Comment Claudine Bories et Patrice Chagnard ont réalisé « Nous le peuple »

Comment Claudine Bories et Patrice Chagnard ont réalisé « Nous le peuple »

19 septembre 2019
Cinéma
Nous le peuple
Nous le peuple Ex Nihilo - Les Films du Parotier - Epicentre films
Après Les Arrivants et Les Règles du jeu, le duo Claudine Bories et Patrice Chagnard boucle sa trilogie sur un état des lieux de la France avec Nous le peuple en s’intéressant à la crise de la démocratie. Ils nous détaillent les secrets de fabrication.

Dans Nous le peuple, vous suivez trois groupes d’une association d’éducation populaire (des détenus, des lycéens, des femmes immigrées) qui mettent en commun leurs idées pour écrire une nouvelle Constitution et la présenter à l’Assemblée Nationale. Comment est né ce documentaire ?

Claudine Bories : Du désir d’aller voir du côté du politique tout en continuant à écouter les invisibles de notre société, ceux qui n’ont pas la parole et sont très mal représentés. On avait le sentiment que la question de la représentativité et de la démocratie travaillait de plus en plus notre société. Et ce bien avant le mouvement des Gilets jaunes.

Patrice Chagnard : On a commencé à y penser fin 2016 pendant la campagne présidentielle.

C.B : Et c’est par hasard qu’on a entendu parler de deux ateliers autour de la Constitution qui s’étaient formés à Montreuil et à Ivry. On a été sciés par ce qu’on a y vu ; ça tombait pile dans notre questionnement. Une parole collective s’y dégageait de façon merveilleuse. On a eu envie d’y poser notre caméra.

Celle-ci a-t-elle été facilement acceptée par ces groupes de travail ?

P.C. : Oui mais sur la durée. On suit toujours le même schéma : d’abord, on observe et on s’implique dans le dispositif qu’on va filmer. Ensuite seulement, on revient avec une caméra et on s’engage dans un tournage long – celui-là s’est étalé sur 8 mois. Au fond, c’est autant notre présence que celle de la caméra qui est acceptée. A partir de là, c’est comme un jeu. Les gens se savent filmés, l’acceptent et peuvent s’amuser avec cette situation. D’ailleurs, ce sont ceux qui ont le plus envie de jouer avec la caméra qui émergent.

C.B. : On est en position de pouvoir par rapport aux personnes qu’on filme, mais on ne sait jamais ce qui va se passer. A tout instant, ceux qu’on filme depuis des semaines peuvent nous dire qu’ils arrêtent. Mais la règle est facilement acceptée parce qu’on installe dès le départ une relation de respect.

Vous vous êtes retrouvés à monter Nous le peuple au moment des actions des Gilets jaunes. Dans quelle mesure est-ce que cette actualité brûlante a modifié votre travail ?

C.B. : Quand on s’est lancé dans le film, le sujet ne trouvait pas d’écho chez nos interlocuteurs (producteurs, distributeurs…). Quand on a vu apparaître le mouvement des Gilets jaunes, on a été ravis de constater qu’on ne s’était pas trompés dans notre analyse. Mais cette concomitance n’a rien modifié dans notre travail.

P.C. : C’était par contre bouleversant de se retrouver en pleine actualité alors qu’on pouvait penser que notre sujet n’intéressait personne ou presque.

Comment avez-vous procédé pour transformer 8 mois de tournage en un film de 1h39 ?

P.C. : A chaque fois, ça nous semble une gageure insurmontable mais on finit toujours par y arriver ! Notre méthode ne varie pas au fil de nos documentaires. On attend la fin du tournage pour entamer le montage même si on visionne les rushes au fur et à mesure. Ensuite, une fois sur le table de montage, on commence par tout revoir afin d’écarter immédiatement ce dont on ne veut pas. Puis, une fois ce travail effectué, on se met à la table avec notre monteuse.

C.B. : C’est au montage qu’on quitte la place du réalisateur pour construire celle du spectateur. Nous devons au fur et à mesure disparaître pour rendre visible et audible ce que nous avons vu et entendu.

Nous le peuple, en salles le 18 septembre, a bénéficié de l’avance sur recettes après réalisation, de l’aide sélective à la distribution (aide au programme) du CNC.