Comment naît Le Rendez-vous de l’été ?
Valentine Cadic : Cette aventure débute avec un coup de téléphone d’Arnaud Bruttin qui allait devenir l’un des coproducteurs du film. Il avait vu et aimé mes courts métrages dans lesquels j’ancrais déjà de la fiction au cœur d’événements particuliers afin de distiller du documentaire dans mes récits. Arnaud qui m’a parlé des Jeux olympiques de Paris en me demandant si j’étais intéressée pour réaliser un film pendant la manifestation. J’avoue que je n’y connaissais pas grand-chose, j’ai donc demandé un temps de réflexion avant de me lancer. J’étais aussi portée par l’envie de retravailler avec Blandine Madec [actrice principale du film, NDLR] que j’avais déjà dirigée dans un de mes courts [Les Grandes vacances, NDLR]. À partir de là, j’ai commencé à développer l’intrigue avec l’idée de ne pas me concentrer sur l’événement en soi, mais sur la manière dont cette manifestation allait impacter les personnages, à commencer par celui de Blandine. Son mal-être contraste au départ avec la joie que procurent les JO et cette injonction de devoir profiter de la fête quand nous n’avons absolument pas la tête à ça.
Vous avez coécrit le scénario du film avec Mariette Désert, collaboratrice régulière de Mikhaël Hers, Katell Quillévéré ou Virgil Vernier. Pourquoi avoir fait appel à elle ?
Je suis une grande admiratrice de son travail. Mais, comme Arnaud, c’est elle qui m’a contactée après avoir vu mon court métrage Les Grandes Vacances. Je lui ai alors confié que j’étais au tout début de l’écriture d’un film. Pour ce premier long, j’avais vraiment envie d’une coécriture, alors que mes courts reposaient, eux, sur des formes assez libres. Mariette a accepté d’écrire avec moi. Et son apport a été essentiel dès la recherche de financements. Ce travail de ping-pong fut passionnant.

Comment êtes-vous parvenue à inclure les JO dans un scénario écrit bien en amont de la manifestation ?
Tout a commencé par un long travail de recherche. Nous sommes aussi allés rencontrer des sportifs qui avaient fait les JO de Tokyo et de Londres pour qu’ils nous expliquent comment l’événement se déroule : les coulisses des épreuves, le village olympique, les fans zones, car nous savions que nous n’aurions sans doute pas accès aux épreuves. J’avais aussi dessiné une petite carte de Paris pour savoir comment Blandine pourrait se déplacer d’un site à l’autre. Nous avions également dès le départ imaginé un personnage – celui de Paul, l’ex de la demi-sœur de Blandine – dont le travail serait lié aux JO, sans savoir précisément lequel. Et puis, nous avons appris que 20 000 personnes sans domicile fixe ont été déplacées de Paris vers la Province avant le début des Jeux. Nous avons donc fait de Paul un membre de collectif en lutte contre cette décision. Un collectif qui nous a beaucoup aidés pendant la préparation. Tout comme d’autres rencontres que nous avons pu faire en amont, à commencer par Béryl Gastaldello, la nageuse dont Blandine est fan. Elle a tout de suite été partante pour apparaître dans le film et a vraiment nourri le scénario de ses anecdotes.
Avez-vous vraiment tourné pendant les JO ?
Oui. Durant deux semaines, et quinze jours plus tard, une troisième semaine où avec ma directrice de la photo, Naomie Amarger, nous avons filmé principalement des plans documentaires. Avec Naomi, nous nous connaissons bien : nous avons créé ensemble l’Association des filmeuses, et nous avions déjà collaboré sur mon film de fin d’études. C’est la première personne à qui j’ai pensé quand j’ai commencé à écrire le film et j’ai eu la chance qu’elle accroche tout de suite au scénario. Beaucoup de questions se posaient concernant la mise en images. À commencer par la manière de s’adapter à l’événement. À chaque fois, nous avons opté pour un dispositif technique différent, de l’équipe au complet à des moments où nous filmions juste toutes les deux. Au départ tout le monde nous disait que nous étions fous de vouloir tourner à cette période ! (Rires.) Nous savions évidemment qu’obtenir les autorisations constituerait le nerf de la guerre. Mais j’ai pu compter sur une équipe d’une efficacité incroyable, dont Agathe Chevrier, la régisseuse générale, qui a effectué un travail extraordinaire. Un tel tournage nécessite énormément de subtilités. Par exemple, vous ne pouvez filmer l’Arc de triomphe que depuis une rue bien précise. Les contraintes sont quasi permanentes.
Vous trouvez une manière singulière de filmer Paris, épousant le regard de votre héroïne qui découvre cette ville et l’impact qu’elle a sur elle. Comment l’avez-vous construite ?
Je vis en banlieue parisienne. Je connais donc et j’aime Paris. Mais le temps des JO, la ville a changé, en termes d’ambiance mais aussi de circulation avec toutes ces installations sportives éphémères. Et ça m’a aidée. Même si je connaissais par cœur les quartiers que j’allais filmer, une question se posait chaque fois : où et comment placer sa caméra par rapport à la foule et qu’étions-nous autorisés à filmer ? À Paris, il y a énormément de bâtiments pour lesquels il faut payer des droits – notamment aux architectes, à La Défense par exemple – si nous voulons qu’ils figurent à l’écran. Là, nous ne pouvions pas improviser.

L’équilibre entre ce quotidien des JO et l’autre aspect central du film, la relation complexe et évolutive de Blandine avec sa demi-sœur a-t-il été simple à trouver ?
Il y a évidemment énormément de moments incroyables que nous avons filmés pendant les JO – l’une des victoires de Léon Marchand, par exemple – qu’il a fallu couper. Parfois à contrecœur ! Mais il ne fallait jamais perdre de vue l’équilibre dont vous parlez sous peine de déstabiliser le récit. Le tournage a constitué une deuxième écriture complétée par la troisième, celle du montage qui a fini par rapprocher le film du scénario initial. Et ce au fil des versions que nous avions modifiées. Nous trouvions en effet que nous nous attachions plus assez à Blandine telle que nous l’avions imaginée. Le personnage de Blandine a le plus évolué tout au long du montage et le film entier avec elle.
Comment résumeriez-vous l’aventure Le Rendez-vous de l’été ?
Le maître mot de cette épopée a été dès le départ la capacité d’adaptation. J’en avais déjà fait l’expérience sur mon court métrage, Les Grandes Vacances qui devait se dérouler sous le soleil dans un camping… où il a plu sans discontinuer tout le long du tournage ! (Rires.) Donc pour Le Rendez-vous de l’été, nous avions d’emblée décidé de jouer avec ce qui se passerait sur le moment : des épreuves annulées qui allaient susciter une déception par exemple. Nous avions laissé de la place pour ça dans le scénario. Et nous nous étions toujours dit que s’il était impossible de tourner dans un lieu, nous irions dans un autre. Nous avions anticipé. De la même manière qu’au moment du casting, nous avons choisi des comédiens à l’aise dans l’improvisation.
LE RENDEZ-VOUS DE L’ÉTÉ

Réalisation : Valentine Cadic
Scénario : Valentine Cadic et Mariette Désert
Production : Comme des Cinémas, Cinq de Trèfle
Distribution : New Story
Ventes internationales : Urban Sales
Sortie en salles : le 11 juin 2025
Soutiens sélectifs du CNC : Avance sur recettes avant réalisation ; Aide au développement d'œuvres cinématographiques de longue durée ; Aide sélective à la distribution (aide au programme 2025)