Rencontre avec le chorégraphe de « Merveilles à Montfermeil »

Rencontre avec le chorégraphe de « Merveilles à Montfermeil »

03 janvier 2020
Cinéma
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Merveilles à Montfermeil
Merveilles à Montfermeil Film(s) - Les Films du Losange
Chorégraphe expérimenté, Jérôme Bel a travaillé avec Jeanne Balibar sur sa comédie politique et musicale, Merveilles à Montfermeil. Il nous livre ses confidences sur cette expérience.

Avec Merveilles à Montfermeil, Jeanne Balibar signe une comédie loufoque, politique et musicale, dans laquelle elle raconte comment la nouvelle équipe municipale de Montfermeil, commune du 93, tente de mettre en place un audacieux programme politique. Fête de la Brioche, port du kilt, multilinguisme obligatoire... Un joyeux capharnaüm ponctué par une grande scène de fête au cours de laquelle les acteurs du film (Emmanuelle Béart, Ramzy Bedia, Jeanne Balibar, Mathieu Amalric...) se mêlent à des amateurs (les vrais habitants de la ville) pour une chorégraphie endiablée. Jérôme Bel revient sur la genèse de cette séquence festive, fruit d’une longue préparation en amont du tournage.

Cinq ans auparavant...

« Je connais Jeanne Balibar depuis très longtemps, via un ami commun qui nous a présentés. C’est ma voisine, en plus ! Elle m’a soumis le scénario de Merveilles à Montfermeil il y a environ cinq ans pour envisager une collaboration. J’ai hurlé de rire en le lisant... Son idée était qu’on réfléchisse ensemble sur la façon de travailler avec les habitants de Clichy-Montfermeil pour les incorporer au récit, sachant qu’ils devraient chanter et danser. Il fallait donc les rencontrer et les choisir au préalable. Nous sommes allés proposer nos projets d’ateliers gratuits, qu’on a appelés “Danse et Voix”, à toutes les associations locales, mais aussi aux centres culturels et de la jeunesse. Il se trouve que Jeanne connaît tout le monde là-bas ! (rires) Son intuition était la bonne : nous avons rencontré des gens pleins de ressources, animés d’un désir artistique profond qu’il s’agissait d’exploiter et de laisser s’exprimer. »

Du spectacle au film

Merveilles à Montfermeil Film(s)/Les Films du Losange/DR

« Cette expérience des ateliers a été émancipatrice pour moi. J’ai découvert, à moins d’une heure de Paris, tout un monde multiethnique et multiculturel que je ne soupçonnais pas et que j’aurais cru devoir chercher à l‘autre bout de la planète. Ça m’a nourri de voir la différence entre une danse kabyle et arabe, entre une gambienne et une sénégalaise... Du coup, le financement du film ayant pris du temps, j’ai mis au point dans l’intervalle un spectacle, “Gala”, inspiré par notre travail à Clichy-Montfermeil. Pour l’occasion, j’ai créé une compagnie qui réunissait certains des danseurs amateurs rencontrés avec Jeanne et d’autres, plus professionnels. Vingt personnes en tout avec lesquels “Gala” a fait le tour du monde. C’était Merveilles à Montfermeil en vrai ! »

Un plateau joyeux

« Quand le tournage s’est précisé, nous avons naturellement proposé aux danseurs de “Gala” de participer à la séquence concernée. Mais comme il y avait 90 personnes à filmer, nous avons dû en sélectionner de nouveaux. Ça a cependant été plus rapide de les trouver car on savait un peu mieux ce qu’on voulait. Concrètement, nous avons reproduit telles quelles les danses qui nous semblaient raccorder avec la dramaturgie du film. Une demi-douzaine au total, pour la plupart improvisées car ce ne sont pas des danses écrites. Comment les mettre en scène, comment les utiliser pour que ce soit organique et joyeux ? Tout simplement en les juxtaposant. Plus on en mettait de différentes, plus ça devenait vertigineux, exaltant et riche. Nous avons tourné trois nuits de suite avec des gens qui embrayaient sur leurs vraies journées de travail. Ils m’ont impressionné. Mon travail a consisté à aider Jeanne à activer les danses, à insuffler de l’énergie tout en faisant en sorte que les danseurs restent souverains dans leur expression. Il fallait conserver la joie pure qui les habitait et les transcendait. J’avais des relais discrets sur le plateau qui étaient garants des principes qu’on avait établis et qui les faisaient circuler dans le groupe. Le résultat est, je pense, à la hauteur de l’implication de tous. Le film montre qu’en utilisant intelligemment les forces vives d’un endroit ostracisé par le reste de la société, on peut trouver du positif et de la beauté. »

Merveilles à Montfermeil, qui sort le 8 janvier 2020 au cinéma, a reçu l’avance sur recettes avant réalisation, l’aide sélective à la distribution (aide au programme) et l’aide à la production - Images de la diversité du CNC.