Sylvie Verheyde : « L’état de la jeunesse actuelle m’a donné envie d’imaginer une suite à Stella »

Sylvie Verheyde : « L’état de la jeunesse actuelle m’a donné envie d’imaginer une suite à Stella »

13 décembre 2022
Cinéma
"Stella est amoureuse" de Sylvie Verheyde Michael Crotto

Quatorze ans après Stella, Sylvie Verheyde retrouve dans Stella est amoureuse ce personnage inspiré par sa propre adolescence dans les années 80. La réalisatrice raconte sa manière de faire revivre cette période à l’écriture, en images et en musique.


Quand avez-vous eu envie de donner une suite aux aventures de Stella et pourquoi ?

En 2008, Stella avait été déclenché par l’entrée de mon fils en sixième, qui m’avait ramenée à la mienne. Stella est amoureuse explore une autre partie de ma jeunesse, ce moment où, adolescente, je ne me reconnaissais plus dans la vie de mes parents et pas encore dans celle de mes copines. Ce côté transfuge de classe. Mais ce qui a réellement déclenché le désir de Stella est amoureuse, c’est l’état de la jeunesse actuelle. Nous vivons une époque où trouver sa place à cet âge est compliqué car cette jeunesse a le monde à réparer, donc à réinventer. Cette génération a des raisons d’être angoissée avec tout ce qu’elle traverse. Alors qu’à mon époque, les enfants étaient majoritairement promis à un meilleur avenir que leurs parents. J’ai voulu faire un film positif où, même si trouver sa place n’aura rien de simple, je montre qu’il existe une lumière au bout du chemin, à condition d’y croire et de se laisser guider par son instinct de vie.

C’est pour cette raison que vous avez écrit le scénario avec votre fils William Wayolle, qui en signe aussi le montage ?

C’est la première fois que je travaille avec lui. William a déjà réalisé des courts métrages et monté Tu mérites un amour, le premier long métrage de Hafsia Herzi. J’ai voulu établir ce pont entre les générations.

Comment avez-vous travaillé ensemble ?

Je me suis appuyée sur la structure construite dans le premier Stella. Une voix-off, une héroïne plutôt taiseuse et cette idée de raconter l’histoire à sa hauteur, de ne jamais être en surplomb. William, lui, a su m’aider à me situer dans cette position-là, à ce qu’aucun point de vue adulte ne vienne parasiter le récit. On était parfaitement complémentaires et tout a évidemment été facilité par le fait qu’il connaisse par cœur l’histoire de Stella, qui est la mienne. Ça permettait d’aller plus vite.

Stella est amoureuse explore une autre partie de ma jeunesse, ce moment où, adolescente, je ne me reconnaissais plus dans la vie de mes parents et pas encore dans celle de mes copines. […] J’ai voulu faire un film positif où, même si trouver sa place n’aura rien de simple, je montre qu’il existe une lumière au bout du chemin, à condition d’y croire et de se laisser guider par son instinct de vie.

Comment avez-vous abordé la reconstitution des années 80 avec votre directeur de la photo Léo Hinstin ?

On avait déjà travaillé ensemble sur mon précédent film, Madame Claude, qui se situait dans les années 60 et 70. On a fonctionné ici un peu de la même manière. On a échangé non pas autour de films mais à partir de photos des années 80 auxquelles on a pensé spontanément. Celles d’Helmut Newton ou de Sarah Moon par exemple. Elles nous ont servi d’inspiration pour la texture de l’image. À partir de là, c’est une question de mise en scène. Comme le récit est structuré par les boîtes de nuit – les lieux où Stella se découvre et tombe amoureuse –, je me suis notamment employée à trouver une ambiance et une couleur pour chacune.

Est-ce le cas pour les Bains Douches, lieu culte de l’époque, fermé en 2010, que vous avez reconstitué ?

On a tourné dans les lieux mêmes qui ont, en effet, été transformés en hôtels de luxe. On a enlevé la moquette au mur, remis le carrelage. Mais avec mon chef décorateur, on a souhaité en faire une évocation plus qu’une reconstitution. À l’image du film dans sa globalité. Au final, peu m’importe au fond qu’on reconnaisse ou non les Bains. Ce lieu représente juste le symbole de la boîte de nuit à la mode, comme il en existe partout en France. Je voulais avant tout que tout le monde s’y retrouve, pas juste les Parisiens ou ceux qui ont connu les Bains dans les années 80.

Avez-vous partagé ces influences du passé avec vos jeunes comédiens ?

Pas du tout. Je leur ai assez peu parlé de l’époque de manière générale. Je voulais les libérer de ces questions d’époque pour qu’ils se concentrent sur les sentiments et expriment le côté intemporel de l’adolescence.La seule contrainte que je leur ai imposée a été de respecter les dialogues et de ne pas les ponctuer d’expressions contemporaines.

Avec Léo Hinstin, le directeur de la photo, on a échangé non pas autour de films mais à partir de photos des années 80 auxquelles on a pensé spontanément. Celles d’Helmut Newton ou de Sarah Moon par exemple. Elles nous ont servi d’inspiration pour la texture de l’image.

Reconstituer les années 80, cela passe aussi par la musique. Comment s’est fait le choix des chansons de Stella est amoureuse ?

Je me suis tout simplement inspirée des musiques que j’aimais. Par exemple, comme Stella, j’ai découvert l’Italie du Sud vers 18 ans, et la musique italienne devait être présente dans le film. Mais au premier degré, pas au second. En ne boudant pas son plaisir. Sans se moquer. Car, souvent, la musique des années 80 est utilisée de manière kitsch, un peu sarcastique. Or je le répète, je suis dans le point de vue de Stella. Et pour Stella, ces musiques sont merveilleuses. Qu’elles soient italiennes, françaises ou africaines. Cela reflète l’éclectisme de ce qu’on écoutait aux Bains. C’était un lieu où l’on pouvait rentrer même si on n’avait pas d’argent car il suffisait d’être « looké ». Ce mélange des genres se ressentait jusque dans la playlist où, comme dans mon film, New Order côtoyait le reggae de Linton Kwesi Johnson, Bernard Lavilliers ou Afrika Bambaataa. C’est ce mélange que j’ai voulu faire entendre, avec la limite évidemment des droits musicaux – un casse-tête qui a pris beaucoup de temps – et auquel j’ai rajouté de la musique spécialement composée pour le film par Nousdeuxtheband.

 

Avez-vous déjà en tête un troisième rendez-vous avec Stella ?

Je n’y avais pas pensé avant que la question me soit régulièrement posée par les spectateurs que j’ai rencontrés lors des avant-premières. Forcément, depuis, ça me trotte dans la tête. Et je me dis qu’avec la période de bouleversements que nous traversons dans le milieu du cinéma, il pourrait être intéressant de montrer comment j’ai commencé ma carrière et de plonger Stella dans cette période-là. Mais ce projet n’est qu’à l’état d’embryon. Et si le film finit par se faire, ce sera une fois encore dans l’idée d’aller au-delà de mon parcours personnel pour raconter quelque chose de plus universel et de plus actuel.

STELLA EST AMOUREUSE

Réalisation : Sylvie Verheyde
Scénario : Sylvie Verheyde et William Wayolle
Photographie : Léo Hinstin
Montage : William Wayolle
Musique : Nousdeuxtheband
Production : Atelier de Production
Distribution : KMBO
Ventes internationales : WTFilms
Sortie en salles : 14 décembre 2022

Soutiens du CNC : Avance sur recettes avant réalisation, Soutien au scénario (aide à l'écriture), Aide au développement d'oeuvres cinématographiques de longue durée, Aide au programme (aide à la distribution)