« Les Gouttes de Dieu » : les coulisses de la série racontées par son créateur

« Les Gouttes de Dieu » : les coulisses de la série racontées par son créateur

22 mars 2023
Séries et TV
Fleur Geffrier et Tomohisa Yamashita dans Les Gouttes de Dieu.
Fleur Geffrier et Tomohisa Yamashita dans Les Gouttes de Dieu. Apple TV+

Avec Quoc Dang Tran et Dynamic Productions à la manœuvre, la France s’essaye à l’adaptation de manga en série. Les Gouttes de Dieu, bande dessinée nipponne sur le vin et la magie de l’œnologie, s’est transformée petit à petit en une grosse coproduction internationale, portée par France Télévisions, Hulu au Japon et Apple dans le reste du monde. Une fiction hors du commun, qui a fait l’événement au Festival Séries Mania ces derniers jours, dans le cadre de la compétition officielle. Rencontre avec son créateur.


Comment est née cette idée d’adapter le manga japonais Les Gouttes de Dieu en une série française ?

Quoc Dang Tran : Au départ, ce sont les producteurs de Dynamic, Klaus Zimmermann et Sonia Moyersoen, qui m’ont proposé de lire le manga, en vue de l’adapter. J’ai tout lu et j’ai trouvé que c’était une BD formidable, mais très compliquée à porter à l’écran, pour de nombreuses raisons. C’est un univers foisonnant et très didactique, qui raconte l’univers du vin dans ses moindres détails. Donc il a fallu penser à une manière de revoir tout ça et j’ai pris le parti de m’intéresser à la trajectoire des personnages, en gardant cette arène très excitante qui est celle de l’œnologie.

Vous n’avez pas hésité à changer une partie de l’histoire, en créant une jeune Française comme héroïne…

Personne ne m’en aurait voulu si j’avais changé tous les personnages pour en faire des Français. Parce que la France est la terre du vin. Mais ça n’aurait pas rendu justice au manga. Donc j’ai introduit une petite touche française et cette notion nouvelle d’un affrontement entre la France et le Japon. Et ça marche, parce qu’il y a cette perception française du Japon, qui voit ce pays comme une terre de tradition, adepte d’une certaine méticulosité. Cela rendait possible cette dualité entre les personnages, l’un japonais, l’autre français, autour du thème du vin.

Il y a cette curiosité, en ce moment, dans la pop culture, qui fait qu’on peut traverser des barrières de langues, des barrières culturelles, s’émouvoir pour un Japonais ou un Coréen.

À quel moment le projet est-il devenu plus international ?

Au début, le projet était développé en France, pour France Télévisions, par Les Productions Dynamic qui avaient acquis les droits. Mais assez rapidement, la plateforme Hulu Japan est entrée dans la boucle. Apple TV+ est arrivée plus tard dans le projet. C’est une grosse plateforme qui offre une formidable vitrine mondiale à la série, même si ce n’était pas une nécessité d’en faire un projet global. Cela aurait très bien pu rester une série franco-française. Mais en même temps, on est dans une période où il est possible de raconter des histoires internationales. Il y a cette petite fenêtre qui existe actuellement – qui ne va peut-être pas durer – à l’heure où le monde se passionne pour Squid Game ou Parasite, pour se pencher sur des personnages universels, qui sont à même de parler aux spectateurs du monde entier. Il y a cette curiosité, en ce moment, dans la pop culture, qui fait qu’on peut traverser des barrières de langues, des barrières culturelles, s’émouvoir pour un Japonais ou un Coréen. Avec Les Gouttes de Dieu, on n’a pas hésité à aller à fond dans cette voie. La série passe de l’anglais au français et au japonais de manière fluide. On ne se pose même pas la question. C’est génial, en tant que créateur, de pouvoir se permettre ça.

Qu’est-ce que ça change dans l’écriture, de penser ainsi de manière globale ?

C’est plus long. Le processus est plus complexe, parce qu’il faut que les textes soient relus par des auteurs japonais, notamment, pour s’assurer que les dialogues sonnent juste. Donc ça rajoute du temps, mais ça ne change pas grand-chose dans le fond. Et puis à titre personnel, j’ai écrit toute l’intrigue japonaise comme un hommage au cinéaste Hirokazu Kore-eda dont je suis très fan. Je ne sais pas s’il verra la série un jour, mais en tout cas, c’est mon hommage à son cinéma…

Comment retranscrit-on dans une série en prises de vues réelles la folie visuelle d’un manga ?

Forcément, la série est plus sage. C’est tout à fait normal. Les mangas déploient des carrousels d’émotions absolument dingues. En quelques pages, toutes les émotions primaires y passent ! Une série, ça ne se construit pas du tout de la même façon. Ça se construit sur la durée. Avant de s’attacher aux héros, de rire ou de pleurer avec eux, il faut apprendre à les aimer et ça ne se fait pas au bout de dix minutes. Il faut patiemment bâtir son ouvrage pour que l’émotion puisse taper au bon moment. Alors oui, c’est une gageure d’adapter un manga, ou une BD ou un jeu vidéo par extension. Et l’erreur à ne pas commettre, c’est justement de rester 100 % fidèle au matériau original. Pourquoi l’adapter sinon ?

Comme ceux qui ont aimé Le Jeu de la dame sans savoir jouer aux échecs, on doit pouvoir apprécier Les Gouttes de Dieu sans rien connaître du vin.

Vous avez quand même écrit des séquences spectaculaires, où des dégustations de vin explosent en mille couleurs à l’écran !

Oui, c’est une forme d’hommage au manga, mais qui se devait de rester universel : quand l’héroïne goûte le vin, c’est une explosion de saveurs, symbolisée par des couleurs, et que tout le monde peut comprendre en un clin d’œil.

Vous avez une passion pour le vin vous-même ?

Non, j’aime ça, mais comme un novice. J’ai dû beaucoup me documenter, travailler sur la matière. Je n’y connaissais pas grand-chose et je crois que c’était mieux comme ça, parce que la série ne s’adresse pas qu’aux aficionados du vin, mais aussi à ceux qui n’y connaissent rien. Comme ceux qui ont aimé Le Jeu de la dame sans savoir jouer aux échecs, on doit pouvoir apprécier Les Gouttes de Dieu sans rien connaître du vin. Personnellement, j’ai appris à apprécier le vin grâce à cette série… et plus spécialement le Châteauneuf-du-Pape, puisque c’est là-bas qu’on a tourné nos séquences chez le vigneron français. C’est devenu mon vin préféré !

Vous avez rencontré les auteurs des mangas ?

Oui, derrière le pseudonyme de Tadashi Agi – qui signe Les Gouttes de Dieu – se cachent en fait un frère et une sœur : Shin et Yuko Kibayashi. Ils sont venus à Paris un jour. Ils ont relu tous les textes. Et ils ont tout validé. Donc là-dessus, je me sens serein.

Les Gouttes de Dieu,

8 épisodes, à voir sur Apple TV+ à partir du 21 avril, puis sur France Télévisions

Les Gouttes de Dieu
Créée par Quoc Dang Tran
Écrite par Quoc Dang Tran, Clémence Madeleine-Perdrillat et Alice Vial
Réalisée par Oded Ruskin
Produite par Klaus Zimmermann et Sonia Moyersoen
Avec Fleur Geffrier, Tomohisa Yamashita, Tom Wozniczka, Cécile Bois…