« Vortex » : les coulisses d’une série filmée avec la technologie du Volume

« Vortex » : les coulisses d’une série filmée avec la technologie du Volume

02 janvier 2023
Séries et TV
Tags :
Vortex
"Vortex" D.R

Tomer Sisley traverse le temps dans une grande histoire de science-fiction, filmée grâce à une nouvelle technologie qui réinvente les effets spéciaux. Le réalisateur Slimane-Baptiste Berhoun nous explique ce que change le « Volume » pour ce type de productions. 


Vortex suit l’histoire d’un flic en 2025 qui se reconnecte à son ex-femme décédée en 1998, via une scène de crime reconstituée en réalité virtuelle. Pourquoi ce concept ambitieux vous a-t-il séduit ?

Tout de suite, j’ai senti que le projet allait embarquer toute une équipe dans le sens où les personnes des différents départements ont pu faire ce pour quoi elles ont choisi leur profession. Les costumes, la déco, les effets spéciaux… On s’est tous posé de nombreuses questions pour aller au bout de notre métier. On a exploré différentes pistes, plusieurs approches et les équipes de Quad, la société de production, ont eu l’idée d’utiliser la technologie de la production virtuelle, qu’on appelle aussi le « Volume ». C’était pour eux la meilleure solution et j’ai été très excité à l’idée de m’y attaquer.

Comment définir le Volume ?

C’est un mur de LED, littéralement. Mais ça, c’est la base. Après, toute la question est de savoir ce qu’on met dedans. Est-ce qu’on met de la 3D ? Des rushes filmés à 220° ? Plein d’interrogations se posent en fonction du degré de réalisme souhaité. En ce qui nous concerne, l’idée n’était pas de faire des effets spéciaux pour le plaisir. On voulait avant tout de la cohérence artistique pour notre histoire. En l’occurrence, quand Ludovic (Tomer Sisley) se retrouve sur une plage à travers la réalité virtuelle, il n’est pas vraiment sur une plage. Mais Mélanie (Camille Claris), avec qui il parle à travers le temps, elle, se trouve réellement sur cette plage. Donc il est au sec et elle subit la météo. Elle peut interagir avec le sable, lui non. Il a fallu convaincre la production que, même si cela n’avait pas l’air très spectaculaire à première vue, on ne pouvait pas faire l’impasse sur tous ces petits détails. Donc on a recréé une plage virtuelle en studio, pour son point de vue à lui, et une plage photoréaliste pour son point de vue à elle. Après, c’est un assemblage de puzzle qui marche avec le mur de LED. On utilise ces fameux rushes filmés, sur la plage de Brest, avec un objectif à 220°, pour les projeter dans le mur de LED.

Concrètement comment cela fonctionne ?

Il faut imaginer une méga télé LED de 11 mètres de long, en forme d’arc de cercle, qui doit mesurer 4 mètres en hauteur. Ce qui est difficile à maîtriser, c’est que le mur renvoie énormément de lumière, même quand on règle l’intensité des LED au minimum. Du coup, quand il a fallu, par exemple, filmer des couchers de soleil, avec des rayons intenses censés se refléter sur les comédiens, on s’est rendu compte qu’on n’avait pas la puissance nécessaire pour surpasser la lumière du mur de LED. Il a fallu ramener d’énormes projecteurs en urgence pour arriver à filmer ces scènes !

C’est la première fois en France que cette technologie est utilisée à cette échelle.

Que vous apporte cette technologie en tant que réalisateur ?

