Comment vous est venue l’idée de Poissonsexe ?
J’avais envie de trouver l’idée tout seul, car j’ai, jusqu’ici, écrit la plupart de mes films à plusieurs. J’ai réalisé il y a longtemps une série qui s’appelait Le Bidule dans laquelle on partait de sujets très réels (le nucléaire, la prison…) autour desquels on construisait la fiction. Pour Poissonsexe, je voulais reprendre cette idée. J’ai commencé à m’intéresser un peu par hasard à la reproduction chez les poissons, la mutation qui les touche, les dysfonctionnements… Je me suis rendu compte que les mêmes phénomènes affectent la reproduction des humains. Les hommes ont, eux aussi, des problèmes de reproduction : la qualité du sperme baisse énormément, le pénis rétrécit au niveau mondial chez les humains. J’ai découvert beaucoup de faits de ce genre, à la fois drôles et inquiétants… Parallèlement, je cherchais à avoir un enfant et autour de moi, beaucoup d’amis étaient confrontés à la difficulté d’être parents. Le film est donc parti de cette double angoisse : est-ce que mes spermatozoïdes sont assez vigoureux pour en avoir un ? Est-ce que je peux avoir un fils ou une fille dans un monde si angoissant ? Ces questions, je les ai incarnées dans le personnage de Daniel (Gustave Kerven).
Quelles ont étés vos influences ?
Dans une interview, David Lynch disait qu’il devrait y avoir du Tati dans tous les films et je pense qu’il a raison. Et il y a un peu de Tati dans Poissonsexe. Mais la vraie référence, c’est Mon oncle d’Amérique, où Alain Resnais fait le parallèle entre les rats et les humains et donne des explications scientifiques par le biais des discours du professeur Laborit. Mais à la différence de ce film que j’adore pour sa froideur, je voulais que Poissonsexe soit très humain. Qu’on s’attache aux personnages, que l’histoire d’amour fonctionne. Ce qui n’est pas du tout l’angle de Resnais… Je me suis également inspiré de la bande dessinée contemporaine. Notamment Mister Wonderful, où Daniel Clowes suit deux êtres blessés qui se raccrochent l’un à l’autre.
Comment s’est opéré le choix des acteurs qui allaient interpréter cette histoire si particulière ?
J’avais vu le moyen métrage d’Axelle Ropert en hommage à François Truffaut (Truffaut au présent : Actrices / Acteurs). 10 comédiens et 10 comédiennes rejouaient une même scène de rencontre. C’est là que j’ai découvert India Hair. Ce fut la pierre angulaire du casting. J’avais Gustave (Kervern) présent à l’esprit dès les prémices du projet. A l’origine, le personnage était américain et on était en contact avec Brendan Fraser pour le rôle. Comme souvent avec les Américains, c’est devenu très vite compliqué. J’ai commencé à réfléchir à un acteur français. J’avais une photo de référence pour le rôle : Peter Jackson sur le tournage du Seigneur des anneaux, perdu dans la pampa, emmitouflé dans sa polaire avec sa barbe hirsute, ses lunettes… Un type au bout du rouleau et obsédé. Gustave tout craché ! (rires)
Poissonsexe est une comédie, mais un peu amère… Comment définiriez-vous le ton du film ?
Entre les deux. Je dirais que c’est un film « mélancomique ». La perception qu’on a de certaines réalisations dépend de l’état dans lequel on se trouve quand on les voit. Si on est triste, on va les trouver tristes. Plus léger, on les trouvera drôles. Les films changent selon notre humeur. J’aime quand plusieurs émotions cohabitent dans un film. On passe du rire aux larmes, de l’angoisse à la légèreté. Il y a de ça dans Twin Peaks, par exemple. Par contre, je ne voulais pas faire un film sentencieux. Je n’ai pas de leçons à donner sur l’écologie. Je suis au fond comme mes personnages : on a nos problèmes au boulot, en amour et on essaie de faire avec… Les problèmes environnementaux ont franchi un cap. On regarde le monde s’écrouler sur internet. C’est de plus en plus préoccupant, mais on continue d’avancer…
Vous semblez désabusé…
J’essaye de ne pas l’être, même si c’est dur. Je suis un optimiste repenti. Mais attention : dans mon film il y a de l’espoir. Je suis du côté des vivants. Peut-être pas du côté de l’espèce humaine… Dans le film, l’espoir renaît d’un amphibien davantage que des humains. Poissonsexe rejoint en cela l’une des théories de l’évolution : c’est parce qu’un poisson est sorti de l’eau avec des pattes que la Terre a commencé à se peupler… C’est peut-être grâce à cet amphibien que tout pourra recommencer. En mieux.
Poissonsexe, qui sort ce mercredi 2 septembre, a reçu l’Aide à la conception, l’avance sur recettes avant réalisation, l’aide au développement de projets de long métrage et l’aide sélective à la distribution (aide au programme) du CNC.