Daniel Cohen : « Le FEFFS s’intéresse au cinéma de genre au sens le plus large possible… »

Daniel Cohen : « Le FEFFS s’intéresse au cinéma de genre au sens le plus large possible… »

27 septembre 2022
Cinéma
Zalava(c)Mohammad Badrloo.JPG
« Zalava » d'Arsalan Amiri Mohammad Badrloo

Évènement cinéphile dédié au fantastique sous toutes ses formes, le festival européen du film fantastique de Strasbourg est devenu une référence en la matière. En quinze ans d’existence, il n’a cessé de se développer. Rencontre avec Daniel Cohen, l’un de ses fondateurs.


Le Festival européen du film fantastique de Strasbourg, qui se tient jusqu’au 02 octobre, fête cette année sa quinzième édition. Quelles sont ses origines ? 

Il faut remonter au tout début de l’année 2006 et la création des Films du Spectre, une association de passionnés de cinéma fantastique basée à Strasbourg. Nous avons d’abord organisé une rétrospective des films de la Hammer. L’idée de départ était de montrer des œuvres qui nous tenaient à cœur et de centraliser des copies provenant de différentes cinémathèques. Nous avons écumé les catalogues et les archives de certains distributeurs français et mis la main sur des pépites, comme cette copie de La Revanche de Frankenstein de Terence Fisher. Nous avons réussi à faire venir le scénariste vedette de la Hammer, Jimmy Sangster, mais aussi à organiser des tables rondes, des expositions... L’année d’après, nous nous sommes focalisés sur la science-fiction et nous avons rebaptisé la manifestation le Spectre Film Festival. Face au succès de ces deux évènements, nous avons élargi notre champ d’action. C’est ainsi qu’est né le FEFFS, en 2008.

Pourquoi se concentrer sur la production européenne du cinéma fantastique ?

Outre le fait que la ville de Strasbourg soit le siège du Parlement européen, ce choix est né d’un constat : en circulant dans les différents festivals de films fantastiques à travers l’Europe – Sitges, Bruxelles, Neuchâtel – nous nous sommes rendu compte que beaucoup de films présentés ne sortaient pas sur les écrans français. L’idée était donc de leur offrir un espace d’exploitation.

En quinze ans, le festival s’est également ouvert à la production internationale…

Cette section « internationale », encadrée par un jury, décerne l’Octopus d’or. Lors de la précédente édition, c’est le film norvégien The Innocents d’Eskil Vogt qui a été récompensé. Cette année, le jury est composé de Mélanie Boissonneau, une enseignante chercheuse que l’on peut retrouver en tant que chroniqueuse sur la plateforme VOD Filmo, du cinéaste Julien Maury (À l’intérieur, Livide, Aux yeux des vivants...) et de Luis Miguel Rosales, journaliste espagnol, directeur de la revue spécialisée Scifiworld. Outre cette ouverture vers la production internationale, il est important de préciser que le FEFFS est désormais affilié à la Méliès International Festivals Federation dont le but est justement de promouvoir le cinéma fantastique en Europe. À l’issue de chaque édition, nous remettons le Méliès d’argent du meilleur film européen. Les films primés sont ensuite en lice pour l’obtention du Méliès d’or lors du Festival de Sitges, qui se déroule dans la foulée du FEFFS.

Nous nous intéressons de plus en plus au cinéma de genre au sens le plus large possible, pas seulement fantastique.

 La diversité des œuvres proposées ne repose pas que sur la nationalité des films…

En 2008, la première édition s’étendait sur cinq jours, contre dix aujourd’hui. J’évoquais à l’instant la compétition internationale qui s’est ajoutée à la programmation initiale. Ce n’est effectivement pas tout. Nous nous intéressons de plus en plus au cinéma de genre au sens le plus large possible, pas seulement fantastique. On peut ainsi trouver au cœur de notre programmation des thrillers, des films d’action, des films noirs… Le cinéma d’animation a aussi toute sa place. Tous ces ajustements ont mécaniquement augmenté le nombre de films présentés. Cette année, quarante-deux longs métrages sont présentés hors compétition….