Elle est très pratique. Mais comme toutes les technologies, il faut l’utiliser à bon escient. Surtout que le Volume demande encore à être apprivoisé. La série The Mandalorian avait été la première à s’en servir en 2020. Avec Vortex, c’est la première fois que cette technologie est utilisée à cette échelle. On a filmé plus de 40 séquences avec le mur de LED. Que le cœur de l’histoire repose sur cette technologie, c’est vraiment une première en France. À mon avis, c’est d’abord très fonctionnel pour les comédiens, parce qu’ils voient précisément le décor dans lequel ils évoluent et ça permet de nourrir l’émotion. Être sur une plage devant un coucher de soleil, c’est mieux que d’être devant un fond vert… Pour le chef opérateur aussi, cela permet d’affiner la lumière. En résumé, le rendu est meilleur. En revanche, cela demande plus de précisions sur les rushes destinés au mur de LED, qui sont filmés par une autre équipe en parallèle du tournage principal. Cela implique aussi un prétravail d’étalonnage pour garder la même profondeur de champ. Il faut bien penser en amont le processus de diffusion dans l’écran. C’est une sorte de gymnastique à prendre pour les équipes techniques. Et aussi pour les scénaristes. Cela doit permettre de libérer l’écriture et de se dire qu’on peut faire des trucs de dingue.

C’est une technologie qui se perfectionne encore…

Oui, tout à fait. Si l’on veut parler un peu technique, il faut savoir que le « pitch », c’est-à-dire l’écartement entre les LED, sur le mur, a déjà progressé depuis deux ou trois ans. Cela permet une meilleure résolution du mur et de fait, les effets de moirage sont de moins en moins problématiques. Car plus le sujet filmé s’approche du mur, plus la mise au point s’approche du détail des LED et un quadrillage finit par apparaître. Et là, ça ne marche plus. Il faut trouver le bon éloignement. Et puis, on ne peut pas faire le point sur le mur et donc sur l’environnement du personnage. En résumé, c’est une technologie qui est faite pour les arrière-plans.

On a filmé plus de 40 séquences avec le mur de LED […] Mon rôle en tant que réalisateur a aussi été de faire en sorte que la technique ne prenne pas le pas sur le reste.

Comment dirige-t-on les comédiens dans ce cadre ? Qu’est-ce que ça change ?

Je dirais que c’est mieux que le fond vert. Surtout pour l’histoire de Vortex puisqu’on s’en est servi pour les rencontres spatiotemporelles entre les deux protagonistes. Des rencontres très fortes en émotion. Il fallait que les comédiens soient dans les meilleures dispositions possibles pour tourner ces séquences longues, éprouvantes. C’était donc plus facile pour eux de voir cet environnement virtuel. Après, mon rôle en tant que réalisateur a aussi été de faire en sorte que la technique ne prenne pas le pas sur le reste.

À l’origine de la série, il y a l’imagination du romancier Franck Thilliez. Quel a été son rôle dans la création de Vortex ?

Franck Thilliez est arrivé avec un concept, celui de deux personnes qui discutent à travers le temps, via un outil de communication moderne. À partir de là, Camille Couasse et Sarah Farkas ont imaginé une grande histoire d’amour en y intégrant de la réalité virtuelle.

Comment fait-on pour ne pas se perdre dans ces deux timelines et les effets papillons ?

Il faut aimer la science-fiction, je crois. (Rires.) De par ma culture personnelle, j’aime tout ce qui a attrait au voyage temporel. Je fais partie de l’équipe du Visiteur du futur, donc j’ai souvent voyagé dans le temps ces dernières années ! Mais le scénario, dès le départ, était très précis et très simple à comprendre, comme un bon livre qu’on dévore. Il n’y avait plus qu’à exécuter une préparation millimétrée.

Vortex, 6 x 52 minutes

Sur France 2 à partir du 2 janvier 2023 et déjà sur Salto
Avec Tomer Sisley, Camille Claris, Zineb Triki…
Écrite et conçue par Camille Couasse et Sarah Farkas
En collaboration avec Marine Lachenaud, Guillaume Cochard et Louis Aubert
D’après un concept original de Franck Thilliez
Réalisée par Slimane-Baptiste Berhoun
Produite par Iris Bucher et Roman Turlure
Une production Quad Drama avec AT-Production et la RTBF

Soutien du CNC : Fonds de soutien audiovisuel (FSA), Fonds d’aide à l’innovation audiovisuelle (FAIA)Aide sélective aux effets visuels numériques, Allocation directe aux effets visuels numériques