« La Fille au cœur de cochon », une minisérie sur la condition animale

« La Fille au cœur de cochon », une minisérie sur la condition animale

15 novembre 2022
Séries et TV
Héloïse Volle dans « La Fille au cœur de cochon ».
Héloïse Volle dans « La Fille au cœur de cochon ». France.tv Slash

Entre road-movie romantique et réflexion sur l’aberration de l’élevage intensif, le réalisateur David André a imaginé – avec Alice Vial – un conte moderne, étrange et envoûtant. Une minisérie en 8 épisodes, à voir depuis le 11 novembre sur la plateforme Slash de France TV. L’auteur décrypte l’ambition et les questionnements qu’il espère générer avec sa Fille au cœur de cochon.


Comment avez-vous conçu cette série engagée sur la place des animaux d’élevage dans notre société ?

Effectivement, il y a derrière la série un intérêt pour tout ce qui touche à l’émotion animale, comme disent les éthologues, les spécialistes de la communication animale... Il y a plein de choses qui sont discutées aujourd’hui autour de la place du vivant dans la société moderne. Dans cette idée, on a eu envie de créer un personnage qui porte cet aspect en lui, physiquement. Ce qui est le cas de Nina, la fille qui vit grâce à un cœur de cochon...

Pourquoi cet animal en particulier ?

Je me suis passionné pour son histoire récemment. Il y a un historien, Michel Pastoureau, qui a écrit Le Cochon (Gallimard, 2013), retraçant le destin si particulier de cet animal extrêmement sensible, très proche de nous, très sociable... Dans un pré, les moutons s’enfuient, les cochons viennent vous voir. Depuis l’antiquité, il y a cette intuition – qui sera confirmée par la science du XXIe siècle – que le cochon est vraiment très proche de l’être humain. Au point qu’un cœur de cochon entier a été greffé à un homme cet été, aux États-Unis ! D’un autre côté, c’est l’un des animaux les plus suppliciés de l’élevage industriel. En Chine, ils ont construit une porcherie sur 26 étages, avec des animaux qui ne voient jamais le jour. Il y a là un paradoxe complètement fou... D’ailleurs, selon de nombreux historiens, si les juifs et les musulmans ne mangent pas de porc aujourd’hui, c’est probablement parce qu’il est très proche de l’Homme... De mon côté, j’ai grandi en mangeant des croque-monsieur comme tout le monde ! (Rires.) Mais aujourd’hui, si je n’ai pas la garantie que l’animal a été élevé en plein air, dans des conditions dignes, je n’en mange pas.

Dès le début, j’ai imaginé une jeune fille comme héroïne. Parce que le regard des adolescents sur le monde est rarement pondéré. Ils sont plutôt très engagés dans leurs opinions, sans compromis […] Mais on voulait aussi quelqu’un qui explore dans sa chair la limite de la philosophie animaliste.

La série a-t-elle pour ambition de dénoncer les conditions de la production industrielle intensive de viande ?

Je ne sais pas si on veut dénoncer réellement... On a surtout voulu ne pas donner de leçon et tomber dans le pensum. C’est pour cela qu’on a fait une série un peu hors cadre, drôle, décalée. Après, on a essayé de faire ressortir des émotions afin de générer des questionnements. Maintenant, l’élevage industriel des porcs, c’est quelque chose d’aberrant. Dans un siècle, ça paraîtra fou comme concept. Le cochon est un animal extrêmement sensible et pourtant, en élevage industriel, il arrive qu’on leur coupe la queue, qu’on les castre à vif, qu’on les laisse dans leurs excréments... Certains ne voient jamais la lumière naturelle ! Quand on a vu ça en vrai, on ne regarde plus le rayon jambon du supermarché de la même manière...

La condition animale trouve un écho très fort au sein de la jeunesse d’aujourd’hui. Cela a du sens que La Fille au cœur de cochon soit diffusée sur la plateforme Slash de France TV ?

