« Bistronomia » : une série sans concession sur les coulisses de la cuisine

« Bistronomia » : une série sans concession sur les coulisses de la cuisine

26 septembre 2025
Séries et TV
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« Bistronomia »
« Bistronomia » créée par Marie-Sophie Chambon Stephane GRANGIER / France Télévisions

La créatrice et scénariste Marie-Sophie Chambon nous livre sa recette d’une fiction sociale et gastronomique, sur fond d’émeutes des banlieues et d’explosion des blogs. Une histoire qui parle autant de passion pour la cuisine que des violences derrière les fourneaux. Une série en 9 épisodes de 26 minutes, primée au dernier Festival de la fiction, à découvrir sur France Télévisions. 


Pourquoi la bistronomie ?

Marie-Sophie Chambon : C’est un mouvement de chefs et de journalistes gastronomiques apparu au début des années 2000. Ils voulaient s’émanciper des codes élitistes et hors de prix de la haute gastronomie, pour proposer une autre façon de faire de la restauration. Avant les années 2000, il y avait soit les grands restaurants, soit les petits bistrots ou les pizzerias. Il n’existait pas d’offre intermédiaire, avec une cuisine d’auteur accessible. L’idée était que tout le monde puisse en profiter à des prix abordables. C’est pour ça que l’histoire de la série se passe en 2005. Ce n’est pas une date anodine, puisque c’est l’année des émeutes dans les banlieues, qui m’ont particulièrement marquée quand j’avais une vingtaine d’années. Ce fut un moment de grands bouleversements, même dans la presse, avec l’émergence des blogs, ce que la série raconte aussi.

J’ai passé une journée dans un restaurant étoilé, pour me rendre compte du rythme de ce métier.

Votre idée au départ était-elle de montrer l’envers du décor des belles assiettes ?

C’était surtout de raconter l’histoire d’une femme cheffe. Nous montrons souvent les femmes en train de « faire la popote », mais jamais en train de recevoir des prix ou des récompenses prestigieuses pour leur cuisine. J’ai voulu les remettre à leur vraie place. Ensuite, nous avons voulu montrer la réalité de ce métier, de l’intérieur. Même si moi, je n’ai jamais travaillé en restauration… À l’origine du projet, il y a Marine Bidaud et Alexandre Cammas, fondateurs du guide du Fooding, qui connaissent de nombreux chefs ayant œuvré pour la bistronomie. Grâce à eux, j’ai pu rencontrer une quinzaine de chefs, comme Inaki Aizpitarte ou Bertrand Grébaut, mais aussi de nombreuses cheffes : Céline Pham, Delphine Zampetti, Tatiana Levha, Adeline Grattard… Beaucoup m’ont parlé de la violence qu’ils ou elles avaient subie dans les cuisines.

Y a-t-il eu un important travail d’investigation avant d’écrire la série ?

Tout à fait. Il y a eu une documentation importante, sans laquelle je n’aurais pas pu écrire. J’ai aussi passé une journée au Septime, le restaurant étoilé de Bertrand Grébaut, pour me rendre compte du rythme de ce métier. J’ai observé des équipes qui se lèvent à 7 heures pour préparer le service du midi, qui enchaînent avec le rangement, une courte pause, puis reprennent à 17 heures pour finir après minuit. C’est une cadence infernale.

Qu’est-ce qui vous a le plus marquée durant ce travail d’enquête ?

Ce que subissent les femmes en cuisine. Les violences physiques ou morales qu’elles m’ont racontées m’ont vraiment choquée. D’une manière générale, nous sentons bien qu’il existe deux espaces dans un grand restaurant : la salle, où l’ambiance est feutrée, chic, silencieuse… et les cuisines, les vestiaires, où des gens travaillent sans relâche. Deux mondes opposés, séparés de quelques mètres à peine. Socialement, c’était passionnant à raconter.

Avez-vous pu tourner dans de vraies cuisines ?

Oui, nous avons filmé notamment chez Bocuse. Les figurants que nous voyons en train de travailler sont de vrais cuisiniers. L’actrice principale, Yowa-Angélys Tshikaya, est même partie à Marseille pour un stage de deux semaines auprès d’une cheffe, afin d’apprendre les bons gestes.

Le chef Yves Camdeborde, chante de la bistronomie, était sur le tournage. Quel était son avis ?

Nous craignions d’aller un peu trop loin, mais il nous a dit : « Vous êtes en dessous de la réalité ! C’est plus violent, plus intense que ça en vrai ! »

Qu’ont apporté Marine Bidaud et Alexandre Cammas ?

Ils nous ont beaucoup parlé de leur jeunesse au Fooding, de la manière dont cette tendance est née. Ils avaient une foule d’anecdotes. Et puis ils ont eu un vrai regard critique sur les plats que nous choisissions.

 

Comment avez-vous écrit vos trois héros vingtenaires : Johanna, Amandine et Vivian ?

Marine Bidaud et Alexandre Cammas ont proposé de créer une héroïne métisse, et j’ai trouvé que c’était une superbe idée. Comme l’histoire se déroule en 2005, j’y ai vu l’occasion de faire un parallèle entre la révolte en cuisine et les émeutes des banlieues. J’ai voulu dessiner une jeune femme forte, avec beaucoup de répondant. Elle travaille entourée d’hommes, et d’après les témoignages des cheffes que j’ai rencontrées, c’est une position difficile. Amandine, elle, est son opposé socialement : fille de chef, destinée à Sciences Po, elle veut s’émanciper de l’ombre paternelle pour inventer sa propre cuisine. Ensemble, elles parviennent à créer quelque chose de nouveau. Quant à Vivian, il est une sorte de mélange de Marine Bidaud et Alexandre Cammas : le journaliste qui met des mots sur le phénomène. Car la bistronomie s’est aussi fabriquée grâce à la presse et aux blogs de l’époque.
 

Bistronomia

Affiche de « Bistronomia »
Bistronomia France.tv

9 épisodes de 26 minutes, disponibles sur france.tv, à partir du jeudi 25 septembre et prochainement sur France 2
D’après une idée originale de Marine Bidaud et Alexandre Cammas
Créée par Marie-Sophie Chambon avec la collaboration d’Anaïs Carpita, Judith Havas et Camille Pierrard
Scénario de Marie-Sophie Chambon, Anaïs Carpita, Judith Havas, Camille Pierrard, avec la contribution d’Alexandre Cammas
Réalisation Truman & Cooper, Anthony Jorge, Jonathan Cohen-Berry
Production CG Cinéma

Soutiens sélectifs du CNC : Fonds de soutien audiovisuel (Aide sélective à la préparation, Aide sélective à la production)