La richesse d’un festival tient aussi dans sa capacité à événementialiser certaines projections…

C’est dans cet esprit que nous avons mis en place les séances dites « immersives ». Il y a quelques années, nous avons par exemple projeté Les Dents de la mer dans la piscine des Bains municipaux de Strasbourg. Les spectateurs pouvaient voir le film assis sur des bouées. Nous avons aussi mis en place un drive-in pour présenter Christine de John Carpenter, aménagé le toit d’un parking pour Les Blues Brothers, montré le Projet Blair Witch en plein cœur d’une forêt ou encore L’Exorciste dans une église. Cette année, pour les 100 ans de Nosferatu, un ciné-concert s’est déroulé dans un tiers lieu culturel de la ville, la veille de l’ouverture du festival. Nous sommes également très heureux de montrer en séance spéciale le documentaire très attendu d’Alexandre O. Philippe, Lynch/Oz, une exploration de l’influence de l’univers du Magicien d’Oz dans l’œuvre de l’auteur de Blue Velvet… Un festival doit s’ouvrir aux nouvelles technologies, c’est dans cet esprit que, depuis 2015, des projections en réalité virtuelle sont organisées. Nous avons été l’un des premiers festivals français à intégrer la VR à notre programmation. L’interactivité des œuvres est aussi une préoccupation. Cette année, la réalisatrice roumaine Anca Damian présente un film d’animation, L’île, une variation autour de Robinson Crusoé. Elle expose également des illustrations tirées de son travail. À l’aide d’une application dédiée, le festivalier pourra interagir avec les œuvres proposées qui prendront vie…

Le monde du jeu vidéo est aussi mis en valeur…

Cela fait neuf ans que nous défendons le jeu vidéo indépendant via une compétition, l’Indie Game Contest. Pour sa dixième édition, c’est une association régionale des professionnels du jeu vidéo du Grand-Est, East Games, qui en a pris les rênes. Chaque année, le meilleur du jeu vidéo indépendant international est ainsi représenté. Deux trophées sont décernés : l’Octopix et le prix du Public.

Il est évident que le cinéma fantastique est un levier efficace auprès des jeunes spectateurs, principalement les 15-25 ans.

Et le FEFFS se veut aussi un lieu de réflexion quant à l’avenir du cinéma…

Depuis deux ans, le festival de Strasbourg est devenu, en effet, une étape du Futur@Cinema, un challenge innovation autour de l’exploitation cinématographique. C’est l’occasion de proposer des conférences sur les enjeux de la distribution et de l’exploitation cinématographique et de réfléchir à des façons différentes de sensibiliser le public à la salle de cinéma. Il est évident que le cinéma fantastique est un levier efficace auprès des jeunes spectateurs, principalement les 15-25 ans. Cet aspect professionnel du festival est renforcé également par la restitution des résidences SOFILM pour le cinéma de genre qui ont lieu dans la région Grand Est, avec la lecture en public des scénarios retenus.

Quels sont les autres temps forts de cette 15e édition ?

Il y a un hommage au cinéma fantastique français, baptisé « French Touch ». Les festivaliers pourront ainsi voir ou revoir La Belle et la Bête, Les yeux sans visage, La Beauté du diable, mais aussi Dobermann ou encore la version restaurée du Pacte des loups en présence de Christophe Gans qui donnera une masterclass. En qualité d’invité d’honneur du festival, Christophe Gans succède à Alex de la Iglesia, Robert Rodriguez, John Landis, Dario Argento, Tobe Hooper, William Friedkin ou encore George A. Romero. À noter également la présence exceptionnelle de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet pour accompagner la première projection de La Cité des enfants perdus en copie restaurée. Le fait que StudioCanal, qui est à l’origine de cette restauration en 4K, choisisse le FEFFS pour dévoiler le film en exclusivité mondiale est une marque de confiance exceptionnelle.