Faire vivre le cinéma en EHPAD : une mission civique « Cinéma et citoyenneté »

Faire vivre le cinéma en EHPAD : une mission civique « Cinéma et citoyenneté »

29 avril 2022
Cinéma
Projection du premier film des Frères Lumières à l’EHPAD Annie Girardot
Projection du premier film des Frères Lumières à l’EHPAD Annie Girardot Sandrine Tsong-Chin-Chuen

Ce travail de médiation du cinéma auprès des EHPADs et des résidences autonomie pour seniors s’insère dans la mission « Vivre ensemble » mise en place par le ministère de la Culture fin 2003 afin de sensibiliser les publics peu familiers des institutions culturelles et de lutter contre l'exclusion. Sur le terrain, un agent du CNC et deux volontaires en service civique organisent des séances de cinéma auprès d’un public senior éloigné de l’offre culturelle.


C’est en 2016, à la suite de la création du programme « Cinéma et citoyenneté », programme de Service civique, mené en partenariat entre le CNC et l’association Unis-Cité et imaginé dans le cadre du grand programme « Citoyens de la culture » lancé par le ministère de la Culture, que deux missions civiques sont créées dans le but d’amener le cinéma au sein des murs de ceux qui en sont éloignés. Cet engagement se décline en deux missions différentes : une auprès des détenus en prison, la seconde auprès des résidents d’EHPADs (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) et des résidences autonomie.

Un travail collectif et formateur 

L’essentiel du travail pour ces ateliers, se fait à trois. Un tuteur, ici Valentin Halna, chargé de la gestion documentaire et de la valorisation pédagogique des fonds cinématographiques à la direction du patrimoine du CNC, et deux volontaires en mission civique, Pauline Laroche et Mathilde Saint-Jean-Vitus, cette année, qui occupent ce rôle durant huit mois.

Il s’agit de « donner aux volontaires en service civique des conseils et les outils nécessaires pour mener en toute autonomie la création de A à Z d’un atelier de cinéma à destination des personnes âgées dans les EHPADs/Résidence Autonomie », nous explique Valentin Halna.Cela passe alors, en grande partie, par un travail de groupe : « de manière générale nous construisons les ateliers et séances tous les trois, mais aussi, avec les équipes d’animation de chaque établissement car elles travaillent au quotidien avec les résidents âgés et peuvent nous apporter des recommandations pertinentes et adaptées au public ciblé ». L’animation des ateliers se fait, elle aussi, en « équipe » car « une présentation à plusieurs voix favorise l’attention des résidents et le caractère"dynamique" de chaque séance ».

Valentin Halna et Pauline Laroche et Mathilde Saint-Jean-Vitus, deux volontaires en service civique CNC

Derrière sa casquette de tuteur, Valentin joue, en fait, essentiellement un rôle de formateur. « J’aide les volontaires à développer des compétences de médiation, mais aussi à travailler leurs voix, intonations, le rythme de leurs dictions, ainsi qu’à trouver des procédés pédagogiques, pour favoriser l’attention, la compréhension et surtout le plaisir des résidents pendant la séance ! ».

La préparation et l’organisation des séances 

Atelier de cinéma représentés en dessin par l’une des résidentes de la Résidence Jean Fourcassa à Trappes Marta
L’organisation des séances ne se fait pas en un jour, loin de là, et un important travail en amont est nécessaire. La première étape consiste à chercher un ou plusieurs films « autour d’un thème que les volontaires peuvent choisir en fonction de leurs goûts et affinités ou qui a été suggéré par l’établissement de personnes âgées ». Par la suite, les deux jeunes en mission doivent faire un travail conséquent de recherche autour des films, afin de les contextualiser. Il faut, dans l’idéal, également réfléchir à la mise en place d’une activité autour de la projection, que ce soit un quizz, un ciné-concert autour des films muets, ou bien encore un jeu de mimes. « Ces activités visent à favoriser l’immersion et à stimuler la participation des spectateurs âgés pendant la séance ». Il peut également s’agir d’un jeu favorisant l’imagination, à partir de photogrammes issus du film. Ces activités peuvent avoir lieu en amont, pendant ou après l’atelier de cinéma.

Le travail de préparation ne s’arrête pas là. D’autant plus si le film est muet, car dans ce cas la sonorisation, avec des musiques libres de droits, est aussi à leur charge. De manière plus générale, ils doivent, pour chaque atelier, créer un diaporama PowerPoint qui permet d’accompagner d’images leurs présentations orales et, une semaine avant la séance, envoyer aux établissements une affiche, conçue par leurs soins, afin de créer un « effet d’annonce ».

