« C’est mon homme » : un film où la photographie joue un rôle un central

« C’est mon homme » : un film où la photographie joue un rôle un central

Leïla Bekhti et Karim Leklou dans « C'est mon homme ».
Leïla Bekhti et Karim Leklou dans « C'est mon homme ». Bac Films/Alex Pixelle

Dans son premier long métrage, C’est mon homme, Guillaume Bureau met en scène un soldat (Karim Leklou) revenu amnésique de la guerre de 14-18. Deux femmes, une photographe (Leïla Bekhti) et une danseuse de cabaret (Louise Bourgoin), assurent chacune reconnaître en lui leur mari. Le directeur de la photographie Colin Lévêque détaille pour le CNC son travail pour illustrer ce récit.


Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?

J’avais déjà travaillé sur une coproduction entre les Belges de Frakas et les Français d’Avenue B : La Ruche de Blerta Basholli (sorti en juin 2022 en salles). Les gens de Frakas m’ont contacté et comme je venais de terminer le tournage de Temps mort d’Eve Duchemin avec Karim Leklou, ce dernier a aussi glissé un mot à mon sujet à Guillaume Bureau (le réalisateur de C’est mon homme -ndlr). On a fait un premier rendez-vous avec Guillaume dont je suis sorti enthousiaste car il ne faisait que confirmer et amplifier le plaisir que j’avais eu à la découverte de son scénario. C’est un véritable page turner que j’ai refermé en me disant qu’il n’y avait au fond aucune réponse unilatérale et évidente aux questions que je m’étais posées tout au long de ma lecture sur la réelle identité de ce soldat. Avec cette idée que dans la reconstruction de ses souvenirs, la vérité en elle-même n’a finalement que peu d’importance. Ce qui prime est ailleurs, dans l’aboutissement de ce chemin : quelle femme le héros va-t-il choisir après s’être convaincu de ses souvenirs avec elle ? Le fait de savoir que Karim allait tenir le rôle de ce soldat donnait spontanément encore plus de puissance au scénario. Il dégage quelque chose d’insondable et on peut projeter énormément de choses sur lui. Grâce à lui, le récit allait encore gagner en ambivalence.

Comment travaillez-vous à partir du scénario ?

Je m’appuie sur différents éléments. Le récit en lui-même bien sûr. Le casting, la présence de Leïla Bekhti et de Louise Bourgoin, en plus de Karim. Dès mes premiers échanges avec Guillaume, il m’explique qu’il ne veut aucun plan caméra à l’épaule mais au contraire des plans très posés. Je sais donc que je vais travailler sur des travellings pour accompagner les personnages. Sur des plans à la Dolly, très stables, avec des mouvements de caméra très doux. On a su aussi très en amont que, budget oblige, on ne pourrait pas tourner de grandes scènes d’extérieur d’époque, celles qui coûtent le plus cher. Mais on a transformé ce handicap en atout : cela a renforcé le côté intimiste du film. On discute aussi références et l’une s’impose tout particulièrement : les mélos classiques hollywoodiens de Douglas Sirk. Et on approfondit en parallèle ce qui se dégageait déjà du scénario : les univers dans lesquels allaient évoluer les deux héroïnes Julie Delaunay (Leïla Bekhti) et Rose-Marie Brunet (Louise Bourgoin). Julie du côté de la lumière, Rose-Marie du côté de l’ombre et de la nuit. Deux univers visuels aux antipodes qu’il faut créer. Pour cela, on a même fait des modifications dans le scénario, en transformant par exemple en séquences de jour des scènes prévues de nuit dans l’atelier photo de Julie pour marquer encore plus cette opposition entre les deux femmes.

Justement, comment travaille-t-on la représentation d’un atelier photographique à l’écran ?

Je m’appuie sur le travail de documentation riche et précieux de la chef décoratrice Catherine Jarrier, même si on n’a hélas pas pu trouver le décor qu’on souhaitait, ces studios photo typiques des années 1910 et 1920, avec de grandes verrières obliques afin que la lumière vienne de trois-quart pour arrondir les visages et les rendre plus photogéniques. Comme une sorte de toit mansardé en vitre. Mais une fois trouvée cette faïencerie avec des énormes baies vitrées opaques où on allait recréer le studio photo de Julie, je me suis appuyé sur les documents de l’époque pour recréer le même type de lumière. En partant du décor, comme je l’ai fait d’ailleurs pour le cabaret où évolue Rose-Marie.

 

Aviez-vous des références pour l’atmosphère visuelle de ce cabaret ?

Il y avait avec Guillaume un désir commun de couleurs saturées, chaudes, en adéquation avec l’époque, où apparaissent les premières ampoules tungstène à filaments créant cette lumière caractéristique. Notre référence majeure a été les scènes de cabaret de Magic in the Moonlight de Woody Allen. Notre budget n’était évidemment pas le même mais, on s’est, comme lui, beaucoup servi des teintures d’arrière-plan du cabaret et des lampes sur les tables pour créer cet aspect brillant qu’on recherchait.

C’est mon homme évolue aussi sur un troisième territoire : le visage mystérieux de Karim Leklou, un personnage retrouvant peu à peu la mémoire. Est-ce que dans votre manière de le filmer et de l’éclairer, vous pensez à la manière dont vous allez pouvoir créer de la confusion et des doutes chez le spectateur ?

Oui, c’est forcément toujours un peu présent et tout particulièrement dans les moments clés du récit qu’on vit à travers sa perception des choses. Mon but a été de placer le spectateur dans le point de vue du personnage pour ces scènes-là. Lorsque j’ai découvert le scénario, j’avais imaginé jouer encore plus sur cet aspect. Mais dans son récit, Guillaume privilégie plutôt les deux personnages féminins qui se disputent le héros, jusqu’au moment où il fait son choix. J’ai donc suivi ses pas, avec la chance d’avoir affaire à un acteur aussi inouï que Karim. Un comédien qui, selon l’axe où il est filmé, dégage des émotions différentes. Karim peut être doux et romantique à certains moments, inquiétant à d’autres ! C’est un acteur fascinant.

C’est mon homme

Réalisation : Guillaume Bureau
Scénario : Guillaume Bureau avec la collaboration de Pierre Chosson et Robin Campillo
Photographie : Colin Lévêque
Montage : Nicolas Desmaison
Musique : Romain Trouillet
Production : Avenue B Productions, Frakas Productions
Distribution : Bac Films
Ventes internationales : Bac Films International
Sortie en salles le 12 avril 2023

Soutiens du CNC : Soutien au scénario (aide à l'écriture), Aide à la création de musiques originales