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« Douce » : une mini-série qui désacralise la maternité en animation

« Douce » : une mini-série qui désacralise la maternité en animation

03 juillet 2025
Séries et TV
Douce
"Douce" réalisé par Isabelle Lenoble Vivement Lundi ! / Tébéo & TébéSud

Produite par Vivement Lundi !, diffusée sur les réseaux sociaux et la chaîne locale Tébéo & TébéSud, cette série animée, qui aborde le sujet de la maternité avec irrévérence, a cumulé plus d’1 million de vues depuis sa mise en ligne fin mai. Son autrice et réalisatrice, Isabelle Lenoble, nous raconte la fabrication de ce projet, construit autour d’un personnage féminin original, croqué en animation 2D et en format vertical pour le téléphone.


En 2021, Douce a reçu le prix Coup de cœur de l’AGrAF (les Auteurs Groupés de l’Animation Française). Le projet a-t-il démarré à ce moment-là ?

Isabelle Lenoble : Non, il a débuté bien plus tôt. J’avais réalisé une petite bande dessinée sur le sujet il y a très longtemps, qui s’est métamorphosée avec le temps. Le Coup de cœur de l’AGrAF a été un déclencheur. C’est là que nous avons décidé d’en faire une série d’animation, avec la société de production Vivement lundi !

Pourquoi avoir choisi d’intituler votre héroïne Douce ?

Justement parce qu’elle ne l’est pas ! J’ai cherché spécifiquement un prénom qui évoque la maternité. Et je n’ai pas souhaité faire un personnage trop doux, exprès. J’ai voulu créer un contraste entre l’image que la société a de la maternité et ce qu’elle est réellement.

J’ai voulu créer un contraste entre l’image que la société a de la maternité et ce qu’elle est réellement.
Isabelle Lenoble
Réalisatrice

Qu’avez-vous voulu raconter précisément ?

À l’origine, je voulais surtout créer un personnage féminin à la Homer Simpson ! (Rires) Car son équivalent féminin n’existe pas. Je souhaitais faire un personnage « un peu bête », et le pousser à l’extrême. Or dans la maternité, il est difficile d’aller dans ces extrêmes, puisque la mère reste quand même sacrée dans notre société. Mais je trouvais drôle de démystifier le côté doux de la maternité. Je n’étais pas dans le questionnement de la charge mentale, j’avais surtout envie de « faire des bêtises » avec mon personnage. Par exemple, l’épisode où Douce, enceinte, va à un rendez-vous Tinder. Ça m’a amusée d’écrire cette scène car elle se moque totalement du regard des autres.

Pourquoi avoir choisi l’animation ?

On peut tout dire en animation. C’est un support très libre par rapport à la fiction classique. On peut fantasmer des choses, même graphiquement. Grâce à cette technique, je pouvais transformer mon personnage pour qu’elle soit un peu toutes les femmes à la fois. Parfois, elle est « laide », parfois elle est vieille, parfois elle est magnifique, parfois elle semble plus jeune… Elle nous représente toutes.

Pourquoi avoir opté spécifiquement pour de l’animation en 2D ? Qu’est-ce que ce choix vous a permis d’exprimer ?

L’animation en 2D, c’est un dessin lâché, un trait libre, qui me permet de garder mon style, comme les croquis que je peux dessiner sur un coin de table. Les techniques d’animation nous donnent aujourd’hui l’opportunité de jouer facilement avec ce style. Dans un épisode, Douce peut avoir cinq ou six formes différentes. Seul son chignon nous rappelle qu’il s’agit d’elle. Mon univers graphique me permet de ne pas me cantonner à un graphisme figé dans le temps. J’ai pu faire tout le story-board moi-même, et garder mon style d’un plan à l’autre. Je n’avais pas de modèle prédéfini ce qui est rare en animation. Grâce à mon producteur, Mathieu Courtois (Vivement Lundi !), j’ai eu la liberté de dessiner comme je l’entendais. Peu importait la forme du personnage.

Comment s’est déroulée la fabrication de Douce ?

Son écriture et sa préparation ont duré un an. Puis son animation a pris cinq mois. Sa production s’est déroulée entre le studio Personne n’est parfait ! à Rennes, qui s’est occupé des décors, et celui de Sun Creature à Bordeaux, qui s’est chargé de la partie animation. J’ai fait toutes les poses clés, juste avant l’animation. C’est-à-dire que j’ai décortiqué au maximum les poses des personnages et le graphisme pour que les animateurs puissent construire les plans comme ils l’entendaient.

Avec son format court adapté à la diffusion sur mobile, Douce est-elle pensée comme une série de consommation rapide ?

Le fait de voir la série sur un téléphone change la manière de la consommer, en effet. Un peu comme une pâtisserie qu’on déguste sur le pouce. Le rythme est différent et le travail également parce qu’il faut que chaque réplique percute plus directement que dans une série classique, qui peut prendre son temps. Et visuellement, nous allons à l’essentiel. Nous ne pouvons pas avoir trop de détails.

Travailler un format vertical, est-ce très différent ?

Le format ne change rien à l’écriture. Mais pour la mise en scène, il faut penser les choses autrement. Par exemple, les champs/contrechamps sont compliqués à construire en vertical. Quand deux personnages se parlent, il faut innover et trouver des astuces. À l’inverse, ce format portrait est très adapté pour les gros plans. J’ai pu me permettre des plans très rapprochés, avec juste les yeux et la bouche visibles. En revanche, deux personnages côte à côte ne « rentrent » pas dans l’écran en format vertical. C’est un petit défi en tant que créatrice. Au début, j’ai râlé, et puis je me suis vraiment amusée à reprendre et corriger les codes du genre, les petits réflexes. J’ai pu dépasser le cadre. Et c’est chouette !

L’animation en 2D, c’est un dessin lâché, un trait libre, qui me permet de garder mon style, comme les croquis que je peux dessiner sur un coin de table. 
Isabelle Lenoble
Réalisatrice

Comment voyez-vous la suite ?

Douce a cumulé plus d’un million de vues depuis sa mise en ligne fin mai. Et j’en suis très heureuse ! Désormais j’ai envie d’aller plus loin, de parler de la condition des femmes et des mères dans la cinquantaine. En ce moment par exemple, j’écris un long métrage, qui mêlera prises de vues réelles et animation.

Douce, mini-série de 9x3mn
à voir sur Tébéo & Tébésud, Instagram (@douce_laserie), TikTok, YouTube
depuis le 20 mai 2025

Affiche de « Douce »
Douce © Vivement Lundi !

Crée et réalisée par Isabelle Lenoble
Produite par Mathieu Courtois
Production : Vivement Lundi ! en coproduction avec Personne n’est parfait

Douce a bénéficié de l’aide automatique du Fonds de soutien audiovisuel (FSA) du CNC.