous avons cherché de la neige et nous avons filmé dans le Vercors. Le décor est onirique, mais c’était dur pour les danseurs, qui devaient bouger en combinaison, dans la poudreuse… Il y a eu la même problématique dans le désert, d’ailleurs, pour les danseurs sur le sable, confrontés à un sol qui se dérobait sous leurs pieds. Il y a des plans que nous avons dû refaire vingt fois. Et danser dans la cascade non plus n’a pas été simple, puisqu’il a fallu cacher un tapis sous les pieds des danseurs… Il fallait que la grâce transparaisse à l’écran.

Peut-on filmer la danse ou une chorégraphie entièrement en plan-séquence ?

Oui nous avons fait des parties en plan-séquence. Une minute ici, une minute là. Mais c’est surtout beaucoup de montage, durant lequel nous échangeons avec les chorégraphes pour arriver à une vision d’ensemble, celle de ce couple qui évolue à travers les quatre saisons. Ils avaient des idées très précises de ce qu’ils voulaient montrer.

Ce genre de film permet-il d’amener la danse vers un public nouveau ?

Oui, sans aucun doute. L’environnement, la nature, fait que c’est plus accessible de regarder de la danse à travers ce prisme. D’ailleurs, le film a rencontré un très beau succès à l’international. Il a déjà été sélectionné dans des festivals aux Pays-Bas, au Portugal, en Espagne, en Russie, en Tchéquie, en Italie ou encore aux États-Unis.
 

Les Saisons de la danse – à voir sur Arte.tv jusqu’au 08/04/2027

Affiche de « Les Saisons de la danse »
Les Saisons de la danse Arte

Réalisation de Tommy Pascal
Chorégraphie de Peeping Tom & Franck Chartier, Bobbi Jene Smith & Or Schraiber, Imre & Marne Van Opstal et Émilie Leriche
Composition de Max Richter d’après Antonio Vivaldi
Produit par Boris Berger (Le Grizzly), Bénédicte Buffière (Martha Productions), Pierre-François Découflé (Héliox Films)

Soutien sélectif du CNC : Spectacle vivant : aide sélective
Les Saisons de la danse a également bénéficié du Fonds de soutien audiovisuel (automatique)