Tout à fait. D’ailleurs, dès le début, j’ai imaginé une jeune fille comme héroïne. Parce que le regard des adolescents sur le monde est rarement pondéré. Ils sont plutôt très engagés dans leurs opinions, sans compromis. Du coup, on voulait que tous ces questionnements soient incarnés par une jeune femme. Mais aussi quelqu’un qui explore dans sa chair la limite de la philosophie animaliste. Une philosophie qui dit qu’on ne peut pas tuer d’animaux pour survivre. Jamais. Or, elle, elle va mourir si elle ne reçoit pas une greffe de valve cardiaque de porc ! Quelque part, elle est prise dans ce paradoxe. On a voulu une héroïne qui se cogne sur les bords de la réflexion actuelle, au lieu d’avoir un avis tranché. Elle évolue au fil de la série. Elle n’est jamais bloquée dans ses positions.

 

Comment avez-vous choisi Héloïse Volle, qui joue justement Nina, votre héroïne ?

On a découvert Héloïse grâce à un court métrage, Matriochkas (Bérangère McNeese), sacré aux Magritte (les César belges). Dès que je l’ai vue aux essais, j’ai su que c’était elle. Elle avait ce côté effronté, et en même temps quelque chose de mystérieux. Une forme d’intériorité troublante.

Un peu comme dans The End of the F***ing World, il y a un côté conte moderne, décalé, qui dit quelque chose de sérieux mais se déroule dans un univers volontairement étrange. […] On a beaucoup travaillé cet esprit dans la mise en scène, la lumière, les décors.

Nina et Hugo (Victor Bonnel) forment un couple à part, c’est eux contre le reste du monde, qui rappelle celui de la série anglaise The End of the F***ing World (2017). Ce fut l’une de vos inspirations ?

Oui, je vois très bien ce que vous voulez dire. On les a mis volontairement dans un monde d’aujourd’hui un peu curieux, avec un petit côté insaisissable. On a beaucoup travaillé cet esprit dans la mise en scène, la lumière, les décors. Un peu comme dans The End of the F***ing World, il y a un côté conte moderne, décalé, qui dit quelque chose de sérieux mais se déroule dans un univers volontairement étrange. Ça va de pair avec le fait qu’on ne voulait pas envoyer un message trop moralisateur trop frontalement. On ne voulait pas dire aux spectateurs ce qu’il faut penser.

Catherine Ringer fait aussi une apparition étonnante. Comment avez-vous réussi à faire venir la chanteuse des Rita Mitsouko ?

Je l’avais croisée dans d’autres aventures. Elle joue très peu, mais là, elle m’a appelé un jour en me disant : « Vous cherchez une femme de 60 ans, avec une tête de rebouteuse et qui sait chanter ? Et il paraît que vous avez pensé à moi ? Ça me touche beaucoup... » Elle a eu envie de le faire, d’autant qu’elle est très sensible à la cause animale.

Au bout du compte, le but de la série n’est-il pas simplement d’amener les spectateurs à s’interroger sur leur rapport à la nature ?

Quand on regarde bien la série, on constate qu’il y a d’un côté les croyants, et de l’autre les non-croyants. Les non-croyants, ce sont les gendarmes, filmés avec des plans au pied, des courtes focales comme chez les frères Coen. Quelque chose de très froid. Et puis il y a les croyants, avec Nina et son amoureux. On se balade plutôt caméra à l’épaule, on se promène dans la nature, dans le monde animal... Encore une fois, on n’a pas voulu faire passer de message à proprement parler, mais il y a quand même cette idée que, quand on commence à regarder les choses et les animaux un peu différemment, cela induit un questionnement : quelle est la juste place de l’animal aujourd’hui ? On ne dit pas qu’il ne faut pas en manger. On dit qu’il faut probablement leur donner une place plus juste que celle qu’ils ont actuellement.

La Fille au cœur de cochon. 8x30 minutes

Créée par David André
Écrite par David André et Alice Vial
Réalisée par David André
Avec Héloïse Volle, Victor Bonnel, Éric Berger, Catherine Ringer...
Produit par Lionfish Films et Watch Next Media

Disponible sur France TV Slash

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