Cette édition 2020 du Festival international Jean Rouch est placée sous le signe de l’inédit : des films à découvrir en ligne, une nouvelle section…

Qu’attendez-vous des films sélectionnés ?
Il faut que les documentaires présentent un enjeu cinématographique fort. Les chercheurs (ethnologues, anthropologues) qui prennent la caméra doivent avoir compris ce qu’est le langage cinématographique, et que le documentaire n’est en aucun cas la simple illustration en images de leurs propos. L’image ne doit pas être aplatie par le discours scientifique mais au contraire s’en nourrir. D’ailleurs, le cinéma est en lui-même heuristique (art d’inventer – ndlr). C’est le moteur même de la recherche.

Y’a-t-il un film de la sélection qui vous a particulièrement marquée ?
J’ai trouvé The Execution, de Jeroen van der Stock, fascinant. Le réalisateur a pris le parti de filmer en noir et blanc une vitre à travers laquelle va se dérouler une exécution par injection létale. Le spectateur est derrière la vitre, mais on ne voit rien. Seuls les sons nous guident. On entend alors les personnes chargées de l’exécution tout préparer comme si c’était anodin, leur intonation, les allées et venues, les portes qui claquent, et l’exécution qui se déroule… A travers cette expérience sensorielle, c’est un document radical sur la peine de mort, qui donne à réfléchir sur le rapport à la mort dans nos sociétés devenues tellement techniques que le geste semble privé de tout sens humain. C’est une démarche très forte.
Vous êtes vous-même anthropologue et cinéaste. Deux disciplines qui requièrent sens de l’observation et esprit d’analyse. Quel autre point commun entre ces deux façons de poser une regard sur ce qui nous entoure ?
Le cinéma est une opération ethnologique dès lors qu’il étudie l’individu, ses stratégies, sa pensée. Autant de sujets d’études des sciences humaines ! Quand on filme, on ne fait pas que capter des images, on les fait vivre. On filme un homme dans un contexte particulier, on regarde comment un sujet devient un personnage par sa réflexion, par ses actions, comment il interagit.
Que diriez-vous aux spectateurs peu habitués aux documentaires ethnographiques pour les amener à les découvrir au Festival Jean Rouch ?
Soyez curieux de la diversité du monde ! Ce festival unique permet de dévoiler cette infinie diversité du monde qui nous entoure, de rendre compte de l’originalité des genres et des écritures cinématographiques, ainsi que de la richesse de la recherche en anthropologie. Et c’est aussi un formidable espace de réflexion et de partage entre les scientifiques et le grand public !