Les séances se déroulent en présentiel ou en distanciel, selon les établissements. Celles en présentiels ont lieu en moyenne une fois par mois, sauf dans le cas où une séance « spéciale » s’intercale entre deux plus habituelles. La régularité des séances en distanciel est plus variable et l’organisation, forcément, différente. « Dans le cas de ces ateliers en distanciel, une vidéo de présentation incluant les films projetés aura été filmée au sein de la Direction du Patrimoine Cinématographique et envoyée en amont à l’équipe d’animation de l’EHPAD/Résidence Autonomie ».

S’adapter au quotidien des résidents

Dans tous les cas de figure, l’essentiel reste de s’adapter au public âgé et à leur quotidien. Ainsi, le choix du long métrage ou des courts métrages projetés peut se faire autour d’une journée thématique, mais aussi, d’un événement organisé au sein de l’EHPAD (Raclette, Nouvel an chinois, etc…), ou encore, en réponse à une demande d’un ou plusieurs résidents âgés eux-mêmes.

Le choix de courts métrages est favorisé, pour éviter que la séance soit trop longue. « Dans les EHPADs, une heure de projection est un bon format et permet éventuellement d’accompagner la séance d’une petite activité autour du film. Pour les résidences autonomie, on peut imaginer plus aisément la projection de longs métrages d’une heure et demie environ », détaille Valentin Halna. 
Que ce soit en EHPAD ou résidence autonomie, il est important de garantir « des moments d’échanges et de discussions en fin de séance, qui permettent aux résidents d’exprimer leur ressenti ou d’évoquer des souvenirs que peuvent leur évoquer les films projetés. ».  .

Modèles de Thaumatropes réalisés par les volontaires en service civique Mathilde Saint Jean Vitus et Pauline Laroche CNC
Afin de susciter ces souvenirs et de valoriser les films du patrimoine, le choix des œuvres et archives se porte sur la période entre 1930 et la fin des années 1990, avec notamment une séance dédiée aux films publicitaires de ces décennies, ou met en avant des personnalités qui ont marqué la jeunesse des résidents. Par exemple, deux séances autour du chanteur Georges Brassens ont été organisées, dont la projection de l’unique film où ce dernier a été acteur, Porte des Lilas (1957) de René Clair.
Certaines séances portent également sur les films plus anciens, de la naissance du cinéma jusqu’aux années 1920. Une séance a notamment été l’occasion de parler des prémisses du cinéma et les résidents ont été amené à réaliser des thaumatropes à partir de modèles réalisés à l’encre de chine par les deux volontaires en service civique.

Les retours des spectateurs et du personnel

Valentin Halna explique qu’il n’y a pas de constante immuable dans les retours des spectateurs âgés. « Il y a bien sûr les fidèles de la séance, ceux qui se réjouissent d’une séance à l’autre et qui participent activement. Mais, on a aussi toujours des personnes qui n’aimeront pas les films projetés ». Néanmoins, résume-t-il : « dans l’ensemble on a un retour positif d’une bonne partie des résidents et le rapport de confiance se construit progressivement, il faut prendre son temps ». Il y a eu, évidemment, des succès plus unanimes que les autres. « Pour les séances sur Porte des Lilas et autour des œuvres de Ladislas Starewitch et Segundo de Chomón, par exemple, on a eu un vrai retour positif de plusieurs résidents ».

Quant aux personnels des EHPADs et résidences d’autonomie, ils sont pleinement convaincus des effets positifs, sur le long terme, de ces ateliers sur les résidents de leurs établissements. « Dans l’ensemble, il y a une pleine adhésion et un vrai enthousiasme concernant les ateliers que nous menons et le rapport de confiance se construit assez facilement. C’est très encourageant pour la suite. », conclut Valentin Halna.

Projection d’un très court film sur le Kinopocket Sandrine Tsong-Chin-Chuen

Liste des EHPAD-Résidence Autonomie bénéficiaires

  • EHPAD du Père Faller à Bellemagny en Alsace
  • EHPAD Marie-Thérèse à Paris – 14e arrondissement
  • EHPAD Annie Girardot à Paris - 13e arrondissement
  • EHPAD et Résidence Autonomie du Bois Soleil à Bois d’Arcy dans les Yvelines
  • Résidence Autonomie Jean Fourcassa à Trappes dans les Yvelines