J'ai appris avec émotion le décès de Youssef Chahine.
L'un des regards de la plus pure tradition du cinéma égyptien s'est définitivement éteint avec la disparition de Youssef Chahine.
Acteur, scénariste, réalisateur et producteur, il a choisi le 7ème art pour dénoncer sans relâche, avec passion et engagement, les dérives de cet Orient qu'il aimait tant. Youssef Chahine, l'âme chevillée au corps, a démontré une fidélité acharnée à ses convictions - son aversion pour la censure et tous les intégrismes, d'où qu'ils viennent, ainsi que la nécessité de son combat pour l'avènement d'un monde plus tolérant et plus juste.
Son cinéma, riche d'une quarantaine d'œuvres, est traversé, de bout en bout, par la force de sa colère mais aussi par la force de son idéal universel. On se souvient notamment de la puissance du « Destin » ou de son dernier film « le Chaos », implacables critiques contre l'oppression, l'obscurantisme et la corruption mais également merveilleuses odes à la liberté, à la tolérance et aux vertus salvatrices de la pensée. Le cinéma de Youssef Chahine qui multiplie les genres, du mélodrame chanté « J'ai quitté ton amour », à la reconstitution historique « Adieu Bonaparte » ou encore l'évocation autobiographique « La terre » et « Alexandrie pourquoi ?» restera à tout jamais dans nos mémoires comme le cinéma par excellence de la contestation, de la résistance et de l'espoir tout comme le témoignage de l'attachement viscéral d'un homme à ses racines et à son histoire.
Le Prix du cinquantième anniversaire du Festival de Cannes, en 1997, consacre l'œuvre sans concession d'un cinéaste, dont l'âge n'a jamais érodé l'impétuosité. Il était devenu, sur la scène internationale, l'un des plus grands ambassadeurs du cinéma égyptien en même temps qu'un symbole magnifique de l'ouverture au monde.
Aujourd'hui, je conserve le souvenir d'un créateur talentueux et exigeant mais aussi celui d'un homme courageux particulièrement généreux et profondément attachant. Je transmets à sa famille, ses proches, ses amis, mes plus sincères condoléances.
Véronique Cayla
