Ruben Östlund : « Président de jury est une sacrée responsabilité »

Ruben Östlund : « Président de jury est une sacrée responsabilité »

21 décembre 2018
Cinéma
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Ruben Östlund aux Arcs Film Festival
Ruben Östlund aux Arcs Film Festival Alexandra Fleurantin et Olivier Monge - Les Arcs Film Festival
Rencontre avec le réalisateur de The Square, Palme d’Or 2017, président du jury longs métrages des Arcs Film Festival.

Réalisateur suédois palmé à Cannes l’année dernière, Ruben Östlund est un provocateur. Ses films n’aiment rien tant que remuer les spectateurs, créer le malaise, et faire grincer les dents. Réflexion sur les faux-semblants, l’embourgeoisement moderne ou les petites lâchetés du quotidien, The Square ou Snow Therapy sont des bijoux d’humour à froid et d’auteurisme européen. Rien de plus logique qu’il se retrouve donc un jour à la tête du jury longs métrages des Arcs Film Festival. Plus que logique : il était en fait désigné pour cela. « J’ai commencé ma carrière comme réalisateur de films de ski freestyle, nous confie-t-il en préambule. Entre 19 et 25 ans, j’ai parcouru les Alpes, l’Amérique du Nord… Puis, j’en ai eu un peu marre de fréquenter les stations de ski et j’ai intégré une école de cinéma en Suède ! ».

Quel fut votre sentiment quand on vous a proposé d’être le président du jury des Arcs ?

Un immense plaisir. Je n’avais jamais été président d’un jury quelconque ! C’est une sacrée responsabilité quand on y pense… J’ai été membre du jury du Festival International de Pékin cette année (15-22 avril 2018, ndlr), présidé par Wong Kar Wai. Il a si bien géré les choses que j’ai décidé de copier sa méthode pour ma présidence des Arcs ! (rires)

Qui consistait en quoi ?

Nous avions des petites discussions après chaque film. Il faisait tout le temps attention à ce que ce soit un nouveau membre qui s’exprime en premier. Pour les délibérations, chacun devait venir avec ses choix pour chaque catégorie dont nous débattions ensuite. Il a réussi à empêcher que les plus loquaces « écrasent » les plus réservés. Il y a toujours des dynamiques différentes dans les jurys ; il faut le prendre en compte et le gérer de la façon la plus démocratique possible.

C’est amusant que vous vous retrouviez aux Arcs, là-même où vous avez tourné Snow Therapy, le film qui précédait The Square.

Nous avions fait des repérages partout dans les Alpes. À la fin du processus, il a fallu choisir entre Avoriaz et Les Arcs, deux stations à l’architecture moderne assez proche. Nous avons particulièrement aimé le travail de l’architecte Charlotte Perriand, qui a notamment participé à la conception d’Arc 1800. Les gens, ici, ont d’ailleurs été déçus d’apprendre que le remake américain, avec Will Ferrell, sera tourné en Autriche !

À ce propos, avez-vous déjà été approché par Hollywood ?

Oui… La plupart des synopsis que je reçois se terminent par :  “et c’est aussi une histoire d’amour” ! (rires) Il y a bien un scénario que j’aurais aimé réaliser, c’était celui de Passengers (finalement dirigé par le norvégien Morten Tyldum, ndlr). Mais j’ai voulu modifier trop d’éléments, notamment introduire un dilemme moral. Le studio a refusé.

Si une avalanche se produisait pendant vos délibérations, fuiriez-vous comme le père lâche de Snow Therapy ou aideriez-vous vos jurés ?

(rires) Des statistiques montrent que, dans un cas de catastrophe, la majorité des morts sont des femmes et des enfants et la majorité des survivants, des hommes. Ce n’est pas forcément dû à une plus grande résistance physique des hommes mais à leur capacité à agir plus égoïstement que les femmes. Donc, je fuirais probablement ! (rires)

Que signifie pour vous "cinéma européen" ?

D’instinct, et schématiquement, je dirais que le cinéma européen est un cinéma dominé par les auteurs alors que le cinéma américain l’est par les producteurs. Mais la plus grande différence, pour moi, réside dans l’approche culturelle et politique des choses. En Europe, nous sommes conscients des images que nous produisons, de leur impact sur la société et sur la nature humaine. Aux États-Unis, tout est divertissement. J’ai aussi le sentiment que le cinéma européen a un pied dans l’art et un autre dans le divertissement. Il faut en être conscient pour éviter qu’il y ait trop de films qui soient dans un entre-deux insatisfaisant.

Vous considérez-vous comme un cinéaste européen ou international ?

Comme un européen, définitivement. Je me sens proche du travail de Michael Haneke, Leos Carax… Mes plus grandes expériences de spectateur proviennent du cinéma continental.

Comment avez-vous trouvé globalement la sélection ?

J’ai beaucoup aimé trois films sur dix, ce qui est un fantastique ratio. Sur une année, j’adore deux-trois films maximum. L’un d’entre eux fait partie de la sélection des Arcs.

Quand tournez-vous votre prochain film ?

En juin. L’histoire commence dans le milieu de la mode. Un célèbre couple de mannequins, qui a un énorme compte Instagram, est convié à une croisière où il se retrouve parmi des millionnaires. Une partie de ce joli monde va échouer sur une île déserte où les cartes sociales seront rebattues.