Stéphane Batut (« Vif-Argent ») : du casting à la réalisation

Stéphane Batut (« Vif-Argent ») : du casting à la réalisation

28 août 2019
Cinéma
Vif-Argent
Vif-Argent Zadig Films - M141

Directeur de casting réputé qui a notamment travaillé pour Arnaud Desplechin, Claire Denis, Alain Guiraudie, Nicole Garcia ou Mathieu Amalric, Stéphane Batut signe son premier long métrage avec Vif-Argent. Il raconte ici le passage entre ses deux passions parfaitement complémentaires.


Vous avez entamé votre carrière de directeur de casting au milieu des années 90. Mais à quand remonte précisément votre envie de passer derrière la caméra ?

Stéphane Batut : En fait, avant de devenir directeur de casting, j’ai fait une fac de cinéma dans l’intention de devenir réalisateur. En sortant, j’ai décidé de faire des stages de mise en scène. J’ai donc pris le Bellefaye (l’annuaire des professionnels ndlr) et appelé plusieurs premiers assistants. L’un d’eux, Etienne Albrecht m’a proposé de m’occuper du casting des figurants et des petits rôles sur N’oublie pas que tu vas mourir, produit par Why Not Productions. Ils m’ont très vite donné des responsabilités de plus en plus importantes, mais toujours sur les castings. Je me suis occupé de Comment je me suis disputé…(ma vie sexuelle) d’Arnaud Desplechin, de Dieu seul me voit (Versailles-chantiers) de Bruno Podalydès et de Selon Matthieu de Xavier Beauvois. Et comme ce métier prenant se situe à un endroit de la création du film finalement très proche de la mise en scène, j’ai eu envie de continuer à fréquenter des cinéastes que je trouvais passionnants. Ce qui a repoussé d’autant mes velléités de réalisation.

Quand sont-elles réapparues ?

Quand j’ai commencé à collaborer avec des cinéastes qui naviguent entre documentaire et fiction comme Nicolas Klotz, Claire Simon ou Laurent Cantet. J’ai découvert une manière moins autobiographique d’aller vers la mise en scène. Ça a débloqué quelque chose en moi. Je ne me voyais pas raconter des choses uniquement tirées de mon expérience. C’est donc en allant vers la découverte des autres que mon désir de réalisation a pris forme. J’ai alors tourné deux documentaires. Le premier, Le Choeur, inédit en salles, se déroulait dans un café pendant les élections présidentielles de 2007. Le deuxième, Le Rappel des oiseaux, d’une durée de 40 minutes, raconte une cérémonie funéraire à laquelle j’avais pu assister dans une région tibétaine de la Chine, où le corps du défunt est offert en pâture aux vautours.

Et c’est à l’issue de ces deux expériences que vous avez commencé à penser à la fiction ?

Après Le Rappel des oiseaux, je me suis mis à penser à un projet hybride entre fiction et documentaire, basé sur les souvenirs que des gens m’avaient raconté en castings pour en faire une sorte de portrait de l’époque. Puis, en retranscrivant les bandes de ces enregistrements, je me suis posé la question de ma place comme réceptacle de ces histoires. Et m’est venue l’idée d’une fiction à la lisière du fantastique où mon personnage central serait un passeur entre le monde des vivants et des morts qui recueillerait les histoires de celles et ceux qu’il accompagne de l’un à l’autre. C’est ainsi que Vif-Argent a pris forme.

Qu’est-ce qui change quand on réfléchit sur le casting de son propre film ?

J’ai été aidé par Judith Fraggi et Alexandre Nazarian. Le fait d’avoir écrit et pensé mes personnages m’a rendu plus obsessionnel qu’à l’accoutumée. Mais la vraie différence se situe pendant les essais eux-mêmes. Dès qu’un comédien butait sur le texte, je me demandais spontanément si le problème ne venait pas… de mon texte. Alors que je ne me pose jamais cette question quand je travaille pour d’autres cinéastes.

Que vous a apporté, en termes de direction d’acteurs, le fait d’être directeur de casting ?

C’est un atout dans la manière de pouvoir créer spontanément un lien différent avec chaque comédien pour que chacun puisse sentir de lui-même la direction à prendre, par une sorte d’osmose. Mais sur Vif-Argent, j’ai surtout eu la chance de travailler avec Judith Chemla, une comédienne d’une intelligence folle et d’une générosité sans limite sur laquelle j’ai pu beaucoup me reposer. Cela m’a ainsi permis de me concentrer sur Timothée Robard qui, lui,  débutait et découvrait donc ce que jouer signifiait, avec les avantages (l’innocence, la spontanéité, les accidents…) et les dangers (trop se protéger pour ne pas aller au bout de ce qu’on ressent, par peur du ridicule) que cela implique. Accompagner ces premiers pas est un des aspects passionnants du travail du metteur en scène qui prolonge parfaitement celui de directeur de casting.

Vif-Argent a reçu l’avance sur recettes avant réalisation et l’aide sélective à la distribution (aide au programme) du CNC.